Le corps dans la vision personnaliste du don (Jean-Paul II)

Le corps dans la vision personnaliste du don (Jean-Paul II)

Jean-Paul II se situe à la fois comme théologien et philosophe : théologien, il s'appuie sur l'Ecriture ; philosophe, il développe une philosophie personnaliste du don réciproque, une philosophie que tout être humain, même non-chrétien, peut comprendre et faire sienne.

Nous ne donnons ici qu'un bref aperçu, avec une bibliographie pour aller plus loin.

Jésus-Christ n'a jamais déprécié la sexualité, preuve en sont ses deux généalogies rapportées dans l'Evangile de Luc (Lc 3, 23-38) et de Matthieu (Mr 1, 1-17), et qui, sauf pour la conception virginale de Jésus, sont des généalogies sexuées.

Tandis que les disciples découragés dévalorisent le mariage, Jésus introduit l'appel au célibat pour le royaume dans la perspective même du dessein du Créateur incluant le mariage. Vivre le don de soi dans le célibat valorise le mariage car il en indique la beauté profonde et éternelle. La beauté du mariage n'est pas l'éros mais le don de soi authentique qui anime l'éros.

« Les disciples lui disent: "Si telle est la condition de l'homme envers la femme, il n'est pas expédient de se marier." Il leur dit: "Tous ne comprennent pas ce langage, mais ceux-là à qui c'est donné. Il y a, en effet, des eunuques qui sont nés ainsi du sein de leur mère, il y a des eunuques qui le sont devenus par l'action des hommes, et il y a des eunuques qui se sont eux-mêmes rendus tels pour le Royaume des Cieux. Qui peut comprendre, qu'il comprenne!" » (Matthieu 19, 9-12)

En répondant aux disciples, Jésus n'oppose pas la continence au mariage mais il s'appuie sur un autre principe, celui de la vie éternelle[1].

Jean Paul II explique que celui qui choisit la continence pour le royaume des cieux est une lumière pour le monde : celui-là désigne « la virginité de l'homme ressuscité » et la « signification sponsale du corps glorifié »[2], c'est à dire le fait que nous soyons hommes et femmes pour le don réciproque de l'Alliance.

A la résurrection, tout ce qui est personnel en l'homme sera parfaitement réalisé dans le primat de l'esprit. Une personne chaste le vit déjà maintenant. Comme dit Jean Paul II :

« La perfection ne peut consister dans une opposition réciproque de l'esprit et du corps (cf. Rm 7, 23), mais dans une profonde harmonie entre eux, dans la sauvegarde du primat de l'esprit. Dans l' "autre monde" ce primat se trouvera réalisé et il se manifestera dans une parfaite spontanéité qui ne connaîtra aucune opposition de la part du corps. Cependant, cela ne signifie pas une "victoire" définitive de l'esprit sur le corps. La résurrection consistera dans la parfaite participation de tout ce qui est corporel en l'homme à ce qui est spirituel en lui. La résurrection consistera en même temps dans la parfaite réalisation de ce qui est personnel en l'homme. » [3]

A la résurrection, la vision de Dieu fera naître un amour d'une telle profondeur qu'elle rendra chaste. Certains le vivent déjà maintenant. Comme dit Jean Paul II :

« La situation eschatologique[4] dans laquelle "ils ne prendront ni femme ni mari" (Mt 22, 30) a son fondement dans le statut futur du sujet personnel, quand, par la vision de Dieu "face à face", naîtra en lui un amour d'une telle profondeur et d'une telle force de concentration sur Dieu même qu'elle absorbera complètement sa subjectivité psychosomatique. » [5]

Une telle philosophie du corps trouve confirmation dans le cas particulier en Marie de Nazareth qui a vécu la virginité et l'Assomption.


[1] Jean-Paul II, Audience générale du 12 mars 1982

[2] Jean-Paul II, Audience générale du 24 mars 1982

[3] Jean-Paul II, Audience générale du 9 décembre 1981

[4] Eschatologique : propre aux derniers temps, aux fins dernières.

[5] Jean-Paul II, Audience générale du 16 décembre 1981.

Bibliographie pour aller plus loin :

Jean-Paul II, Homme et femme il les créa; Une spiritualité du corps, Cerf, 2007.

Yves Semen, La sexualité selon Jean-Paul II, Presses de la Renaissance, 2004.

Yves Semen, La spiritualité conjugale selon Jean-Paul II, Presses de la Renaissance, 2010

Karol Wojtyla, La boutique de l'orfèvre, Éditions Cana/Cerf, Paris 1998. (Pièce de théâtre)

Karol Wojtyla, Amour et responsabilité, Stock, 1978.

L'encyclique Deus caritas est, Benoît XVI approfondit ces thèses.


Synthèse Françoise Breynaert