Déformations médiévales de la miséricorde de Marie

Déformations médiévales de la miséricorde de Marie

La liturgie et les docteurs de l'Eglise donnent un enseignement précis sur la miséricorde de Marie, mais les récits populaires (fioretti) s'écartent parfois de la règle de la foi.

  • Le premier type de déformation de la miséricorde de Marie consiste à opposer la miséricorde à la loi et à la vérité, et à donc à ne plus enseigner que la miséricorde est une « reconstruction du bien », dans le cœur du pénitent et dans la société. Dans ce type de récit, il n'est plus question de repentir ni de réparation, ce type de récits donnent à la Vierge Marie un rôle amoral.

  • A l'opposé, on trouve des récits de miracles présentant la Vierge Marie comme une déesse dont il faudrait apaiser la colère. C'est l'excès inverse du précédent, mais cet excès s'enracine dans la même religiosité encore mal évangélisée et emprunte de réflexes pré-bibliques (le marchandage animiste avec « les esprits »).

Exemples :

  • - Voici, en résumé, un exemple de la première catégorie : Une abbesse tomba amoureuse d'un page dont elle tomba enceinte. Les nonnes la dénoncent à l'évêque. L'abbesse implore la Vierge qui fit disparaître l'enfant et le confiant à un ermite. L'évêque, venu faire son enquête, ne trouvant pas d'enfant, disculpe l'abbesse. Plus tard, sous le sceau de la confession, elle avoua la vérité. L'évêque, impressionné, envoya chercher l'enfant, qui, en son temps, devint évêque du diocèse ![1]

  • - On trouve à l'opposé des exemples de la seconde catégorie chez Flodoard (archiviste de la cathédrale de Reims, mort en l'an 966), chez Guillaume de saint Pathus, au temps du roi saint Louis, et chez bien d'autres auteurs[2]. Marie peut être à ce point vindicative que d'autres saints doivent s'interposer pour arrêter sa colère ![3]


[1] Résumé d'un miracle transcrit dans Bernard PEZ, Liber miraculis Sanctae Mariae Dei genitix, 1731, réédité aux éditions Crâne, Ithaca 1925, pp. 51-55

[2] Cf. G. DUBY, L'Europe au Moyen Age, Paris 1984, p.32.

[3] Guy Philippart, Le récit miraculaire marial dans l'Occident médiéval, dans Marie, le culte de la Vierge dans la société médiévale, Beauchêne, Paris 1996, p. 570

F. Breynaert