Le Coran affirme-t-il la maternité virginale de Marie ?

Le Coran affirme-t-il la maternité virginale de Marie ?

En 1970, lors du 5ème pèlerinage national à Notre Dame du Mali, Reine de la Paix (Kita, Mali), Mgr Mariani, délégué apostolique de l’Afrique occidentale, prit la parole ainsi :

« Vous, chrétiens du Mali, vous vous unissez avec votre présence aux hommages qui montent vers la Vierge Marie. Et vous, croyants, qui sans être chrétiens, êtes venus vous unir à notre prière, vous avez exprimé votre foi dans la maternité virginale de Marie, qui devient ainsi le lien entre les chrétiens et les musulmans. » (1)

Il y a une croyance populaire très fréquente chez les musulmans que Marie aurait conçu virginalement (sans pour autant concevoir le Fils de Dieu) ; mais cette croyance provient-elle d'une influence chrétienne ou du Coran ?

Nous allons voir que l'enseignement du Coran à ce sujet est loin d'avoir été clairement formulé !

Un climat étrange.

« Elle devint enceinte de l'enfant puis elle se retira avec lui dans un lieu éloigné. Les douleurs la surprirent auprès du tronc du palmier. Elle dit : "Malheur à moi ! Que ne suis-je déjà morte, totalement oubliée !".

L'enfant qui se trouvait à ses pieds l'appela : "Ne t'attriste pas ! Ton Seigneur a fait jaillir un ruisseau à tes pieds. Secoue vers toi le tronc du palmier ; il fera tomber sur, toi des dattes fraîches et mûres. Mange, bois et cesse de pleurer.

Lorsque tu verras quelque mortel, dis : "J'ai voué un jeûne au Miséricordieux; je ne parlerai à personne aujourd'hui". »

(Coran 19, 22-26)

On peut voir dans ces lignes la description d'une retraite spirituelle et , avec une volonté toute aussi de jeûne et de silence, quelque chose qui rapprocherait l'islam de la spiritualité chrétienne. C'est la position du père Maurice Borrmans (2).

On peut cependant s'étonner, comme le père Pagès (3), que Miryam aille dans un lieu éloigné, où elle est en danger d'agressions de toutes sortes, et risque une mauvaise réputation. Et on peut s'étonner que l'enfant invite Myriam à mentir au sujet d'un jeûne qu'elle n'a pas pratiqué puisqu'au contraire elle mange des dattes !

Les calomnies

On sait que, très tôt, des traditions juives ont accusé Marie des fautes les plus graves : fornication, maternité illégitime, etc... Pour le Judaïsme talmudique, Marie est une prostituée et Jésus est un bâtard (Yebamoth 49b ; Shabbath 104b ; Sanhédrin 106a & b).

Le Coran se fait l'écho de ces calomnies. Si les siens disent : "ta mère n'était pas une prostituée", c'est pour suggérer qu'elle, Myriam, est bel et bien une prostituée.

« Elle se rendit auprès des siens, en portant l'enfant.

Ils dirent : "O Marie ! Tu as fait quelque chose de monstrueux ! O soeur d'Aaron ! Ton père n'était pas un homme mauvais et ta mère n'était pas une prostituée".

Elle fit signe au nouveau-né et ils dirent alors : "Comment parlerions-nous à un petit enfant au berceau ?".

Celui-ci dit : "Je suis, en vérité, le serviteur de Dieu. Il m'a donné le Livre ; il a fait de moi un Prophète ; il m'a béni, où que je sois. Il m'a recommandé la prière et l'aumône - tant que je vivrai -et la bonté envers ma mère. Il ne m'a fait ni violent ni malheureux.

Que la Paix soit sur moi, le jour où je naquis ; le jour où je mourrai ; le jour où je serai ressuscité" »

(Coran 19,27-33)

Le père père Maurice Borrmans voit dans ce climat tragique une preuve supplémentaire, s'il en était besoin, que pour le Coran et l'Islam, Marie est vierge quand elle conçoit.

Pour cela, il souligne le fait que Marie, soupçonnée par les siens, semble inviter le nouveau-né à prendre sa défense.

M Borrmans souligne aussi le contraste entre d'une part Allah qui comble de Sa paix l'enfant et sa mère (sourate 19), et d'autre part le fait que les Juifs soient maudits par Allah « parce qu'ils ont proféré une horrible calomnie contre Marie » (Coran 4,156b).

Cependant, nous observons très simplement que le nouveau-né dit seulement qu'Allah lui a recommandé la bonté envers sa mère (il ne dit pas que sa mère est vierge).

Et, par ailleurs, la calomnie évoquée dans le Coran 4, 156 est :

"155.(Nous les avons maudits) à cause de leur rupture de l'engagement, leur mécréance aux révélations d'Allah, leur meurtre injustifié des prophètes [...] 156. Et à cause de leur mécréance et de l'énorme calomnie qu'ils prononcent contre Marie. 157. et à cause leur parole: ‹Nous avons vraiment tué le Christ, Jésus, fils de Marie, le Messager d'Allah›... Or, ils ne l'ont ni tué ni crucifié; mais ce n'était qu'un faux semblant!"

(Coran 4)

S'il était si clair que le Coran reproche aux Juifs d'avoir dit que Marie était une prostituée, ce serait sans doute plus clairement dit.

Une autre lecture semble possible avec le père Pagès.

Le respect pour celle qui passe pour être la Vierge Marie, Miryam, et qui par ailleurs est dite préférée à toutes les femmes (Coran 3.42) est aussi illusoire qu'est irréelle l'existence de cette Miryam, puisque, nous dit la sourate 19, elle est la sœur d'Aaron, or nous savons qu'Aaron vécut environ 1200 ans avant Jésus... Cette plongée de Miryam et de son Fils en plein Ancien Testament trahit le Judaïsme rabbinique pour qui n'existe que l'Ancien Testament.

De plus, il faut observer avec quel réalisme il est dit que l'esprit d'Allah lui apparait « sous la forme d'un homme parfait » (Coran 19.17), c'est-à-dire qui n'est pas eunuque - il reconnaît n'être pas Dieu, mais seulement « son envoyé », «pour lui donner un enfant» (19.19).

A ses propos, Miryam se contente de répondre qu'aucun homme ne l'a touchée et qu'elle n'est pas « une prostituée » (19.20), propos, on en conviendra, aussi superflu que peu décent.

Autres éléments de discussion.

Le père Pagès fait aussi observer :

  • Le fait que le Coran dise que Miryam « était restée vierge » (66.12), avant la conception du Messie, ne dit pas qu'elle l'est restée toujours.

  • Dans le Coran, la virginité consacrée n'est pas un choix de vie possible (24.32).

  • Le Coran ne cesse de répéter : « Il ne convient pas à Allah de se donner un fils » (19.92,35 ; 10.68 ; 23.91 ; 2.116 ; 39.4 ; 43.81 ; 4.171). Si donc « Il ne convient pas à Allah de se donner un fils », c'est qu'Issa n'a pas été engendré par Allah (pour le Coran Issa n'est pas dans l'état de Fils du Très Haut avant de devenir le Fils de Marie, le Verbe incarné), et si Issa n'a pas été engendré par Allah, c'est donc qu'il a été engendré par un homme.

  • Le Coran confirme l'idée de la conception charnelle du Messie lorsque pour nier la nature divine du Messie, il renie le caractère unique de Sa conception en identifiant celle-ci à celle d'Adam (Coran 3.59), pour la création duquel Allah a eu besoin de sperme (Coran 16.4)... (contrairement au récit biblique !)

Ce simple article, qui n'a pas prétention à l'exhaustivité, suffit à montrer qu'il y a bien des zones obscures et que le rapprochement de l'islam avec le christianisme sur le thème de la virginité de Marie n'est pas un rapprochement solide.


(1) Attilio Galli, Madre della Chiesa dei Cinque continenti, Ed. Segno, Udine, 1997, p.714

(2) Maurice Borrmanns, Pour comprendre les musulmans, 2010.

(3) Guy Pagès, Interroger l'islam : Eléments pour le dialogue islamo-chrétien, DMM, 2013. Préface de Mgr Giuseppe Bernardini, Archevêque émérite d'Izmir (Smyrne, Turquie).

Synthèse F. Breynaert