La chasteté sacerdotale, de la première à la nouvelle Alliance

La chasteté sacerdotale, de la première à la nouvelle Alliance

De l'Ancien Testament au Nouveau.

Dans l'Ancien Testament, un prêtre ne pouvait s'approcher des saintes offrandes consacrées - autrement dit, il ne pouvait pas officier au temple - en état d'impureté, par exemple après avoir un touché un cadavre ou après avoir émis un liquide séminal. Il devait se laver et attendre le soir pour être purifié (Lv 22, 1-9).

Dans l'Ancien Testament, on est prêtre de père en fils (tribu de Lévi). Les prêtres ne sont pas en permanence de service au temple, entre temps, ils peuvent s'unir à leurs épouses et procréer.

Jean-Baptiste est à la charnière entre l'Ancienne et la Nouvelle Alliance.

Dans la Nouvelle Alliance, les prêtres ne sont pas prêtre de père en fils mais par appel du Christ. Dans l'Eglise des premiers siècles, les prêtres n'étaient pas forcément célibataires, mais ils vivaient une continence parfaite.

Nous lisons quelques passages du Nouveau Testament puis leur commentaire dans l'Eglise des premiers siècles.

1 Corinthiens 9, 5.

« N'avons-nous pas le droit d'emmener avec nous une femme chrétienne, comme les autres apôtres, et les frères du Seigneur, et Céphas? » (1Co 9, 5)

Dans les codex grecs de ce verset, saint Paul parle de « 'adelphèn gunaika », c'est à dire d'une femme (n'importe quel âge, vierge, mariée ou veuve) sœur (sœur biologique ou sœur dans la foi chrétienne).

Isidore de Péluse († v. 435) commente : « ce n'était pas pour procréer des enfants, ou pour mener avec eux la vie commune, mais à la vérité pour les assister de leur biens, et pourvoir à la subsistance des hérauts de la pauvreté. » Si Paul les a qualifiées de femmes-soeurs, c'est que « par le mot de sœur il voulait montrer leur chasteté, et par celui de femme désigner leur nature. »[1]

Explications analogues par saint Jérôme[2] et par Tertullien[3].

A l'opposé, on trouve un récit racontant qu'un certain Paphnuce, évêque et confesseur de la foi aurait demandé au concile de Nicée de ne pas imposer la continence aux prêtres. L'étude approfondie montre qu'il s'agit d'affabulation progressive : il a bien existé un Paphnuce martyre mais il n'était pas évêque. Le nom de Paphnuce manque dans presque toutes les listes de participants au concile de Nicée, et quand il est présent, il n'est pas à la même position, ce qui trahit l'inauthenticité de sa présence[4].

Autres textes de saint Paul.

Lorsque saint Paul dit que les responsables de communauté étaient des hommes mariés, le fait qu'ils devaient avoir été mari d'une seule femme (1Tm 3, 1-13) était le signe de leur capacité à vivre cette continence une fois entrés dans le ministère. C'est ainsi que le comprenait le pape Sirice au IV° siècle.

La signification de cette continence est suggérée dans une autre lettre de saint Paul, quand il explique que le Christ est « l'époux de l'Eglise » (Eph 5, 25-32). Or c'est le Christ représentent que les apôtres, et après eux les prêtres.

Décrétale « Directa » du pape Sirice le 10 février 385, en réponse à l'évêque espagnol Himère.

« Nous avons appris, en effet, que de nombreux prêtres et diacres du Christ, longtemps après leur consécration, ont mis au monde des enfants, soit en s'unissant à leur épouse, soit en se livrant à un commerce honteux. Et d'alléguer pour excuse à leur faute le fait que, dans l'Ancien Testament, - ainsi qu'on peut le lire - l'autorisation d'engendrer était accordée aux prêtres et aux ministres.

Quel qu'il soit, ce disciple des passions et ce précepteur des vices, s'il estime que dans la loi de Moïse le Seigneur laisse indistinctement aux Ordres sacrés licence de satisfaire leurs passions, qu'il me le dise à présent : pourquoi (le Seigneur) avertit-il en ces termes ceux à qui étaient confiés les choses saintes entre toutes : Soyez saints, parce que je suis saint, moi, le Seigneur votre Dieu (Lev 20, 7) ?

Et aussi, pourquoi était-il ordonné aux prêtres, pendant l'année où revenait leur tour de service, d'habiter dans le Temple, loin de leur domicile ? (sinon), de toute évidence, afin qu'ils ne puissent avoir de commerce avec leur épouse, en sorte qu'avec une conscience resplendissante d'intégrité ils présentent à Dieu des offrandes dignes d'être acceptées.

A ces hommes, une fois accompli le temps de leur service, l'usage des rapports conjugaux avait été concédé dans l'unique but de s'assurer une descendance, étant donné que personne ne pouvait être admis au ministère divin en dehors (des membres) de la tribu de Lévi. »[6]

Le pape Sirice ne donne pas de nouvelles règles, mais il redonne vigueur à ce qui n'aurait jamais dû être enfreint, la chasteté des ministres du culte.

La continuité entre l'Ancien et le Nouveau testament éclaire la motivation d'une telle chasteté.

Sans cette continuité avec le judaïsme, cette chasteté pourrait être motivée de manière trouble par des philosophies telles que l'encratisme, le mépris du mariage, et il n'est pas surprenant qu'elle soit alors contestée.[7]

Décrétale « cum in unum » du pape Sirice en l'an 386.

« En outre, comme il est digne, chaste et honnête de le faire, nous conseillons ceci : que les prêtres et les lévites n'aient pas de relations avec leurs épouses, étant donné qu'ils sont absorbés par les devoirs quotidiens de leur ministère.

Ecrivant aux Corinthiens, Paul dit en effet : Abstenez-vous, pour vaquer à la prière (1 Co 7, 5). Si donc la continence est requise des laïcs, afin qu'ils puissent être exaucés dans leurs prières, à combien plus forte raison le prêtre doit-il se tenir prêt à tout moment et, grâce à une pureté sans tache, ne pas avoir à redouter d'être obligé d'offrir le sacrifice ou de baptiser. [...]

Peut-être croit-on que cela est permis parce qu'il est écrit Le mari d'une seule femme (1Tm 3, 2) ? Mais (Paul) n'a pas parlé d'un homme qui persisterait dans le désir d'engendrer ; il a parlé en vue de la continence qu'il lui faudrait pratiquer. »[8]

La fidélité à une seule femme est une garantie prouvant que le candidat sera capable de pratiquer la continence parfaite qui lui sera demandée après l'ordination.

Concile de Carthage en l'an 390.

« L'évêque Geneclius dit : "Comme on l'a dit précédemment, il convient que les saints évêques et les prêtres de Dieu, ainsi que les lévites, c'est-à-dire ceux qui sont au service des sacrements divins, observent une continence parfaite, afin de pouvoir obtenir en toute simplicité ce qu'ils demandent à Dieu ; ce qu'enseignèrent les apôtres, et ce que l'antiquité elle-même a observé, faisons en sorte, nous aussi, de le garder."

A l'unanimité, les évêques déclarèrent : "Il nous plaît à tous que l'évêque, le prêtre et le diacre, gardiens de la pureté, s'abstiennent [des relations conjugales] avec leur épouse, afin qu'ils gardent une chasteté parfaite ceux qui sont au service de l'autel." » (Concile de Carthage en l'an 390)[5]

Le service de l'Eucharistie est le fondement spécifique de la continence demandée aux prêtres. Cette continence leur ouvre des rapports très simples avec Dieu, afin d'être des médiateurs exaucés.

Le concile de Trente (1545-1563).

Le concile de Trente a réuni une commission de théologiens pour savoir si le célibat sacerdotal remontait aux apôtres.

En ce qui concerne les hommes mariés admis aux ordres (un fait d'histoire que personne ne conteste), Claudes de soutient que l'obligation de continence parfaite à laquelle ils sont tenus à partir de l'ordination est d'origine apostolique.

Enfin, notons que tous les consultants qui abordent la question du mariage des apôtres affirment sans hésitation que, suivant leur propre affirmation « Seigneur, nous avons tout quitté pour te suivre » (Mt 19, 27), il est évident qu'ils ont aussi abandonné la vie conjugale avec leur épouse.

Le concile de Trente (Dz 1809) est toujours d'actualité dans la mesure où ses théologiens ont passé en revue les objections classiques[9].

Pie IX

C'est à cette longue tradition que fait référence Pie XI dans l'encyclique, Ad sacerdotii catholici, en citant aussi l'exemple de saint Joseph, pour encourager le célibat des prêtres[10].

Le témoignage des saints

Dans le mariage, l'amour de Jésus inclut l'amour du prochain (l'époux, l'épouse) mais d'un unique prochain. Dans la vie consacrée, l'amour sponsal symbolise exclusivement l'amour de Jésus, de « Jésus seul ». Pour un religieux ou un prêtre, l'amour de Jésus est l'essence même du vœu de chasteté. Thérèse de Lisieux écrivait à un séminariste : « Votre âme n'est-elle pas la fiancée de l'Agneau divin et ne deviendra-t-elle pas bientôt son épouse, le jour de votre ordination au sous-diaconat ? [qui inclut l'engagement dans le célibat] »[11]. Et la bienheureuse Dina Bellanger écrit : « Le Don de Dieu pour les âmes consacrées, c'est le Cœur de l'époux »[12]. C'est dans cette perspective mystique qu'il faut comprendre la tentation et la victoire de saint Antoine-Marie, alors séminariste : « Un jour, Antoine est obligé de garder le lit pour se guérir d'une forte grippe. Son corps tremble de fièvre et des images impures se présentent à son esprit. Il invoque alors la Vierge qui lui apparaît tenant dans ses mains une couronne de roses. "Antoine, lui dit-elle, si tu remportes la victoire, cette couronne est pour toi !". Antoine triomphe de la tentation et le calme revient dans son âme. » [13]


[1] Demonstratio evangelica, III, 4, 37, GCS 23, 117. Cité par C. Cocchini, Ibid., p. 106

[2] Adversus Jovinianum I, 26

[3] De Monogamia, 8. Cité par C. Cocchini, Ibid., p. 105

[4] C. Cocchini, Origines apostoliques du célibat sacerdotal, éditions Lethielleux, Paris, 1981, p.221-225.

[5] C. Cocchini, Ibid., p. 26

[6] PL 13, 1138a-1139a

[7] C. Cocchini, Ibid., p.60-62.

[8] PL 1160a-1161a. cité par C. Cocchini, Ibid., p. 32

[9] C. Cocchini, Ibid., p. 42

[10] Pie XI, encyclique Ad sacerdotti catholici, § 30

[11] Thérèse de Lisieux, Lettre 82

[12] Dina Bellanger, Autobiographie, éditions religieuses de Jésus-Marie, Québec 1995, p. 206

[13] https://reflexionchretienne.e-monsite.com/pages/vie-des-saints/octobre/saint-antoine-marie-claret-eveque-fondateur-des-missionnaires-fils-du-coeur-immacule-de-marie-fete-le-24-octobre.html (le 30 août 2013).


Synthèse Françoise Breynaert

Partie : Marie, l'Eucharistie et le sacerdoce (Doctrine)