Le désir de la vie éternelle est-il important ? (Benoît XVI)

Le désir de la vie éternelle est-il important ? (Benoît XVI)

Peut-être aujourd'hui de nombreuses personnes refusent-elles la foi simplement parce que la vie éternelle ne leur semble pas quelque chose de désirable.

La vie éternelle qu'est-ce que c'est ?

« Or, la vie éternelle, c'est qu'ils te connaissent, toi, le seul véritable Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ. » (Jn 17, 3)

« "Vie éternelle" signifie la vie elle-même, la vraie vie, qui peut être vécue aussi dans le temps et qui ensuite ne s'achève pas par la mort physique. [...]

L'homme a trouvé la vie quand il s'attache à celui qui est lui-même la vie. Alors beaucoup de choses peuvent être détruites en lui. La mort peut l'enlever de la biosphère, mais la vie qui la transcende, la vraie vie, celle là demeure.

L'homme doit s'introduire dans cette vie que Jean, la distinguant du bios, appelle zoè.

C'est la relation avec Dieu en Jésus-Christ qui donne cette vie qu'aucune mort n'est en mesure d'enlever. »

Joseph Ratzinger, Benoît XVI, Jésus de Nazareth. De l'entrée à Jérusalem à la Résurrection. Parole et Silence, Paris 2011, p. 105.107

La vie éternelle est à la fois connue et inconnue.

« Nous ne savons pas ce que nous voudrions vraiment; nous ne connaissons pas cette "vraie vie" ; et cependant, nous savons qu'il doit exister un quelque chose que nous ne connaissons pas et vers lequel nous nous sentons poussés[1]

(Benoît XVI, Spe salvi § 11)

« L'expression "vie éternelle" cherche à donner un nom à cette réalité connue inconnue.

Il s'agit nécessairement d'une expression insuffisante, qui crée la confusion.

En effet,

"éternel" suscite en nous l'idée de l'interminable, et cela nous fait peur;

"vie" nous fait penser à la vie que nous connaissons, que nous aimons et que nous ne voulons pas perdre et qui est cependant, en même temps, plus faite de fatigue que de satisfaction, de sorte que, tandis que d'un côté nous la désirons, de l'autre nous ne la voulons pas.

Nous pouvons seulement chercher à sortir par la pensée de la temporalité dont nous sommes prisonniers et en quelque sorte prévoir que l'éternité n'est pas une succession continue des jours du calendrier, mais quelque chose comme le moment rempli de satisfaction, dans lequel la totalité nous embrasse et dans lequel nous embrassons la totalité. Il s'agirait du moment de l'immersion dans l'océan de l'amour infini, dans lequel le temps - l'avant et l'après - n'existe plus.

Nous pouvons seulement chercher à penser que ce moment est la vie au sens plénier, une immersion toujours nouvelle dans l'immensité de l'être, tandis que nous sommes simplement comblés de joie.

C'est ainsi que Jésus l'exprime dans Jean: "Je vous reverrai, et votre cœur se réjouira; et votre joie, personne ne vous l'enlèvera" (Jn 16, 22).»

(Benoît XVI, Spe salvi § 12)

L'espérance chrétienne de la vie éternelle est communautaire.

La Lettre aux Hébreux parle d'une "cité" (cf. 11, 10.16; 12, 22; 13, 14) et donc d'un salut communautaire.

Saint Augustin commence la lettre à Proba (sur la vie éternelle) en commentant le Psaume 144 [143], 15: « Bienheureux le peuple dont le Seigneur est le Dieu ».

(Cf. Benoît XVI, Spe Salvi §14)

« En tant que chrétiens nous ne devrions jamais nous demander seulement: comment puis-je me sauver moi-même? Nous devrions aussi nous demander: que puis-je faire pour que les autres soient sauvés et que surgisse aussi pour les autres l'étoile de l'espérance? Alors j'aurai fait le maximum pour mon salut personnel.»

(Benoît XVI, Spe Salvi §48)

Pourquoi l'espérance de la vie éternelle est-elle devenue individualiste et privée ?

L'histoire de la pensée montre que Dieu a été relégué dans la sphère privée quand l'espérance communautaire chrétienne s'est transformée en une espérance communautaire sans Dieu.

Pendant que cette foi dans le progrès scientifique et social a remplacé la foi en Dieu, l'espérance chrétienne s'est repliée dans une perspective étroitement individuelle.

(Cf. Benoît XVI, Spe salvi §16-18)

Pour retrouver la dimension communautaire de l'espérance chrétienne, il faut donc unir la foi et la raison :

« Un règne de l'homme seul - se conclut inévitablement par l'issue perverse de toutes les choses, décrite par Kant[2]: nous l'avons vu et nous le voyons toujours de nouveau.

De même, il n'y a pas de doute que Dieu n'entre vraiment dans les choses humaines que s'il n'est pas uniquement pensé par nous, mais que Lui-même vient à notre rencontre et nous parle.

C'est pourquoi la raison a besoin de la foi pour arriver à être totalement elle-même: raison et foi ont besoin l'une de l'autre pour réaliser leur véritable nature et leur mission. »

(Benoît XVI, Spe salvi §23)

L'espérance de la vie éternelle est donc fondamentale :

« Dieu est le fondement de l'espérance [...]

Son règne est présent là où il est aimé et où son amour nous atteint. [...]

Son amour est pour nous la garantie qu'existe ce que nous pressentons vaguement et que, cependant, nous attendons au plus profond de nous-mêmes: la vie qui est vraiment vie. »

(Benoît XVI, Spe salvi § 31)


[1] Saint Augustin, Lettre 130 à Proba sur la prière 14, 25-15, 28: CSEL 44, 68-73.

[2] Cf. E. Kant, Das Ende aller Dinge.

Extraits et synthèse par Françoise Breynaert