Le sens religieux de l'Exode

Le sens religieux de l'Exode

Le mot « Exode » signifie « sortie au dehors ».

Ce mot a dans la Bible une signification matérielle : la sortie d’Egypte. Le Seigneur dit à Moïse:

"J'ai vu, j'ai vu la misère de mon peuple qui est en Egypte. J'ai entendu son cri devant ses oppresseurs; oui, je connais ses angoisses. Je suis descendu pour le délivrer de la main des Egyptiens et le faire monter de cette terre vers une terre plantureuse et vaste..."

(Ex 3, 7-8)

Le mot « Exode » a aussi une signification spirituelle, la sortie de soi, la sortie de l’idolâtrie. Cette signification spirituelle est vécue à la fois dans une certaine continuité avec les religions anciennes et dans une rupture, une nouveauté.

Une continuité avec les religions anciennes

La foi biblique conserve le soubassement archaïque d’une foi en un Dieu qui donne la vie, et qui se retire pour que l’homme agisse.

Ce climat de confiance et d’action de grâce qui libère de la peur de mourir est accru par cette proximité de Dieu dans notre histoire.

Une rupture et une nouveauté

Mais la foi biblique constitue aussi une rupture, une nouveauté.

La contemplation des étoiles permettait aux Sumériens de prévoir les éclipses régulières du soleil. Mais certains furent tentés de prévoir aussi l'avenir, et de passer ainsi de l'astronomie à l'astromancie et l'astrologie : ils ont pris les astres pour des dieux ou plus simplement ils sont tombés dans une attitude magique, un désir de puissance (lire à ce sujet Isaïe 14, 12-15).

Les commandements donnés lors de l'Exode ôtent progressivement le réflexe de la convocation magique, le « prendre » fait place au « recevoir avec action de grâce » : respect de Dieu, on ne contrôle pas la Source !

La signification de l'Exode est celle d'une « rupture de totalité » ou rupture avec la tentation de « toute-puissance ».

Dans les mythologiques égyptiennes, mésopotamiennes, et cananéennes, voyance et divination sont bien connues. Dans cette expérience d'esprits, d'énergies, l'homme doit négocier, composer avec... Et ce marchandage avec les esprits du cosmos obscurcit la relation à Dieu.

En Egypte, la force divine de la magie, auparavant privilège royal hors de tout soupçon, était utilisée par les conspirateurs contre Ramsès III (vers 1200) et devint l'instrument d'agressions arbitraires à la basse époque (après 1100), véritable antithèse de la loi.[1] À la fin de la XXIe dynastie (vers 1000) les oracles d'Ammon régissaient tout, la royauté devint décadente.[2]

Inspiré des rites Babyloniens, il y avait en Israël des pieux sacrés ou des arbres sacrés sous lesquels avaient lieu des rites magiques ou des prostitutions sacrées (Jd 3,8 ; Jr 3,6 ; 1 R 14,23 etc).

Au contraire, l'expérience de l'Exode biblique donne l'expérience d'un Dieu vivant qui donne la manne, la colonne de nuée protectrice, dialogue, pardonne, etc.

Le peuple qui fait l'expérience de l'Exode progresse sur un chemin de renoncement aux rites magiques, qui constituent désormais des péchés, c'est à dire une rupture d'alliance envers YHWH.

Il est alors interdit (inter-dit, entre nous soit dit - c'est l'Alliance) :

- de recourir à la nécromancie et à la divination (Exode 22, 17 ; 1Samuel 28, 9).

- de s'accoupler aux animaux (Exode 22,18).

- d'enfreindre au jeûne (1 Samuel 14), à l'abstinence (2 Samuel 11), c'est-à-dire qu'il faut renoncer aux rites magiques sensés attirer la victoire en temps de guerre.

Quand l'installation en Canaan est achevée et la royauté bien établie, le prophète Elie exhorte encore à renoncer à la convocation magique liée à l'agriculture (1Roi 18) et à la médecine (2Roi 1).

Hier comme aujourd'hui, nous sommes invités non pas à marchander avec des forces impersonnelles (le vaudou, l'occultisme, ainsi que les forces aveugles de la finance ou de l'ivresse de la technique, certaines pratiques du New Age) mais à entrer en relation avec le Dieu vivant, et avec nos frères humains.

La femme comme signe d'Alliance :

Dans le mythe, la mère est vierge et sacrée, mais elle n'est que mère et la reproduction est une obsession ; et dans la vie courante, les femmes sont tantôt prêtresses et tantôt esclave.

Avec l'Exode, la femme devient un signe de l'Alliance donné à l'homme et Dieu interdit l'arbre de la connaissance magique (Genèse 2) : Dieu interdit d'exalter la femme dans un soi-disant rôle de prêtresse du divin, pour aussitôt la réduire à l'esclavage.

L'expérience de l'Exode est une expérience de dialogue et d'Alliance qui rejaillit sur la relation homme-femme et lui rend sa luminosité, en relation avec le Dieu vivant.

Passer de la peur de déplaire aux ancêtres à la foi qui ose cheminer avec Dieu :

De manière générale, les mythes anciens sont l'initiation immuable à un Dieu stable et sécurisant, mais c'est aussi la peur de déplaire aux ancêtres, les mythes ont une tendance totalitaire qui fait obstacle à la nouveauté (la nouveauté est effacée de la mémoire...).

De même, les totems donnent une identité mais ils enferment. La signification de l'Exode est au contraire celle d'une marche, d'une nouveauté vers une terre inconnue.

Cheminer ainsi, c'est faire une brèche dans un certain totalitarisme, et c'est toujours actuel.

Passer de la culpabilité d'être différent à une dynamique d'Alliance et de pardon

Auparavant l’homme ressentait une culpabilité lorsque son comportement était différent de celui du groupe ou des autres peuples.

Progressivement Israël ose être différent des autres, il n’en a plus un sentiment de culpabilité, bien au contraire, imiter les comportements des païens est compris comme étant un péché obscurcissant sa foi.

Hier comme aujourd'hui, le péché est bien moins lourd à porter que la culpabilité psychologique d’être non-conformiste car le péché est vécu à l’intérieur d’une relation d’Alliance avec un Dieu vivant. Dieu pardonne aux croyants et, en leur accordant la victoire, il les encourage sur son chemin.

Ce qui nous fait vivre est désormais nouveau

- Ce qui fait vivre le peuple, ce n'est plus les ancêtres, c'est Dieu.


- Il y a des femmes stériles et des femmes étrangères qui participent à la naissance d'un peuple, c'est nouveau.


- Un Esprit nouveau, la Ruah, fait vivre le peuple. L'Esprit de Dieu n'est pas un Esprit envoûteur Dieu, ne manipule pas la relation pour qu'elle produise tel résultat, le signe que c'est bien l'Esprit Saint qui agit est le fait que le peuple puisse dire non : Dieu veut des fils.


- Dans la manière dont il a quitté les mythes anciens, le peuple biblique a retrouvé très fortement des raisons de vivre et de mourir. Quand il fait mémoire de l’invitation de Dieu qui délivre, il renouvelle sa rencontre avec Lui. Le rappel de cette relation faite d’invitation et de liberté provoque la même attitude créatrice et décidée dans la société.


- Il n'y a pas à opposer l'Esprit aux institutions : tantôt le roi, tantôt le prophète, tantôt le prêtre vont concourir à la foi populaire.


- Ayant appris la liberté, la femme (et l’homme) peuvent être de vrais partenaires et accomplir leur désir d’aimer.

L'histoire humaine devient le lieu sacré de la révélation

Ainsi, l’Histoire humaine est le lieu sacré de la révélation d’un insaisissable partenaire divin : un Autre que l’on découvre pas à pas, ouverts à ses appels. « Je Suis Celui que je serai » dit le Seigneur à Moïse (Ex 3,14). C’est une présence qui donne son poids de gloire au réel. Cette Révélation est si forte qu’elle est une naissance, une création.

L'Exode est un commencement mais il faut la succession des générations pour dire que le Sinaï et la naissance d'Israël était véritablement une oeuvre de l'Esprit Saint.

La durée fait progresser : au désert le peuple ne sait pas où il va et il se plaint, en exil le peuple souffre encore et dit "Seigneur tu nous conduis" : c'est l'habitus de la foi.

Et Marie ?

Comme nous le comprendrons progressivement, la Vierge Marie est elle aussi impliquée dans les libérations de l'histoire. Dans le thème "Les Appels d'une Mère", vous trouverez des exemples montrant Marie impliquée dans la libération des esclaves ou dans la libération de nations entières.


[1] Erick HORNUNG Les dieux de l'Egypte, le Un et le multiple. Éd. Le Rocher, 1986. p.192 -193.

[2] Ibid. p. 174-176.

Synthèse : Françoise Breynaert