La Transfiguration de Jésus

La Transfiguration

Pour découvrir que le Christ est Dieu, il y a plusieurs voies, certaines passent par la réflexion sur les événements, d'autres passent par le fait de vivre l'Evangile, et puis, il y a son visage, son regard, sa manière d'être : le plus beau des fils des hommes rayonne de la gloire de Dieu.

La transfiguration est racontée par les synoptiques Mt 17, 1-8 ; Mc 9, 2-8 et Lc 9, 28-36. Un écho se trouve en Jn 12, 28.

Sur la montagne

"Prenant avec lui Pierre, Jean et Jacques, il gravit la montagne pour prier." (Luc 9, 28)

Sur la montagne de l'Horeb, Moïse entend Dieu lui dire :

"Je suis descendu pour délivrer [mon peuple] de la main des Egyptiens et le faire monter de cette terre vers une terre plantureuse et vaste." (Exode 3, 8).

Sur la montagne du Thabor, Jésus resplendit en présence de Moïse : Jésus n'est-il pas descendu pour faire monter l'humanité vers le Ciel, le Royaume du Père ?

Sur la montagne du Carmel, Elie prie et Dieu se révèle avec puissance, tandis que les Baals sont impuissants. Persécuté, Elie s'enfuit sur la montagne de l'Horeb, et là, la tendresse de Dieu se manifeste :

"Que fais-tu ici, Elie ?" (1R 19,13)

Elie entend Dieu comme le silence d'une brise légère, et reçoit la mission de nommer un prophète après lui, et un roi.

Sur la montagne du Thabor, Jésus resplendit en présence d'Elie : Jésus persécuté ne va-t-il pas laisser après lui l'Eglise ?

Des tentes

Pierre propose de monter trois tentes (Mt 17, 4 ; Mc 9, 6 ; Lc 9, 32) On pense que cela correspond à la « fête des tentes », fête de la marche au désert, de l’espérance de voir naître un nouveau peuple, et fête messianique, où un jour seront rassemblés tous les peuples (Za 9-14).

Les tentes doivent permettre, à travers les palmes qui couvrent le toit, de contempler les étoiles comme notre regard doit s'aiguiser à contempler la gloire du Seigneur. Ici, c’est Jésus qui révèle sa gloire, autant que ses disciples peuvent la voir…

Jésus, plus grand que Moïse et Elie... : Fils de Dieu

"Il ne s’est plus levé en Israël un prophète semblable à Moïse, que YHWH connaissait face à face, ni quant à tous les signes et miracles et oeuvres puissantes que Moïse a accomplis devant Israël." (Dt 34,10-12)

Si Jésus agit au-delà de ce qu'a fait Moïse, c’est qu’il connaît Dieu encore plus « face à face » que Mo?se !

Les apôtres, qui ont vu Jésus rester seul après avoir été le centre d’une transfiguration où étaient apparus Moïse et Elie à ses côtés, sont persuadés que Jésus est au-dessus de l’un et l’autre.

Elie, sur le mont carmel et sur l’Horeb, avait parlé avec Dieu,

Mo?se, sur le Sina? et sur l'Horeb, avait parlé avec Dieu,

Elie et Mo?se, sur le mont Thabor, avec qui ont-il donc parlé ?

Ainsi, la voix qui le désigne comme Fils bien-aimé est à comprendre au sens fort : en Dieu, il y a un Père et un Fils, Dieu est Trinité, Jésus est Fils de Dieu...

"Et une voix partit de la nuée, qui disait: "Celui-ci est mon Fils, l'Elu, écoutez-le"." (Luc 9, 35)

Fort de l'amour de son Père, Jésus peut monter à Jérusalem.

Une conversation sur l'Exode, une préparation à la Passion

"Et voici que deux hommes s'entretenaient avec lui: c'étaient Moïse et Elie qui, apparus en gloire, parlaient de son départ, qu'il allait accomplir à Jérusalem." (Luc 9, 30-31)

Jésus s'entretient avec Moïse et Elie (Mt 17, 3 ; Mc 9, 4 ; Lc 9, 30).

Dans la version de Luc, Jésus s’entretient avec Moïse et Elie de « son Exode qu'il allait accomplir à Jérusalem » (Lc 9, 31).

En Sagesse 3,2 le mot « Exode » désigne la mort. Pour Jésus, la mort sera un Exode vers le Père, et vers une mission universelle.

La conversation avec Elie éclaire la mort de Jésus :

Elie n'était pas mort, il avait été ravi dans un char de feu pour rester auprès de Dieu (2 R2,11). Mais certaines traditions disaient que "Lors de son retour... il devra lui aussi subir la mort." [1]

Elie devait venir pour les derniers temps (Malachie 3,23).

Jésus avait désigné Jean le Baptiste comme étant cet Elie (Matthieu 17, 10-13).

Or Jean Baptiste est mort martyr, la tête tranchée pour avoir critiqué la conduite du roi Hérode (Mt 14, 3-12).

Dans la mesure où on croyait que Jean Baptiste était Elie, on a pu voir dans son martyre le "char de feu" de sa glorification... Jésus emprunterait-il le même chemin ?

La conversation avec Moïse éclaire la mort de Jésus :

Moïse, image parfaite du bon pasteur, est appelé par Dieu « mon serviteur fidèle » [2]. Le grand titre de Moïse (qu’il partage en exclusivité avec Elie) est le titre « d’envoyé » ce qui signifie aussi qu’il servait de médiateur entre Dieu et les hommes. Il est aussi « médiateur » [3]. C’est encore lui qui intercède après le péché d’Israël. Moïse fait réparation et pénitence pour les péchés d’Israël (Dt 8,18).

Sa souffrance et sa mort ont un caractère expiatoire : Dt 34,6 dit qu’il est mort en face de Bet Péor, là où s’est commis le péché le plus grand d’Israël (Nb 25,3.5.18).

On n’a pas hésité à rapprocher sa mort expiatoire de celle du Serviteur souffrant (Is 53,12). Moïse demande à être effacé du livre, au besoin, pour qu’Israël vive (Ex 32,30-32). Moïse est toujours prêt à donner sa vie pour le peuple (Nb 11,15)… [4]

Combien plus Jésus !

Les disciples, Pierre, Jacques et Jean (5) :

L'évènement a lieu le huitième jour (Lc 9, 28), c'est le jour de la résurrection, le jour de l'éternel présent de Dieu.

La nuée les enveloppe. Cette nuée est la présence de Dieu. Et, dans le contexte que nous avons décrit, c'est la révélation lumineuse de la ténèbre de la croix.

Pierre, au moment où Moïse et Elie s'en vont, Pierre veut retenir l'évènement et dresser trois tentes (Lc 9, 39). Combien de fois les disciples veulent retenir Jésus au lieu de le suivre et de témoigner de lui !

Finalement, ils ne virent que Jésus seul. Celui qu'il faut écouter c'est Jésus qui va vers la croix.

Les disciples se taisent. Ils parleront après avoir reçu l'Esprit Saint au cénacle.

Méditation

« Le credo affirme que Jésus a souffert, est mort, est descendu aux enfers, mais que nous ressuscitons des morts et que la chair aussi ressuscite !

Mystérieuse finalité où, comme dans la fête de la transfiguration ou de l'Assomption de Marie, se touche la lumière du vivant. » (6)

L'évangéliste saint Jean ne transmet pas le souvenir de la transfiguration au Thabor, mais il transmet le souvenir de la manière dont Jésus a parlé de sa douloureuse passion comme étant aussi l'heure de sa glorification.


Notes :

(1) Pesch Rudolf, Das Markusevangelium. Zweiter Teil, HThKNT, II, Fribourg-Bale-Vienne 1977, p. 80

(2) Ex 14,31 ; Nb 12 7 ; Dt 34,5 ; Jos 2,1-12 ; Is 63,10 ; Ps 105,26 ; Ml 3,22 ; Dn 9,11 ; Bar 2,28 ; Sg 10,16 ; etc

(3) Dt 5,5 ; Ex 14,31 ; 20,19-21 ; 24 1-4.9-18 ; 33,7-11...

(4) René BLOCH, Moïse homme de l’alliance, Desclée 1955, p. 127-167

(5) S.A. Panimolle, Una comunità legge il Vangelo di Luca, volume I, Edizioni Dehoniane, Bologna 1986, p. 341-348

(6) Françoise Burtz, L'Appel infini, Lettres à Andrée, éditions Anne Sigier, 2006. Lettre 14, p. 49


F. Breynaert