Jésus est le Créateur de toutes choses (Col 1)

Col 1,15-20 (l'hymne aux Colossiens)

L'hymne aux Colossiens est une louange adressée au Christ sur la cadence du psautier :

15 Il est l'Image du Dieu invisible, Premier-né de toute créature,

16 car c'est en lui qu'ont été créées toutes choses, dans les cieux et sur la terre, les visibles et les invisibles, Trônes, Seigneuries, Principautés, Puissances; tout a été créé par lui et pour lui.

17 Il est avant toutes choses et tout subsiste en lui.

18 Et il est aussi la Tête du Corps, c'est-à-dire de l'Eglise: Il est le Principe, Premier-né d'entre les morts, (il fallait qu'il obtînt en tout la primauté),

19 car Dieu s'est plu à faire habiter en lui toute la Plénitude

20 et par lui à réconcilier tous les êtres pour lui, aussi bien sur la terre que dans les cieux, en faisant la paix par le sang de sa croix.

(Colossiens 1,15-20)

Trônes, Seigneuries, Principautés, Puissances; tout a été créé par lui

Dans le monde antique, les corps célestes étaient regardés comme des puissances divines qui décidaient du destin des hommes. Les planètes portent des noms de divinité. Selon l'opinion d'alors, elles dominaient en quelque sorte le monde, et l'homme devait chercher à trouver un compromis avec ces puissances.

La foi dans le Dieu unique, témoignée par la Bible, a bien vite opéré ici une démythisation, quand le récit de la création, avec une magnifique sobriété, appelle le soleil et la lune - les grandes divinités du monde païen - lampes (luminaires) - que Dieu, avec toute la troupe des étoiles, suspend à la voûte céleste (cf. Gn 1, 16).

Entrant dans le monde païen, la foi chrétienne devait de nouveau affronter la question des divinités astrales. C'est pourquoi, dans les Lettres de prison aux Ephésiens et aux Colossiens, Paul a fortement insisté sur le fait que le Christ ressuscité a vaincu toute Principauté et Puissance de l'air de domine tout l'univers. Le récit de l'étoile des mages se situe dans cette ligne : ce n'est pas l'étoile qui détermine le destin de l'Enfant, mais c'est l'Enfant qui guide l'étoile.[1]

Col 1, 15-17 est centré sur le Christ en qui tout est créé.

Dans le dessein de Dieu, l'acte créateur est un « prélude » et le lieu d'un « appel » universel qui s'éclaire dans l'Incarnation : « ... tout a été créé par le Christ et pour lui. Il est avant toutes choses et tout subsiste en lui » (Col 1, 15-17).

Tout a été créé par le Christ ne signifie évidemment pas que le Christ était incarné avant le temps, mais que le Christ est aussi le Logos personnel et créateur.

Il ne s'agit pas d'un mémorial super-historique qui affaiblirait la signification de l'avant et de l'après J-C, mais d'un appel, d'une vocation : « Le Logos est donc la clé de la création. L'homme, créé à l'image de Dieu, porte en lui une empreinte toute spéciale de ce Logos personnel. Aussi a-t-il vocation à être conformé et assimilé au Fils, "aîné d'une multitude de frères" (Rm 8, 29).[2]»

Une vocation, c'est virtuel, c'est un appel[3].

Ensuite, en suivant Paul qui parle de la rédemption (Col 1, 18-20),

nous pouvons dire : « En assumant une nature humaine, il a restauré l'image de Dieu et il a rendu l'homme à lui-même. »[4].

N.B. L'appellation de Jésus comme « Premier-né » existait en Rm 8, 29, et elle se

retrouve aussi en He 1, 6 ; Ap 1, 5 et Lc 2, 7.

L'idée de Jésus comme principe de la création et de la rédemption est beaucoup plus

ancienne que la lettre aux Colossiens.

« Pour nous en tout cas, il n'y a qu'un seul Dieu, le Père, de qui tout vient et pour qui nous sommes, et un seul Seigneur, Jésus Christ, par qui tout existe et par qui nous sommes. » (1Cor 8, 6)

« Et lorsque toutes choses lui auront été soumises, alors le Fils lui-même se soumettra à Celui qui lui a tout soumis, afin que Dieu soit tout en tous. » (1Cor 15, 28)

Nous pourrions aussi évoquer les , chaque fois où Jésus (terrestre) a manifesté sa divinité, son union au Père (créateur), et sa puissance de salut (de pardon, de rédemption).

Ainsi, l'auteur de la lettre aux Colossiens reprend des idées familières, et il les exprime de manière nouvelle et éloquente[5].

Tout ce qui est dit du Christ a un but pratique.

Les lecteurs (des convertis du paganisme) doivent faire des œuvres bonnes (Col 1, 10).

Tout ce qui est dit de la plénitude du Christ invite les lecteurs (auditeurs) à ne pas se laisser détourner du Christ par des règles humaines :

« Ces sortes de règles peuvent faire figure de sagesse par leur affectation de religiosité et d'humilité qui ne ménage pas le corps; en fait, elles n'ont aucune valeur pour l'insolence de la chair. » (Col 2, 23)

Autres remarques[5].

L'hymne aux Colossiens manifeste une telle unité qu'il ne faut pas le considérer comme une adaptation d'une hymne pré-chrétienne ou d'une hymne gnostique. Le mot « plénitude (grec : pleroma) » n'a pas ici de connotation gnostique mais il reprend certains psaumes dans le grec de la septante. Par exemple Ps 24, 1 [LXX 23, 1] etc.

La structure de l'hymne ne respecte pas les conventions de la métrique grecque, mais le texte grec respecte la structure en parallèles qui est caractéristique des psaumes. L'hymne aux Colossiens est une louange de Jésus qui prend la cadence du psautier.


[1] J. Ratzinger, Benoît XVI, L'enfance de Jésus, Flammarion, Paris 2012, p. 144

[2] COMMISSION THEOLOGIQUE INTERNATIONALE, A la recherche d'une éthique universelle : Nouveau regard sur la loi naturelle, 20 mai 2009, § 103

[3] En ce sens, le concile a dit : « A faire partie du peuple de Dieu, tous les hommes sont appelés [...] Ainsi donc, à cette unité catholique [...], tous les hommes sont appelés ; à cette unité appartiennent sous diverses formes ou sont ordonnés, et les fidèles catholiques, et ceux qui, par ailleurs, ont foi dans le Christ, et finalement tous les hommes sans exception que la grâce de Dieu appelle au salut. » (Vatican II, Lumen gentium § 13)

[4] COMMISSION THEOLOGIQUE INTERNATIONALE, Ibid., § 105

[5] Cf. Larry W. Hurtado, Le Seigneur Jésus Christ, La dévotion envers Jésus aux premiers temps du christianisme. Cerf, Paris 2009, p.523-529


Synthèse Françoise Breynaert