Les sept douleurs de la Vierge Marie

La prophétie de Siméon et les sept douleurs de Marie

L'épée dont parle Siméon, dans la culture juive, c'est l'Ecriture . Ce qui signifie que Marie a vécu la souffrance en se nourrissant de la Parole de Dieu, « efficace et plus incisive qu'aucun glaive à deux tranchants, elle pénètre jusqu'au point de division de l'âme et de l'esprit. » (Hébreux 4, 12).

Cette épée, c'est aussi la douleur pour Marie de voir que Jésus, Parole du Père, est persécuté, rejeté. La croix de la contradiction devient pour Marie une épée qui lui transperce l'âme.

De Marie, nous pouvons apprendre la vraie compassion, comme participation au mystère pascal, dans l'accueil de la souffrance des autres comme souffrance propre [1].

1° douleur : la prophétie de Siméon.

« Syméon les bénit et dit à Marie, sa mère: "Vois! cet enfant doit amener la chute et le relèvement d'un grand nombre en Israël; il doit être un signe en butte à la contradiction, -- et toi-même, une épée te transpercera l'âme! -- afin que se révèlent les pensées intimes de bien des cœurs." » (Luc 2, 34-35)

Le vieillard Siméon annonce à Marie que son fils sera en butte à la contradiction (Lc 2,34-35).

Douleur : Jésus sera contrarié. Et cela est annoncé dans le temple de Jérusalem, au centre du pays, au cœur de la vie religieuse du peuple juif.

Un glaive traverse le cœur de Marie. La Vierge Marie souffre en tant que fille de Sion, en tant que mère du prince de la paix universelle.

« Je fais de toi la lumière des nations pour que mon salut atteigne aux extrémités de la terre. Ainsi parle YHWH, le rédempteur, le Saint d'Israël, à celui dont l'âme est méprisée, honnie de la nation. » (Isaïe 49, 6-7)

2. Le massacre à Bethléem et la fuite en Égypte, la souffrance de l'exil.

« Après leur départ, voici que l'Ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph et lui dit: "Lève-toi, prends avec toi l'enfant et sa mère, et fuis en Egypte; et restes-y jusqu'à ce que je te dise. Car Hérode va rechercher l'enfant pour le faire périr." » (Matthieu 2, 13)

Douleur de la mort des innocents, douleur de l'injustice, douleur d'être mêlés à l'injustice puisque l'élément déclencheur de la fureur du tyran a été la naissance de Jésus, douleur d'être impuissant et de devoir fuir pour protéger Jésus.

La souffrance de l'exil en Egypte est d'un autre genre, c'est le fait d'être appauvri, étranger, citoyen de seconde zone, et de ne pas pouvoir pratiquer certains rites religieux.

Dieu est innocent de l'injustice d'Hérode. Avec quelle intensité Marie aura-t-elle prié par exemple ce psaume :

« Es-tu l'allié d'un tribunal de perdition, érigeant en loi le désordre ? On s'attaque à la vie du juste, et le sang innocent, on le condamne. Mais YHWH est pour moi une citadelle, et mon Dieu, le rocher de mon refuge. » (Ps 94, 20-22)

3. La disparition de Jésus à douze ans. (Lc 2, 41-52)

« A sa vue, ils furent saisis d'émotion, et sa mère lui dit: "Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela? Vois! ton père et moi, nous te cherchons, angoissés." » (Luc 2, 48)

Douleur de l'absence inexpliquée de Jésus et l'angoisse à son sujet.

Ce qui peut aussi être douloureux pour Marie en tant qu'épouse, c'est de voir la douleur de Joseph. Leur douleur peut avoir été augmentée par certaines réactions de l'entourage critiquant par exemple leur manque de surveillance. Et finalement, ce qui est douloureux, c'est de ne pas comprendre la réaction de Jésus au moment des retrouvailles.

Le glaive, la Parole de Dieu, a traversé le cœur de Marie. Exemple :

« Dis-moi quelle a été ma transgression, mon péché? Pourquoi caches-tu ta face et me considères-tu comme ton ennemi? » (Job 13, 22-24)

Cet évènement a eu lieu la fête juive de la Pâque, il est la préfiguration du mystère pascal. Ici, le 3° jour, les parents retrouvent l'enfant. Plus tard, le 3° jour, les disciples retrouveront Jésus ressuscité.

4. Marie voit son fils chargé de la croix. (Lc 23,27)

« Ils l'emmenèrent pour le crucifier. En sortant, ils trouvèrent un homme de Cyrène, nommé Simon, et le requirent pour porter sa croix. » (Mt 27, 31-32)

Douleur morale de voir Jésus condamné, exclu, abandonné de ceux qu'il a instruit et guéri. Douleur spirituelle de voir Jésus tomber.

« Je suis devenu la risée de tout mon peuple, leur chanson tout le jour. Il m'a saturé d'amertume, il m'a enivré d'absinthe. [...] Voici ce qu'à mon cœur je rappellerai pour reprendre espoir : Les faveurs de YHWH ne sont pas finies, ni ses compassions épuisées. » (Lamentations 3, 14-15 et 21-22)

Mais ce chemin de croix est montée vers le Père, Exode nouveau...

5. Marie debout au pied de la Croix. (Jn 19,25-27)

« Or près de la croix de Jésus se tenaient sa mère. » (Jean 19, 25)

Douleur physique d'une mère qui voit souffrir le fils de ses entrailles, le fils de sa chair. L'Evangéliste Matthieu transmet ce long cri de Jésus, dans les termes du psaume 22 :

« Mon Dieu, mon Dieu pourquoi m'as-tu abandonné ? » (Ps 22, 1)

La mère de Jésus se laisse transpercer par la Parole biblique, véritable épée à deux tranchants ; et peut-être a-t-elle prié la suite du psaume 22 :

« Je peux compter tous mes os, les gens me voient, ils me regardent; ils partagent entre eux mes habits et tirent au sort mon vêtement. Mais toi, YHWH, ne sois pas loin, ô ma force, vite à mon aide. [...] J'annoncerai ton nom à mes frères,en pleine assemblée je te louerai.» (Ps 22, 18-20 et 23)

6. Marie reçoit le corps inanimé de son Fils. (Jn 19,38-40)

Dieu n'a pas fait descendre Jésus de la croix. Jésus a connu véritablement notre mort humaine. Marie en partage toute la douleur, et puisqu'elle survit à son fils, elle souffre ensuite seule, sans son fils.

« Et nous, nous le considérions comme puni, frappé par Dieu et humilié. Mais lui, il a été transpercé à cause de nos crimes, écrasé à cause de nos fautes. Le châtiment qui nous rend la paix est sur lui, et dans ses blessures nous trouvons la guérison. » (Isaïe 53, 4-5)

7. Marie au tombeau de Jésus. (Jn 19,41-42)

Douleur du deuil. Douleur des ténèbres qui désormais recouvrent la terre puisque Dieu en a été chassé. Là encore, la Parole de Dieu est vivante :

« Reviens, YHWH ! Jusques à quand ? Prends en pitié tes serviteurs. » (Ps 90,13)

En réalité, comme le dit le catéchisme de l'Eglise catholique : « La descente aux enfers est l'accomplissement, jusqu'à la plénitude, de l'annonce évangélique du salut. Elle est la phase ultime de la mission messianique de Jésus, phase condensée dans le temps mais immensément vaste dans sa signification réelle d'extension de l'œuvre rédemptrice à tous les hommes de tous les temps et de tous les lieux, car tous ceux qui sont sauvés ont été rendus participants de la Rédemption. » (CEC 634)

Epilogue : la lumière des nations, la mission.

La prophétie de Siméon annonçait non seulement que Jésus serait un signe en butte à la contradiction, mais qu'il serait aussi la lumière des nations (Lc 2, 32).

Si nous méditons la douleur, c'est parce qu'elle est le lieu de la rédemption.

La mort de Jésus est suivie par sa résurrection et sa seigneurie sur l'univers. Jésus est alors annoncé et reçu dans le monde entier.

Le destin de Paul et Barnabé, contredits dans la synagogue d’Antioche, accompagne celui du Christ. Le rejet va les conduire à la décision de se tourner vers les nations. Selon les mots de Paul, cette décision est même un ordre divin :

« Je t’ai établi lumière des nations pour que tu apportes le salut aux extrémités de la terre. » (Ac 13, 47, citation de Isaïe 49, 6).


[1] Cf. J. Ratzinger, Benoît XVI, L'enfance de Jésus, Flammarion, Paris 2012, p. 123

Ensuite, se reporter aux commentaires de ce site pour les textes bibliques cités.


Françoise Breynaert