L'Agneau, la Femme et l'Épouse de l'Agneau

Le Christ Agneau (Apocalypse et Evangile de Jean)

Dans le livre de l’Apocalypse l’image de l’Agneau pour parler de Jésus revient 28 fois.

Dans l'Apocalypse, comme dans l'Evangile.

L'Apocalypse, comme l'Evangile, désignent Jésus comme Agneau.

Jésus est désigné comme Agneau à la fin de l'Evangile, par le fait qu'on ne lui brise pas les os, à l'heure du sacrifice de l'agneau pascal (Jn 19, 31-37):

« Comme c'était la Préparation, les Juifs, pour éviter que les corps restent sur la croix durant le sabbat -- car ce sabbat était un grand jour -- , demandèrent à Pilate qu'on leur brisât les jambes et qu'on les enlevât. Les soldats vinrent donc et brisèrent les jambes du premier, puis de l'autre qui avait été crucifié avec lui. Venus à Jésus, quand ils virent était déjà mort, ils ne lui brisèrent pas les jambes, mais l'un des soldats, de sa lance, lui perça le côté et il sortit aussitôt du sang et de l'eau. Celui qui a vu rend témoignage -- son témoignage est véritable, et celui-là sait qu'il dit vrai -- pour que vous aussi vous croyiez. Car cela est arrivé afin que l'Ecriture fût accomplie: Pas un os ne lui sera brisé. Et une autre Ecriture dit encore: Ils regarderont celui qu'ils ont transpercé. »

(Jean 19, 31-37)

Jésus accomplit la prophétie de Zacharie :

« Ils regarderont vers moi qu'ils ont transpercé »

(Zacharie 12, 10, texte hébreu)

Et l'Apocalypse dit :

« Voici, il vient avec les nuées; chacun le verra,
même ceux qui l'ont transpercé,
et sur lui se lamenteront toutes les races de la terre. »

(Ap 1,7, cf. Za 12, 10-14, cf. Jn 19, 37)

L'Apocalypse, comme l'Evangile, font un lien entre la femme, l'épouse de l'Agneau, et la nouvelle Jérusalem.

La femme de l'Apocalypse est couronnée (Ap 12, 1). Dans le monde ancien, le couronnement de la mariée, ou des époux, signifie la perfection et l'achèvement de leur union. Cette allusion aux noces invite à faire le rapprochement avec la nouvelle Jérusalem, descendant du ciel, "comme une jeune mariée parée pour son époux" (Ap 21, 2.9).

L'épouse de l'Agneau, dans l'Evangile, est la mère de Jésus, appelée par Jésus "femme" (Jn 19, 26). La mère de Jésus est aussi la nouvelle Jérusalem qui porte Jésus le nouveau temple et qui accueille les fils de Dieu que Jésus rassemble par sa mort en croix (Jn 11, 51-52) - des fils de Dieu qui ne sont plus seulement les exilés d'Israël mais tous les hommes (cf. lien ci-dessous "Christ et sa mère pour l'unité du monde">Le Christ et sa mère pour l'unité du monde ").

Le Christ, Agneau, dans l'Apocalypse.

Quand l'Agneau prend le rouleau (où est écrit le plan salvifique), alors :

« Les quatre Vivants et les 24 Vieillards se prosternèrent devant Agneau, tenant chacun une harpe et des coupes d'or pleines de parfums, les prières des saints; ils chantaient un cantique nouveau: "Tu es digne de prendre le livre et d'en ouvrir les sceaux, car tu fus égorgé et tu rachetas pour Dieu, au prix de ton sang, des hommes de toute race, langue, peuple et nation; tu as fait d'eux pour notre Dieu une Royauté de Prêtres régnant sur la terre." » (Ap 5, 9-10)

Ce cantique fait référence à l'Alliance au Sinaï où YHWH déclare :

« Je vous tiendrai pour un royaume de prêtres, une nation . » (Ex 19, 5)

L'Exode, ou sortie d'Egypte, a commencé sous le signe d'un agneau, égorgé et mangé à la hâte, tandis que son sang protège du fléau qui frappe les premiers-nés d'Egypte (Exode 12). Cet agneau est commémoré dans la Pâque juive, le Christ Agneau est le nouvel Agneau pascal.

En disant que le Christ Agneau est le prix de la rédemption, l'Apocalypse dépasse le rôle que le sang de l'Agneau avait dans l'Exode. En outre, l'agneau pascal ne jouait aucun rôle dans l'attente d'un nouvel exode. Jean fait vraisemblablement référence aussi à Isaïe 53, 7 où le serviteur souffrant est décrit comme un agneau offert en sacrifice[1].

C'est pourquoi l'imagerie de l'Exode n'est complète qu'en lisant l'ensemble de l'Apocalypse.

L'Eglise de l'Apocalypse chante le cantique de Moïse et de l'Agneau.

L'ange transmet ce rouleau à Jean (Ap 10, 8). Jean reçoit alors la révélation du plan salvifique : Alors que les avertissements des sept sceaux et des sept trompètes n'avaient pas obtenu (Ap 9, 21), le témoignage des chrétiens conduit ceux qui les regardent « à rendre gloire au Dieu du ciel » (Ap 11, 13).

Les martyrs ont triomphé de la Bête, ils ont traversé la « mer », ils ont vécu un nouvel Exode et chantent le « cantique de Moïse ». Mais ce n'est pas pour eux seuls, par leur martyr, ils chantent le « cantique de l'Agneau », et ils conduisent les nations païennes à « se prosterner » devant Dieu (Ap 15, 3-4).

« Ils chantent le cantique de Moïse, le serviteur de Dieu, et le cantique de l'Agneau:

"Grandes et merveilleuses sont tes oeuvres, Seigneur, Dieu Maître-de-tout; justes et droites sont tes voies, ô Roi des nations. Qui ne craindrait, Seigneur, et ne glorifierait ton nom? Car seul tu es saint; et tous les païens viendront se prosterner devant toi, parce que tu as fait éclater tes vengeances." » (Ap 15, 3-4)

L'idée de « vengeance » vient de l'espérance juive, et c'est, nous allons le voir aussi, une idée qui est totalement réinterprétée par Jean.

Conclusion.

Les mentions de l’Agneau font référence au sacrifice pascal du Christ miséricordieux.

C’est seulement à travers la Passion du Christ que cette Femme est épousée par l’Agneau (Ap 21,2.9) et qu’elle est la ville (Ap 21, 10-14).

Ainsi, le mystère pascal éclaire la vie de l’Eglise jusqu’à la fin des temps ; il apportera la victoire définitive des forces de l’amour à la fin des temps.

"La croix du Christ, en effet, nous fait comprendre que les racines les plus profondes du mal plongent dans le péché et dans la mort; ainsi devient-elle un signe eschatologique. C'est seulement à la fin des temps et lors du renouvellement définitif du monde qu'en tous les élus l'amour vaincra le mal en ses sources les plus profondes, en apportant comme un fruit pleinement mûr le Règne de la vie, de la sainteté, de l'immortalité glorieuse."

(Jean Paul II, Dives in misericordiae, § 8)


[1] Richard Bauckham, La théologie de l'Apocalypse, Cerf, Paris 2006, p. 86

F. Breynaert