L'espérance de Miriam, figure de Marie (Ex 2, 4)

Miriam : dans l’épreuve, l’espérance

Miriam, une des figures les plus chères au peuple d’Israël

Miriam, la sœur de Moïse est une des figures les plus chères au peuple d’Israël. Il est probable que la mère de Jésus fut appelée par ses parents Miriam (Marie) dans un respect affectueux et fidèle pour l’ancienne Miriam. Dans le livre de l’Exode, Miriam est appelé la prophétesse (Ex 15,20).

Lorsqu’il faut abandonner l’enfant sur le Nil, c’est l’obscurité. Mais Miriam garde une attitude d’espérance, elle observe. Le texte hébreu dit qu’elle se tient à distance et observe (Ex 2, 4), la version grecque prend un verbe encore plus précis qui insiste sur l’attitude de celui qui scrute, enquête et médite.

Une série de récits développe cette appellation en imaginant le contenu de sa prophétie, il s’agit toujours de prophéties qui encouragent ses parents à une époque où le pharaon avait ordonné la mise à mort de tous les enfants garçons. Ces prophéties annoncent le fait que son frère Moïse ne mourra pas et aura une vocation particulière.

Le philosophe Juif Philon d’Alexandrie († 54), se référant à Ex 2,4 dans le texte grec, appelle la sœur de Moïse : « Espérance » [1].

Et les disciples et la Vierge Marie vont faire revivre cette « Espérance »...

Les disciples et la Vierge Marie

A Miriam, la sœur de Moïse, un ange avait révélé la mission de ce lui qui naîtrait comme sauveur d’Israël. Quand la persécution du Pharaon démentit la promesse divine, Miriam elle resta ferme dans la foi en cette révélation.

A Marie, mère de Jésus, l’ange avait prédit des choses merveilleuses sur le Fils du Très Haut qu’elle concevrait et donnerait à la lumière. Mais déjà à l’aube de sa tendre enfance, sur cet Enfant désarmé et silencieux, s’acharne la fureur meurtrière du roi Hérode (Mt 2,1-8.12-23). À la ressemblance de l’ancienne Miriam, Marie resta ferme dans la foi.

Quand Moïse était sur le Nil, Miriam « resta postée à distance pour observer ce qui lui adviendrait » (Ex 2,4).

Quand Jésus était sur la croix, quelques femmes restaient à « observer de loin » la mort de Jésus, elle « observèrent » aussi la sépulture (Mc 15,40-41.47; Mt 27,55.56.61; Lc 23,49.55) Et ce furent les premiers témoins de la résurrection (Mc 16,1-9; Mt 28,2-10; Lc 24,5-8). La fidélité des femmes de la Galilée ressemble à celle de Miriam.

La figure de Miriam qui, en persévérant dans la foi, veille sur Mo?se renfermé dans le panier de bois revit maintenant en Marie qui, soutenue par la foi, partage toute la passion du Fils suspendu au bois de la croix. La piété chrétienne autant en Orient qu’en Occident présentera la Vierge douloureuse à côté du sépulcre en attente vigilante de la résurrection du Seigneur.

Pour approfondir : quelques détails sur les traditions juives imaginant les prophéties de Miriam

Le Pseudo Philon (1° siècle après J.-C.) raconte ceci :

Les anciens du peuple suggérèrent aux maris de ne plus avoir de rapports avec leurs femmes, pour mettre fin au massacre ordonné par le Pharaon qui avait décrété de supprimer les nouveau-nés juifs de sexe masculin, en les jetant dans le Nil, (Ex 1,15-2,3) Mais Amram, plein de foi en Dieu qui ne dément pas les promesses faites à Abraham, décida de s’unir à sa femme en exhortant tous à faire la même chose. La proposition d’Amram plut au Seigneur qui dit : «… ce qui naîtra de lui me servira à jamais, et par lui je ferai des choses merveilleuses dans la maison de Jacob…» La nuit, l’esprit du Seigneur vint sur Miriam, et dans une vision elle entendit : « Va et dis à tes parents : Celui qui naîtra de vous sera jeté dans l’eau, car par lui l’eau sera asséchée. Je me servirai de lui pour accomplir des signes, je sauverai mon peuple et lui le guidera pour toujours ».

Miriam raconta le songe à ses parents. Mais elle fut soumise à l’épreuve : ils ne prêtèrent pas foi à ses paroles. [2] La Mekiltà de R. Ismaël imagine que Miriam adressa à son père un présage : « À la fin tu seras père d’un fils qui se lèvera et sauvera Israël des mains des Egyptiens. » [3]

Mais quand Moïse naquit et que la mère dut l’abandonner sur les eaux du Nil (Ex 2,1-3) le père réprimanda sa fille. Elle resta cependant ferme en ce qu’elle avait prédit, comme il est écrit :

« La sœur de l’enfant resta postée à distance pour observer ce qui lui adviendrait » (Ex 2,4).

Le Talmud du Babylone offre deux types de représentation des faits :

Dans la première version, (1e – 2e siècles ap. J-C), Amram se sépara de la femme, et – suivant son exemple - tous les Israélites divorcèrent de leurs épouses. Miriam, sa fille lui dit :

« Mon père, ton décret est plus sévère que celui du Pharaon; celui-ci, en effet, a seulement légiféré contre les mâles, mais tu as émis un ordre aussi bien contre les garçons que les filles. [4]

Le décret du Pharaon a rapport seulement avec ce monde, le tien concerne le monde présent et le monde futur. Et le Pharaon est un impie, et il n’est pas certain que sa volonté sera exécutée ; mais toi tu es un juste, et ton ordonnance sera sûrement mise à exécution, comme il écrit : Tu décideras une chose et cela te réussira (Jb 22,28) ».

À ces mots, Amram reprit sa femme, et tous les autres Israélites firent ainsi. [5]


Dans la seconde version, au nom de Rab († 217) Miriam prophétisa :

« Ma mère donnera à la lumière un fils, qui sera le Sauveur d’Israël. »

Quand Moïse naquit, toute la maison fut remplie de lumière, et son papa se leva et embrassa Miriam sur la tête en disant : Ma fille, ta prophétie s’est accomplie. Mais, quand ils se virent contraints d’exposer le petit Moïse sur les eaux, le papa frappa Miriam sur tête, en la provoquant durement : Et maintenant, qu’en est-il de ta prophétie ?

Miriam, cependant « resta postée à distance pour observer ce qui lui adviendrait » (Ex 2,4) elle voulait se voir comment se serait réalisée la prophétie. [6]


N.B. Sur le mur de la synagogue de Dura Europos, une fresque représente la vie de Moïse. On y remarquera en particulier que le panier sur les eaux a les contours nets d’un sarcophage, l’enfant que la jeune fille en sort paraît sans vie. Il ne retrouve les traits d’un vivant que lorsqu’il est remis entre les bras de la mère.


[1] Philon d’Alexandrie, De somniis II,141-142 (Cerf, Paris 1967, p.184-187). Pseudo-Philon.

[2] Les Antiquités Bibliques, t. I, 9,2-10 (Cerf, Paris 1976 ; SC 229, pp. 106-113).

[3] MRI, trattato Shirata, c 10 a Es 15,20 ;

[4] Ceci signifie que les enfants tués peuvent vivre dans la vie éternelle, tandis que les enfants non conçus manquent à la vie présente et à la vie éternelle.

[5] Talmud de Babylone, Sothah 12 a ; Es R 1,13 a1,15 ;

[6] Talmud de Babylone, Sothah 12 b 13 a.

A. SERRA (Marianum, Rome)

- Extraits de A.SERRA, Miriam, Figlia di Sion, Milano 1997, pp.84-97.

- Aristide SERRA, La Donna dell’Alleanza, Prefigurazioni di Maria nell’Antico Testamento,

Messaggero di sant’Antonio – editrice, Padova 2006, p. 32-45 (https://www.edizionimessaggero.it/)

Lire aussi : Histoire d’Israël, période de l'Exode