La rédaction des évangiles

De l'oral à l'écrit (Nouveau Testament)

Ecrire est un métier.

Encore au premier siècle de notre ère, l'écriture demande une préparation matérielle et elle constitue un travail très long. Il est totalement anachronique d'imaginer des « prises de notes » par les disciples de Jésus !

« Au premier siècle de notre ère, beaucoup de gens lettrés sont capables de tracer quelques lignes, mais écrire est un métier : le scribe qui l'exerce a reçu une formation et fait, en général, payer ses services. Il possède un matériel spécial : une planchette où sont fixés des godets à encre, un stylet à pointe sèche pour marquer les alignements, un grattoir pour effacer. Il fabrique lui-même ses encres, noire ou rouge, à partir de noir de fumée ou de terre ocre finement broyée. Avec des roseaux ou des joncs, il se confectionne des calames qu'il taille ou mâchonne pour obtenir une bonne grosseur de trait. Sur des tessons de poterie on peut griffonner quelques mots, mais dès qu'on veut un texte d'une certaine importance, il faut utiliser un support plus coûteux, papyrus ou parchemin. »[1]

Papias se méfie des livres et leur préfère la tradition orale « parole vivante et durable » :

Papias fut évêque de Hiérapolis en Phrygie vers l'an 110. Il était disciple personnel de l'apôtre Jean et compagnon de Polycarpe.[2]

Eusèbe de Césarée nous transmet ce texte de Papias :

« Si quelque part venait quelqu'un qui avait été dans la compagnie des presbytres, je m'informais des paroles des presbytres : ce qu'ont dit André ou Pierre, ou Philippe, ou Thomas, ou Jacques, ou Jean, ou Matthieu, ou quelque autre des disciples du Seigneur ; et ce que disent Aristion et le presbytre Jean, disciples du Seigneur. Je ne pensais pas que les choses qui proviennent des livres me fussent aussi utiles que ce qui vient d'une parole vivante et durable. »[3]

Marc a procuré une source écrite, mais sans ordre :

Eusèbe de Césarée nous transmet ce texte de Papias :

« Et voici ce que disait le presbytre : Marc, qui était l'interprète de Pierre, a écrit avec exactitude, mais pourtant sans ordre, tout ce dont il se souvenait de ce qui avait été dit ou fait par le Seigneur. Car il n'avait pas entendu ni accompagné le Seigneur ; mais plus tard, comme je l'ai dit, il a accompagné Pierre. Celui-ci donnait ses enseignements selon les besoins, mais sans faire une synthèse des paroles du Seigneur. De la sorte, Marc n'a pas commis d'erreur en écrivant comme il se souvenait. Il n'a eu en effet qu'un seul but, celui de ne rien laisser de côté de ce qu'il avait entendu et de ne tromper en rien dans ce qu'il écrivait. »[4]

Il ne s'agit donc pas encore de l'Evangile selon saint Marc telle que nous l'avons aujourd'hui.

Papias parle aussi de Matthieu.

Eusèbe ne cite à ce sujet qu'une phrase de Papias, et son contexte manque cruellement (nous étudions ce passage dans l'article suivant).

« Sur Matthieu il dit ceci : Matthieu réunit donc en langue hébraïque les logia (de Jésus) et chacun les interpréta comme il en était capable. »[5]

Le mot « logia » vient du mot « logos », mot, parole : il désigne des paroles de Jésus et non pas tous les récits que l'on trouve dans l'Evangile actuel.


[1] Michel Quesnel, Histoire des , Cerf, Paris 1987, p. 43-44

[2] Saint Irénée, Contre les hérésies, V, 33, 4. ; Eusèbe, Histoire ecclésiastique, III, 39, 1.

[3] Eusèbe, Histoire Ecclésiastique III, 39, 15-16

[4] Eusèbe, Ibid.

[5] Eusèbe, Ibid.


Françoise Breynaert