Qumrân et le judaïsme du Ier siècle

Qumrân fait découvrir un judaïsme pluriel antérieur à l'an 70

Qumrân est un établissement juif de la Palestine antique près duquel furent découverts en 1946-48 les manuscrits de la mer Morte. Le site se trouve sur la rive nord-ouest de la mer Morte, à 13 km au sud de Jéricho. Le climat sec de la région de la mer Morte a conservé ces manuscrits écrits, il y a 2000 ans, sur du parchemin. [1]

Ces Ecrits sont composites, ils ont une origine pré-chrétienne et une réécriture post-chrétienne. Ils donnent ainsi un éclairage sur des mouvances juives (non officielles) et sur des mouvances post-chrétienne (qui ne sont pas pour autant chrétiennes).

Une aide pour comprendre le pluralisme juif au temps du Christ.

Les parchemins découverts ont fait éclater une saisie jusque là trop unifiée du judaïsme ancien et permis de mieux distinguer l'existence de différents groupes juifs au temps du Christ. C'est seulement par la suite (après la ruine du temple en l'an 70 et la catastrophe plus radicale encore de l'an 135) que le judaïsme dit rabbinique devait s'imposer et pour une large part s'unifier[2].

Parfois acceptés par les chrétiens

Dans le Nouveau Testament, la lettre de Jude (14-15) cite le livre d'HénochQumrân et le judaïsme du Ier siècle. Et beaucoup de ces pseudépigraphes étaient - mais sous quelle forme ? - reconnus comme inspirés par les premiers chrétiens, tout au moins jusqu'au IV° siècle. [3].

Ces ouvrages furent rejetés par les Juifs orthodoxes.

Attention : étant donné que nous n'avons que l'état final des manuscrits, nous ne savons pas sous quelle forme tel ou tel ouvrage fut accepté par les chrétiens.

Dans un autre article, nous verrons que ces Ecrits comportent des passages qui déforment le christianisme.

Ces écrits permettent parfois une compréhension plus fine du Nouveau Testament.

  • Exemple d'une tradition sur Elie[4] :

La Bible nous dit qu'Elie a été enlevé au ciel au temps où Israël pratiquait un culte idolâtrique : Baal était vénéré, un veau d'or en guise de piédestal. Après ce péché radical, on attendait le "retour d'Elie" pour renouer l'Alliance brisée. Nous lisons en effet que le prophète Malachie annonce qu'Elie doit revenir à la fin des temps (Ml 3, 24).

Dans le livre d'Hénoch le prophète enlevé au ciel (Elie) était symbolisé par un mouton (1 Henoch 82, 52-54). Et voilà un éclairage très utile pour comprendre l'Evangile, et comment les disciples ont progressivement compris Jésus :

Jean Baptiste au Jourdain désigne Jésus "agneau de Dieu" (Jn 1, 29). Mais Jésus "agneau" fait beaucoup plus qu'Elie et guérir du culte de Baal, il guérit le péché originel. Jésus accomplit l'attente et la dépasse.

Après la crucifixion, "agneau de Dieu" a pris un sens pascal, mais avant cela, les disciples ont certainement compris que Jean Baptiste désignait en Jésus cet Elie dont Malachie avait annoncé le retour.

Le titre "Agneau" que l'on trouve dans l'évangile de Jean et dans l'Apocalypse condense le mystère.

  • D'autres exemples fonctionnent par contraste :

- Les Ecrits intertestamentaires contiennent des incitations à la haine des ennemis, Jésus au contraire demande l'amour des ennemis.

- Les Ecrits intertestamentaires contiennent des recommandations sur la pureté rituelle, ce que Jésus relativise beaucoup : la sainteté des disciples de Jésus ne provient pas des rites mais de son amour divin. Etc.

Ainsi, par contraste, on comprend que Jésus s'est adressé à un peuple juif habité par des attentes diverses et qu'il lui a fallu en quelque sorte rectifier des attentes.

Ces contrastes s'intensifient à la fin du premier siècle quand les Ecrits intertestamentaires deviennent un messianisme guerrier qui n'est certainement pas chrétien[5]. Ce qui sera l'objet d'un autre article.


[1] Ministère des affaires étrangères israéliennes. https://www.mfa.gov.il. - Mais nous ne pouvons plus admettre la fable d'un monastère et d'un scriptorium sur place...

[2] Charles Perrot, Jésus, Puf, Paris 1998. p. 10-12

[3] http://troisiemetestament.free.fr/frame%20qumran.htm

[4] Jacques Bernard, Les fondements bibliques, Paroles et silence 2010, p. 307-308

[5] Edouard-Marie Gallez, Le messie et son prophète, Editions de Paris 2012


Synthèse Françoise Breynaert