Un fanatisme très éloigné de la foi chrétienne

1QM, un fanatisme qui n’a plus rien à voir avec l’Apocalypse chrétienne

E-D Gallez, parle d'une mouvance qui n'est ni juive ni chrétienne et qui a laissé des traces dans les écrits intertestamentaires, préchrétiens et surtout post-chrétiens retrouvés à Qumrân (« » ou « judéo-nazaréens »).

Dans une thèse très documentée[1], il y voit une doctrine proto-musulmane rêvant d'un combat eschatologique et d'un monde renouvelé.

Sans reprendre un dossier aussi complexe, retenons quelques points de repères simples.

Au contraire de l'évangile de Mt 5, 43-44, il est enseigné que le vrai croyant doit haïr « tous les fils des ténèbres » (1QS 1, 9-10.9,21-22). L'apocalyptique d'un tel messianisme est donc très différente de celle de l'Apocalypse de Jean.

« Je regardai, et voici, l'agneau se tenait sur la montagne de Sion, et avec lui cent quarante-quatre mille personnes, qui avaient son nom et le nom de son Père écrits sur leurs fronts... 2 Et j'entendis du ciel une voix, comme un bruit de grosses eaux, comme le bruit d'un grand tonnerre; et la voix que j'entendis était comme celle de joueurs de harpes jouant de leurs harpes. 3 Et ils chantent un cantique nouveau devant le trône, et devant les quatre êtres vivants et les vieillards. Et personne ne pouvait apprendre le cantique, si ce n'est les cent quarante-quatre mille, qui avaient été rachetés de la terre.» (Apocalypse 14, 1-3)

« Puis je vis dans le ciel encore un signe, grand et merveilleux: sept Anges, portant sept fléaux, les derniers puisqu'ils doivent consommer la colère de Dieu. 2 Et je vis comme une mer de cristal mêlée de feu, et ceux qui ont triomphé de la Bête, de son image et du chiffre de son nom, debout près de cette mer de cristal. S'accompagnant sur les harpes de Dieu, 3 ils chantent le cantique de Moïse, le serviteur de Dieu, et le cantique de l'Agneau.» (Apocalypse 15, 1-3)

On le voit, dans l'Apocalypse chrétienne, les fidèles de Dieu sont occupés à chanter le cantique de Moïse et de l'Agneau, et non pas à exterminer les fils des ténèbres dans un grand carnage.

Au contraire, dans la Guerre des fils de lumière contre les fils de ténèbres (Rouleau de la guerre, 1QM), dont les fragments trouvés dans les grottes de Qumrân correspondent à sept exemplaires différents (ce qui indique son importance), nous lisons :

« La conquête des fils de lumière sera entreprise en premier lieu contre le lot des fils de ténèbres... quand la Déportation des fils de lumière sera revenue du désert des peuples pour camper dans le désert de Jérusalem.. [...] Au jour où tomberont les Kittim [Les Romains], il y aura une bataille et un rude carnage en présence du Dieu d'Israël, ca se sera le jour fixé par Lui dès autrefois pour la guerre d'extermination des fils des ténèbres... » (1QM1-14)

Des convictions semblables se sont exprimées plus tard dans le Coran « Ce n'est pas vous qui les avez tués, c'est Dieu qui les a tués » (Coran 8, 17 traduction Hamidullah) ;

« Combattez-les (à mort) afin que Dieu par vos mains les châtie » (Coran 9, 14, traduction Hamidullah)

Conséquences morales.

-1-

- Le chrétien lutte en lui-même contre le mal appréhendé comme un ennemi intérieur. La frontière entre le bien et le mal est dans le cœur de chacun.

« Car ce n'est pas contre des adversaires de sang et de chair que nous avons à lutter, mais contre les Principautés, contre les Puissances, contre les Régisseurs de ce monde de ténèbres [...] Tenez-vous donc debout, avec la Vérité pour ceinture, la Justice pour cuirasse, et pour chaussures le Zèle à propager l'Evangile de la paix. » (Ephésiens 6, 12-15).

- Le messianisme de 1QM (ou du Coran 9, 14) lutte contre des ennemis extérieurs. La frontière entre le bien et le mal se situe entre des groupes humains (ou même entre l'homme et la femme soupçonnée de détourner l'homme de son combat[2]).

-2-

- Si des éléments du Décalogue persistent dans la tradition messianique post-chrétienne, ces éléments y ont tendance à s'estomper, leur importance y devient secondaire.

- Au contraire, dans l'Apocalypse chrétienne, l'Ange de Dieu et le Fils de l'homme est vainqueur sur Satan, Babylone, la Bête et les adorateurs de la Bête, tandis que les vainqueurs sont « ceux qui gardent les commandements de Dieu et la foi en Jésus. » (Apocalypse 14, 12).


[1] Edouard-Marie Gallez, Le messie et son prophète, Editions de Paris 2012, p. 295-305

[2] Coran 64, 14-15 ; et déjà, dans les Rouleaux de Qumrân, le Testament de Lévi 15, 5-6.

Françoise Breynaert