Lévy-Dhurmer, Notre Dame de Penmarc’h, 1896

Lévy-Dhurmer, Notre Dame de Penmarc’h, 1896

Lucien Lévy-Dhurmer (Alger, 1865 ; Le Vésinet, 1953)

Notre-Dame de Penmarc'h, 1896, Huile sur toile, H. 0,41 ; L. 0,33, Signé et daté en bas à droite : Lévy Dhurmer / 1896

Voir le tableau : [Lien perdu]

Peintre symboliste, Lévy Dhurmer peint à partir de modèles vivants et transforme une jeune bretonne et son enfant en « Notre Dame de Penmarc'h ». L'enfant est en robe, comme les tout petits d'alors. Les auréoles et le geste de bénédiction de l'enfant rappellent le caractère sacré de la scène[1].

Cette œuvre étonnante, bien connue de l'iconographie symboliste, doit tout autant

- à l'illusionnisme académique (on croirait une photo),

- à la tradition byzantine des icônes (la symétrie des visages, la position),

- aux compositions renaissantes (le paysage),

- à l'esprit des images populaires bretonnes (les costumes locaux).

Cette œuvre peut déranger, en tout cas, elle touche à certains enjeux :

L'orthodoxie a défendu les icônes parce que le Fils de Dieu s'est incarné et a pris un visage humain.

Les images renvoient à leur modèle sans prétendre s'y identifier.

« En effet, plus ces images sont contemplées fréquemment, plus ceux qui les contemplent sont portés au souvenir et au désir des modèles d'origine et à leur rendre, en les embrassant, respect et vénération. »

(2° Concile de Nicée, DS 601)

Parce que chacun, dans sa propre culture, est appelé à s'impliquer spirituellement, les catholiques n'hésitent pas à placer Marie dans un paysage flamand, breton ou japonais... Mais ceci ne doit pas faire oublier le réalisme de l'incarnation : Marie était une juive de Galilée.

Les artistes orientaux ont recopié des icônes par désir de fidélité au modèle original.

Les artistes d'Occident, à partir du moment où saint François d'Assise semblait une icône vivante du Christ, n'ont pas hésité à s'inspirer des visages de leurs contemporains pour représenter le Christ...

En un sens, Jésus s'est identifié aux petits : « dans la mesure où vous l'avez fait à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait. » (Matthieu 25, 40).

En un autre sens, le Christ est toujours au-delà des images que nous faisons de lui, d'où la nécessité d'un art qui d'une manière ou d'une autre exprime cette distance et ce mystère.

Notre-Dame de Penmarc'h, par la symétrie des visages et la position des personnages s'inspire de la tradition byzantine des icônes ; à l'opposé, par l'illusionnisme académique (on croirait une photo), le peintre pousse à l'extrême la tradition occidentale, heureusement, les habits bretons avertissent le spectateur de son intention : ce n'est pas une photo de Jésus et de sa mère.


[1] [Lien perdu]


Synthèse F. Breynaert