Chansons mariales des troubadours et trouvères (XIIIès)


La chanson occupe une place de choix dans le répertoire lyrique des XIIè et XIIIès : avec ces quelques 2000 compositions, elle fait partie intégrante du patrimoine culturel médiéval. Avec le développement du culte marial aux XIIè et XIIIè siècle, on voit se développer à partir du XIIIès un répertoire de chansons à la Vierge qui s'inspirent de l'amour courtois, et appartiennent à la lyrique mariale. On les trouve à la fois chez les poètes de langue occitane (trouvères) et chez les troubadours (langue d’oïl). 

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Trouvères et troubadours: un répertoire varié

Le répertoire de chansons s’étend du XIIès à la fin du XIIIès, époque où se développe la polyphonie, qui va faire naître un lyrisme nouveau. Si dans le Sud du royaume les troubadours sont très nombreux[1], on connaît le nom d’environ 250 artistes trouvères : Gace Brulé, Thibaut de Champagne, Jean Botel, Adam de la Halle, le roi d’Angleterre et duc de Normandie Richard Cœur de Lion, Chrétien de Troyes, Rutebeuf, Jean Bodel, le chanoine Gautier de Coincy et l’archevêque de Rouen Thibaut d’Amiens en sont les plus fameux[2].

Les types et thèmes de chansons

Les trouvères firent de l’amour leur matière principale et développèrent une conception de l’amour idéal issue de la fin’amor des troudabours. Les compositions sont généralement isométriques, avec des vers de 7,8 ou 10 syllabes, rimés ou assonancés, généralement en 5 ou 6 strophes.

Chansons de toile, chansons de croisade, reverdies, aubes, chansons de rencontre, sottes chansons, pastourelles, estampes, rondeaux, chansons satiriques et chansons pieuses, etc. forment un répertoire varié.

Chansons pieuses : la chanson mariale

C’est au XIIIès, siècle de saint Louis, où le culte marial se développe de façon spectaculaire, que les poètes courtois du Nord comme du Sud commencent à composer des chansons pieuses en l’honneur de la Vierge Marie. Ces chansons mariales exaltent la figure de la Vierge Marie, la Dame par excellence, devenue ‘Notre Dame’, qui incarne l’amour idéalisé et suscite une dévotion particulière. Le trouvère ou troubadour se présente comme féal, serf de cette Dame. La Vierge Marie y est vénérée selon différents critères : comme ‘Mère de Dieu’, mais également comme figure virginale, avec l’image du « château dont resta fermée la porte, sauf au Seigneur » (Gautier de Coincy[3]) ; comme ‘Reine des Cieux’, comme ‘Nouvelle Ève’, comme ‘Mère de miséricorde’, comme psychopompe, puisqu’elle peut par son intercession ouvrir le Paradis. La chanson est donc le reflet de l’évolution de la mariologie : elle en est une sorte de vulgarisation, puisqu’elle traduit, en langue vernaculaire, les vérités dogmatiques développées par l’Église sur la Vierge Marie. Les métaphores mariales sont également le reflet des sermons de st Bernard, docteur marial du XIIès : ainsi la Vierge Marie est-elle comparée à une étoile, aussi bien par le troubadour Perdigon que par le trouvère Gautier de Coincy, à une fontaine, etc.

Quelques noms de la poésie lyrique mariale

Aimeric de Belenoi, Bernat d’Auriac, Perdigon, Peire de Corbian, Guiraut Riquier, le franciscain Raimon de Cornet, sont d’éminents troubadours marials, et les trouvères marials du Nord, dont Gautier de Coincy est l’un des plus fameux, participent également à cet élan de la lyrique mariale du XIIIès.

 


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Pour en savoir plus

Sur la place de la Vierge Marie dans la poésie des troubadours, en ligne 

Sur les vérités dogmatiques mariales, dans l’Encyclopédie mariale

Sur st Bernard, docteur marial du XIIès, dans l’Encyclopédie mariale 

Sur les chansons mariales du trouvère Gautier de Coincy, dans l’Encyclopédie mariale

Isabelle Rolland