Ephèse, la visite de Benoît XVI

Ephèse, la visite de Benoît XVI

Benoît XVI, audience du 06.12.06.

La deuxième journée m'a porté à l'Ephèse, et je me suis donc trouvé rapidement dans le "cercle" le plus intérieur du voyage, à contact direct avec la Communauté catholique. Près d'Ephèse, en effet, dans une localité agréable appelée "Colline du rossignol", donnant sur la Mer Egée, se trouve le Sanctuaire de la Maison de Marie.

Il s'agit d'une ancienne petite chapelle construite autour d’ une masure que, selon une ancienne tradition, l'apôtre Jean a fait construire pour la Vierge Marie, après l’avoir emmenée avec lui à l'Ephèse. Jésus lui-même les avait confiés l'un à l'autre quand, avant de mourir en croix, il avait dit à Marie: "Femme, voici ton fils!", et à Jean : "Voici ta mère!" (Jn 19,26-27).

Les recherches archéologiques ont montré que cet endroit est depuis un temps immémorial un lieu de culte marial chrétien, cher aussi aux musulmans qui y viennent vénérer Celle qu'ils appellent "Meryem Ana", la Mère Marie.

Dans le jardin face au Sanctuaire, j'ai célébré la Messe pour un groupe de fidèles, venu de la ville voisine d'Izmir et d'autres parties de la Turquie et aussi de l'étranger.

Près de la "Maison de Marie" nous nous sommes vraiment sentis "à la maison", et dans ce climat de paix nous avons prié pour la paix en Terre et dans le monde entier.

J'ai voulu rappeler Don Andrea Santoro, prêtre romain, témoin de l'Évangile en terre turque avec son sang.

Benoît XVI, audience du 06.12.06.

Benoît XVI, homélie de la messe au sanctuaire "MERYEM ANA EVÌ"

Mercredi 29 novembre 2006

Chers frères et soeurs,

Au cours de cette célébration eucharistique, nous voulons rendre grâce au Seigneur pour la maternité divine de Marie, un mystère qui fut ici, à Ephèse, lors du Concile oecuménique de 431, solennellement confessé et proclamé.

En ce lieu, l'un des plus chers à la Communauté chrétienne, sont venus en pèlerinage mes vénérés prédécesseurs, les Serviteurs de Dieu Paul VI et Jean-Paul II, qui s'arrêta dans ce Sanctuaire le 30 novembre 1979, un peu plus d'un an après le début de son Pontificat.

Mais il y a un autre de mes Prédécesseurs qui s'est rendu dans ce pays non pas en tant que Pape, mais comme Représentant pontifical, de janvier 1935 à décembre 1944, et dont le souvenir suscite encore une grande dévotion et sympathie: le bienheureux Jean XXIII, Angelo Roncalli. Il nourrissait une grande estime et admiration pour le peuple turc. A cet égard, j'ai plaisir à rappeler une expression que l'on peut lire dans son Journal de l'âme: "J'aime les Turcs, j'apprécie les qualités naturelles de ce peuple qui a également toute sa place dans la marche de la civilisation" (n. 741). En outre, il a laissé en don à l'Eglise et au monde une attitude spirituelle d'optimisme chrétien, fondé sur une foi profonde et une union constante avec Dieu. Animé par cet esprit, je m'adresse à cette nation et, de manière particulière, au "petit troupeau" du Christ qui vit au milieu de celle-ci, pour l'encourager et lui manifester l'affection de l'Eglise tout entière.

Je salue avec une grande affection vous tous, qui êtes ici présents, fidèles d'Izmir, de Mersin, d'Iskenderun et d'Antakya, et ceux qui sont venus de diverses parties du monde; ainsi que ceux qui n'ont pas pu participer à cette célébration, mais qui sont spirituellement unis à nous. Je salue, en particulier, Mgr Ruggero Franceschini, Archevêque d'Izmir; Mgr Giuseppe Bernardini, Archevêque émérite d'Izmir; Mgr Luigi Padovese, les prêtres et les religieuses. Je vous remercie de votre présence, de votre témoignage et de votre service à l'Eglise, sur cette terre bénie où, aux origines, la communauté chrétienne a connu de grands développements, ainsi que l'attestent également les nombreux pèlerinages qui se rendent en Turquie.

Mère de Dieu - Mère de l'Eglise

Nous avons écouté le passage de l'Evangile de Jean qui invite à contempler le moment de la Rédemption, lorsque Marie, unie au Fils dans l'offrande du Sacrifice, étendit sa maternité à tous les hommes et, en particulier, aux disciples de Jésus. Le témoin privilégié de cet événement est l'auteur du quatrième Evangile lui-même, Jean, le seul des Apôtres qui resta sur le Golgotha avec la Mère de Jésus et les autres femmes. La maternité de Marie, qui commença avec le fiat de Nazareth, s'accomplit sous la Croix.

S'il est vrai - comme l'observe saint Anselme - qu'"à partir du moment du fiat, Marie commença à nous porter tous dans son sein", la vocation et la mission maternelle de la Vierge à l'égard des croyants en Christ commença de manière effective lorsque Jésus lui dit: "Femme, voici ton fils!" (Jn 19, 26). En voyant sa Mère du haut de la Croix et le disciple bien-aimé à ses côtés, le Christ mourant reconnut les prémisses de la nouvelle Famille qu'il était venu former dans le monde, le germe de l'Eglise et de la nouvelle humanité. C'est pourquoi il s'adressa à Marie en l'appelant "femme" et non "mère"; un terme qu'il utilisa en revanche en la confiant au disciple: "Voici ta mère!" (Jn 19, 27).

Le Fils de Dieu accomplit ainsi sa mission: né de la Vierge pour partager en tout, hormis le péché, notre condition humaine, au moment de son retour au Père, il laissa dans le monde le sacrement de l'unité du genre humain (1): la Famille "rassemblée par l'unité du Père et du Fils et de l'Esprit Saint" (2), dont le noyau primordial est précisément ce lien nouveau entre la Mère et le disciple. Ainsi, la maternité divine et la maternité ecclésiale demeurent soudées de manière indissoluble.

Mère de Dieu - Mère de l'unité

La première Lecture nous a présenté ce que l'on peut définir comme l'"évangile" de l'Apôtre des nations: tous, même les païens, sont appelés en Christ à participer pleinement au mystère du salut. Le texte contient en particulier l'expression que j'ai choisie comme devise de mon voyage apostolique: "Le Christ, qui est notre paix" (Ep 2, 14). Inspiré par l'Esprit Saint, Paul affirme non seulement que Jésus Christ nous a apporté la paix, mais qu'il "est" notre paix. Et il justifie cette affirmation en se référant au mystère de la Croix: en versant "son sang" - dit-il -, en offrant "sa chair" en sacrifice, Jésus a détruit l'inimitié "en lui-même" et il a créé "en sa personne les deux en un seul Homme Nouveau" (Ep 2, 14-16).

L'Apôtre explique dans quel sens, vraiment imprévisible, la paix messianique a été réalisée en la Personne même du Christ et de son mystère salvifique. Il l'explique en écrivant, alors qu'il est emprisonné, à la communauté chrétienne qui habitait ici, à Ephèse: "au peuple saint qui est à Ephèse, fidèles dans le Christ Jésus" (cf. Ep 1, 1), comme il l'affirme dans l'adresse de la Lettre. L'Apôtre leur souhaite "que la grâce et la paix soient avec vous de la part de Dieu notre Père et de Jésus Christ le Seigneur" (Ep 1, 2).

La "grâce" est la force qui transforme l'homme et le monde: la "paix" est le fruit mûr de cette transformation. Le Christ est la grâce; le Christ est la paix. Or, Paul sait qu'il est envoyé pour annoncer un "mystère", c'est-à-dire un dessein divin qui, uniquement dans la plénitude des temps, dans le Christ, s'est réalisé et révélé: c'est-à-dire que "les païens sont associés au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l'annonce de l'Evangile" (Ep 3, 6). Ce "mystère" se réalise, sur le plan historique et salvifique, dans l'Eglise, ce Peuple nouveau dans lequel, une fois abattu le vieux mur de division, se retrouvent unis les juifs et les païens.

Comme le Christ, l'Eglise n'est pas seulement un instrument de l'unité, mais elle en est également le signe efficace. Et la Vierge Marie, Mère du Christ et de l'Eglise, est la Mère de ce mystère d'unité que le Christ et l'Eglise représentent et construisent inséparablement dans le monde et au cours de l'histoire.

Demandons la paix pour Jérusalem et le monde entier

L'Apôtre des nations remarque que le Christ "des deux, [il] a fait un seul peuple" (Ep 2, 14): une affirmation qui se réfère au sens propre à la relation entre les juifs et les païens en ce qui concerne le mystère du salut éternel; une affirmation qui peut cependant également s'étendre, sur le plan de l'analogie, aux relations entre les peuples et les civilisations présentes dans le monde.

Le Christ "est venu annoncer la paix" (Ep 2, 17) non seulement parmi les juifs et les non juifs, mais entre toutes les nations, car tous proviennent du même Dieu, unique Créateur et Seigneur de l'univers. Réconfortés par la Parole de Dieu, d'ici, d'Ephèse, ville bénie par la présence de la Très Vierge Marie - que nous savons également aimée et vénérée par les musulmans - nous élevons au Seigneur une prière spéciale pour la paix entre les peuples.

De cette partie de la péninsule d'Anatolie, pont naturel entre les continents, nous invoquons la paix et la réconciliation, tout d'abord pour ceux qui vivent sur la Terre que nous appelons "", et qui est considérée comme telle par les chrétiens, les juifs et les musulmans: c'est la terre d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, destinée à accueillir un peuple qui deviendra une bénédiction pour toutes les nations (cf. Gn 12, 1-3).

Paix pour l'humanité tout entière! Que cette prophétie d'Isaïe puisse se réaliser au plus tôt:

"Ils briseront leurs épées pour en faire des socs /
et leurs lances pour en faire des serpes. /
On ne lèvera plus l'épée nation contre nation, /
on n'apprendra plus à faire la guerre"

(Is 2, 4)

Nous avons tous besoin de cette paix universelle; l'Eglise est appelée à être non seulement l'annonciatrice prophétique de cette paix, mais, plus encore, à en être "le signe et l'instrument".

C'est précisément dans cette perspective de pacification universelle, que devient plus profonde et intense l'aspiration vers la pleine communion et la concorde entre tous les chrétiens. Les fidèles catholiques de divers Rites sont présents à la célébration d'aujourd'hui, et cela constitue un motif de joie et de louange à Dieu. En effet, ces Rites sont l'expression de l'admirable variété dont l'Epouse du Christ est ornée, à condition qu'ils sachent converger vers l'unité et le témoignage commun. C'est dans ce but que l'unité entre les Evêques au sein de la Conférence épiscopale, dans la communion et le partage des efforts pastoraux, doit être exemplaire.

Magnificat

La liturgie d'aujourd'hui nous a fait répéter, comme refrain du Psaume responsorial, le cantique de louange que la Vierge de Nazareth proclama lors de la rencontre avec sa parente âgée Elisabeth (cf. Lc 1, 39). Les paroles du Psalmiste ont également retenti de manière réconfortante dans nos coeurs:

"Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s'embrassent"

(Ps 84, v. 11).

Chers frères et soeurs, à travers cette visite, j'ai voulu faire ressentir mon amour et ma proximité spirituelle, ainsi que celle de l'Eglise universelle, à la communauté chrétienne qui ici, en Turquie, est véritablement une petite minorité et qui affronte chaque jour de nombreux défis et difficultés.

C'est avec une profonde confiance que nous chantons, avec Marie, le "Magnificat" de la louange et de l'action de grâce à Dieu, qui s'est penché sur l'humilité de sa servante (cf. Lc 1, 47-48).

Nous le chantons avec joie, même lorsque nous sommes éprouvés par les difficultés et les dangers, comme l'atteste le beau témoignage du prêtre romain Dom Andrea Santoro, que j'ai plaisir à rappeler au cours de cette célébration. Marie nous enseigne que la source de notre joie et notre unique soutien solide est le Christ, et elle nous répète ses paroles:

"N'ayez pas peur"

(Mc 6, 50),

"Je suis avec vous"

(Mt 28, 20).

Et toi, Mère de l'Eglise, accompagne toujours notre chemin!

Marie, Mère de Dieu, prie pour nous!

Aziz Meryem Mesih'in Annesi bizim için Dua et".

Amen.

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(1) cf. Const. Lumen gentium, n. 1

(2) Saint Cyprien, De Orat. Dom. 23: PL 4, 536

Sanctuaires et pères de l'Eglise en Turquie