Sainte Marie-Madeleine (par Jacques de Voragine)

Sainte Marie-Madeleine (par Jacques de Voragine)

[Jacques de Voragine (1228-1298) fut dominicain et archevêque de Gênes. Il écrivit « La Légende dorée (Legenda Sanctorum) » qui signifie : lecture de la vie des saints. Legenda est ici l'équivalent du mot lectio, qui, dans le Bréviaire, désigne les passages des auteurs consacrés que le prêtre est tenu de lire entres deux oraisons. Il écrit :]

« I. Marie-Madeleine naquit de parents nobles, et qui descendaient de famille royale. Son père s'appelait Syrius, sa mère Eucharie. Avec son frère Lazare et sa sœur Marthe, elle possédait la place forte de Magdala, voisine de Génésareth, Béthanie, près de Jérusalem, et une grande partie de cette dernière ville ; mais cette vaste possession fut partagée de telle manière que Lazare eut la partie de Jérusalem, Marthe, Béthanie, et que Magdala revint en propre à Marie, qui tira de là son surnom de Magdeleine. Et comme Madeleine s'abandonnait tout entière aux délices des sens, et que Lazare servait dans l'armée, c'était la sage Marthe qui s'occupait d'administrer les biens de sa sœur et de son frère. Tous trois, d'ailleurs, après l'ascension de Jésus-Christ, vendirent leurs biens et en déposèrent le prix aux pieds des apôtres./.../

Après l'ascension du Seigneur, la quatorzième année après la Passion, les disciples se répandirent dans les diverses contrées pour y semer la parole divine : et Saint Pierre confia Marie-Madeleine à Saint Maximin, l'un des soixante-douze disciples du Seigneur. Alors Saint Maximin, Marie-Madeleine, Lazare, Marthe, Martille, et avec eux Saint Cédon, l'aveugle-né guéri par Jésus, ainsi que d'autres chrétiens encore, furent jetés par les infidèles sur un bateau et lancés à la mer, sans personne pour diriger le bateau. Les infidèles espéraient que, de cette façon, ils seraient tous noyés à la fois. Mais le bateau, conduit par la grâce divine, arriva heureusement dans le port de Marseille. Là, personne ne voulut recevoir les nouveaux venus, qui s'abritèrent sous le portique d'un temple. Et, lorsque Marie-Madeleine vit les païens se rendre dans leur temple pour sacrifier aux idoles, elle se leva, le visage calme, se mit à les détourner du culte des idoles et à leur prêcher le Christ. Et tous l'admirèrent, autant pour son éloquence que pour sa beauté : éloquence qui n'avait rien de surprenant dans une bouche qui avait touché les pieds du Seigneur.

III. Cependant Marie-Madeleine, désireuse de contempler les choses célestes, se retira dans une grotte de la montagne, que lui avait préparée la main des anges, et pendant trente ans elle y resta à l'insu de tous. Il n'y avait là ni cours d'eau, ni herbe, ni arbre ; ce qui signifiait que Jésus voulait nourrir la des seuls mets célestes, sans lui accorder aucun des plaisirs terrestres. Mais, tous les jours, les anges l'élevaient dans les airs, où pendant une heure, elle entendait leur musique ; après quoi, rassasiée de ce repas délicieux, elle redescendait dans sa grotte, sans avoir le moindre besoin d'aliments corporels./.../

Et Maximin raconte lui-même, dans ses écrits, que le visage de la , accoutumé à une longue vision des anges, était devenu si radieux, qu'on aurait pu plus facilement regarder en face les rayons du soleil que ceux de ce visage. Alors l'évêque, ayant rassemblé son clergé, donna à Marie-Madeleine le corps et le sang du Seigneur ; et, aussitôt qu'elle eut reçu la communion, son corps s'affaissa devant l'autel et son âme s'envola vers le Seigneur. Et telle était l'odeur de sa sainteté, que, pendant sept jours, l'oratoire en fut parfumé. Saint Maximin fit ensevelir en grande pompe le corps de la , et demanda à être lui-même enterré près d'elle, après sa mort.

Le livre attribué par les uns à Hégésippe, par d'autres à Josèphe, raconte l'histoire de Marie-Madeleine presque de la même façon. Il ajoute seulement que le prêtre trouva la enfermée dans sa cellule, que, sur sa demande, il lui donna un manteau dont elle se couvrit, et que c'est avec lui qu'elle se rendit à l'église, où, après avoir communié, elle s'endormit en paix devant l'autel ».


Jacques de Voragine, La Légende dorée (Legenda Sanctorum) , chapitre 45, p. 338 -347