Jésus était-il zélote ? Quel est le zèle qui l'anime ?

Jésus était-il zélote ? Quel est le zèle qui l'anime ?

Certains théologiens du XX° siècle avaient fait l'hypothèse que Jésus serait un zélote, un insurgé militaire. Les évangélistes auraient simplement adouci, effacé et caché cette violence[1]. Ils s'appuient surtout sur l'épisode de Pinhas dans l'Ancien Testament (Nb 25, 7) et sur les évangiles de l'entrée de Jésus à Jérusalem et de la purification du Temple.

Benoît XVI nous aide à y voir clair.

L'entrée de Jésus à Jérusalem : celle d'un roi, pacifique et universel.

  • Jésus roi :

Le fait que Jésus se permette de réquisitionner une monture signifie que "Jésus revendique le droit royal" ; que cette monture n'ait jamais été montée "renvoie aussi à un droit royal". On peut aussi se souvenir de la bénédiction de Jacob sur Judas (Gn 49, 10s), et "l'âne lié renvoie donc à celui qui doit venir, à qui est due l'obéissance des peuples."[2]

  • Roi pacifique et universel :

L'évangile de Matthieu et de Jean citent explicitement Zacharie 9, 9.

« Dites à la fille de Sion : Voici que ton roi vient à toi ; modeste, il monte une ânesse, et un ânon, petit d'une bête de somme. » (Mt 21, 5 cf. Za 9,9 ; Jn 12, 15).

Nous avons montré par ailleurs que Zacharie évoque un règne doux et universel. "L'ancrage au texte de Zacharie 9, 9 montre que Jésus ne se fonde pas sur la violence ; il n'engage pas une insurrection militaire contre Rome. Son pouvoir est d'un caractère différent : c'est dans la pauvreté de Dieu, dans la paix de Dieu, qu'il reconnaît l'unique pouvoir qui sauve."[3]

De plus, en Zacharie, Jésus n'a pas trouvé seulement l'image du roi de paix qui arrive sur l'âne, mais aussi la vision du pasteur tué qui, par sa mort, apporte le salut, et encore l'image du transpercé vers lequel tous auraient dirigé leur regard.

La purification de Jésus au Temple : un acte zélé, mais un zèle d'amour.

  • Quand Jésus chasse les vendeurs et les changeurs, c'est un acte énergique, mais ce n'est pas une insurrection militaire, ni une atteinte aux personnes.

Benoît XVI reprend les observations historiques de Vittorio Messori : "Ni la police du Temple, ni la cohorte romaine présente dans la forteresse Antonia ne sont intervenues. Les autorités du Temple se limitèrent à poser à Jésus la question concernant son autorité pour une telle action [Mt 21, 23]. En ce sens est juste la thèse, motivée minutieusement par Vittorio Messori, selon laquelle dans la purification du Temple Jésus agissait en harmonie avec la loi, empêchant un abus à l'égard du Temple."[4]

Ces observations montrent que Jésus n'agit pas à la manière d'un insurgé.

Benoît XVI fait une remarque pastorale : "La violence n'instaure pas le royaume de Dieu, le royaume de l'humanité. C'est, au contraire, l'instrument préféré de l'Antéchrist - même avec une motivation religieuse idéaliste. "[5]

  • Jésus dit "détruisez ce Temple", mais il ne le détruit pas.

Comme Jérémie (Jr 7, 11), Jésus annonce la destruction du Temple : « Détruisez ce Sanctuaire et en trois jours je le relèverai » (Jn 2, 19), mais "il n'est pas le destructeur du Temple" : Jérémie et Jésus "indiquent par leur passion qui et quoi détruira le Temple."[6]

Et "le rejet de Jésus, sa crucifixion signifie en même temps la fin de ce Temple. L'époque du Temple est passée. Un nouveau culte arrive, dans un Temple non construit par des hommes."[7]

  • Jésus est zélé, mais ce n'est pas le zèle meurtrier de Pinhas.

L'Ancien Testament valorise l'exemple de Pinhas, qui tua les coupables dans le Temple (Nb 25, 7), « Pinhas, notre père, pour avoir brûlé d'un beau zèle, a reçu l'alliance d'un sacerdoce éternel.» (1Macc 2, 54).

Jésus est zélé, mais il n'est pas meurtrier.

« Ses disciples se rappelèrent qu'il est écrit: Le zèle de ta maison me dévorera » (Jn 2, 17)

C'est à dire que les disciples comprennent que le zèle de Jésus ne correspond pas à celui de Pinhas mais à celui du psaume 69, psaume de la passion :

« Sauve-moi, ô Dieu, car les eaux me sont entrées jusqu'à l'âme... c'est pour toi que je souffre l'insulte... le zèle de ta maison me dévore... » (Ps 69, 2.8.10).

Le zèle pour la Maison de Dieu le conduit à la Passion, à la Croix.

Jésus "a transformé en zèle de la Croix le zèle qui voulait servir Dieu par la violence. Il a établi ainsi définitivement le critère du vrai zèle - le zèle de l'amour qui se donne."[8]

Deux confirmations :

- Après la purification du Temple, Jésus guérit des aveugles et des boiteux (Mt 21, 14) : "Jésus ne vient pas avec l'épée du révolutionnaire. Il vient avec le don de la guérison."[9]

- Certains enfants répètent les paroles de l'hommage à Jésus « Hosanna au fils de David » (Mt 21, 15). Les prêtres s'indignent et Jésus prend leur défense en citant le psaume 8 : « De la bouche des tout-petits et des nourrissons, tu t'es ménagé une louange? » (Mt 21, 16).

"De ces petits lui viendra toujours la louange - de ceux qui sont capables de voir avec un cœur pur et simple et qui sont ouverts à sa bonté." [10]


[1] Robert Eisler, Iesous basileus ou baslileusas, deux volumes, Heidelberg 1929/1930) ; Samuel George Frederik Brandon, Jesus and the Zealots (New York, 1967)

[2] Joseph Ratzinger, Benoît XVI, Jésus de Nazareth. De l'entrée à Jérusalem à la Résurrection. Parole et Silence, Paris 2011, p. 18

[3] Joseph Ratzinger, Benoît XVI, Ibid., p. 19

[4] Joseph Ratzinger, Benoît XVI, Ibid.,p. 26 ; cf. Vittorio Messori, Patì sotto Ponzio Pilato ? SEI, Torino, 1992, p. 190-199

[5] Joseph Ratzinger, Benoît XVI, Ibid., p 28

[6] Joseph Ratzinger, Benoît XVI, Ibid., p. 34

[7] Joseph Ratzinger, Benoît XVI, Ibid., p. 35

[8] Joseph Ratzinger, Benoît XVI, Ibid., p. 36

[9] Joseph Ratzinger, Benoît XVI, Ibid., p. 36

[10] Joseph Ratzinger, Benoît XVI, Ibid., p. 37


Synthèse Françoise Breynaert