St Thomas d'Aquin, Docteur de l'Église (1225-1274)

Enfance et jeunesse :

Thomas naquit entre 1224 et 1225 dans le château que sa famille, noble et riche, possédait à Roccasecca, près d'Aquin, à côté de la célèbre abbaye du Mont Cassin, où il fut envoyé par ses parents pour recevoir les premiers éléments de son instruction.

Quelques années plus tard, il se rendit dans la capitale du Royaume de Sicile, Naples [...] c'est au cours de ces années passées à Naples, que naquit sa vocation dominicaine. Thomas fut en effet attiré par l'idéal de l'Ordre fondé quelques années auparavant par saint Dominique. Toutefois, lorsqu'il revêtit l'habit dominicain, sa famille s'opposa à ce choix, et il fut contraint de quitter le couvent et de passer un certain temps auprès de sa famille.

En 1245, désormais majeur, il put reprendre son chemin de réponse à l'appel de Dieu. Il fut envoyé à Paris pour étudier la théologie sous la direction d'un autre saint, Albert le Grand, dont j'ai récemment parlé.

Albert et Thomas nouèrent une véritable et profonde amitié, et apprirent à s'estimer et à s'aimer, au point qu'Albert voulut que son disciple le suivît également à Cologne, où il avait été envoyé par les supérieurs de l'Ordre pour fonder une école de théologie. Thomas se familiarisa alors avec toutes les œuvres d'Aristote et de ses commentateurs arabes, qu'Albert illustrait et expliquait.

 

Les oeuvres d'Aristote à travers Avicenne et Averroès :

A cette époque, la culture du monde latin avait été profondément stimulée par la rencontre avec les œuvres d'Aristote, qui étaient demeurées longtemps inconnues.

Il s'agissait d'écrits sur la nature de la connaissance, sur les sciences naturelles, sur la métaphysique, sur l'âme et sur l'éthique, riches d'informations et d'intuitions, qui apparaissaient de grande valeur et convaincants. [...]

De nombreuses personnes accueillirent avec enthousiasme, et même avec un enthousiasme acritique, cet immense bagage de savoir antique, qui semblait pouvoir renouveler avantageusement la culture, ouvrir des horizons entièrement nouveaux.

D'autres, toutefois, craignaient que la pensée païenne d'Aristote fût en opposition avec la foi chrétienne, et se refusaient de l'étudier. Deux cultures se rencontrèrent: la culture pré-chrétienne d'Aristote, avec sa rationalité radicale, et la culture chrétienne classique.

Certains milieux étaient conduits au refus d'Aristote également en raison de la présentation qui était faite de ce philosophe par les commentateurs arabes Avicenne et Averroès. En effet, c'était eux qui avaient transmis la philosophie d'Aristote au monde latin.

Par exemple, ces commentateurs avaient enseigné que les hommes ne disposaient pas d'une intelligence personnelle, mais qu'il existe un unique esprit universel, une substance spirituelle commune à tous, qui œuvre en tous comme "unique": par conséquent, une dépersonnalisation de l'homme.

Un autre point discutable véhiculé par les commentateurs arabes était celui selon lequel le monde est éternel comme Dieu. De façon compréhensible, des discussions sans fin se déchaînèrent dans le monde universitaire et dans le monde ecclésiastique.

La philosophie d'Aristote se diffusait même parmi les personnes communes.

 

Thomas d'Aquin et Aristote

Thomas d'Aquin, à l'école d'Albert le Grand, accomplit une opération d'une importance fondamentale pour l'histoire de la philosophie et de la théologie, je dirais même pour l'histoire de la culture: il étudia à fond Aristote et ses interprètes, se procurant de nouvelles traductions latines des textes originaux en grec.

Ainsi, il ne s'appuyait plus seulement sur les commentateurs arabes, mais il pouvait également lire personnellement les textes originaux, et commenta une grande partie des œuvres d'Aristote, en y distinguant ce qui était juste de ce qui était sujet au doute ou devant même être entièrement rejeté, en montrant la correspondance avec les données de la Révélation chrétienne et en faisant un usage ample et précis de la pensée d'Aristote dans l'exposition des écrits théologiques qu'il composa.

En définitive, Thomas d'Aquin démontra qu'entre foi chrétienne et raison, subsiste une harmonie naturelle. Et telle a été la grande œuvre de Thomas qui, en ce moment de conflit entre deux cultures - ce moment où il semblait que la foi devait capituler face à la raison - a montré que les deux vont de pair,

que ce qui apparaissait comme une raison non compatible avec la foi n'était pas raison,

et que ce qui apparaissait comme foi n'était pas la foi, si elle s'opposait à la véritable rationalité;

il a ainsi créé une nouvelle synthèse, qui a formé la culture des siècles qui ont suivi.

 

En raison de ses excellentes capacités intellectuelles, Thomas fut rappelé à Paris comme professeur de théologie sur la chaire dominicaine. C'est là aussi que débuta sa production littéraire, qui se poursuivit jusqu'à sa mort, et qui tient du prodige:

- commentaires des Saintes Ecritures, parce que le professeur de théologie était surtout un interprète de l'Ecriture,

- commentaires des écrits d'Aristote,

- œuvres systématiques volumineuses, parmi elles l'excellente Summa Theologiae,

- traités et discours sur divers sujets.

Pour la composition de ses écrits, il était aidé par des secrétaires [...].

C'est là une caractéristique des saints: ils cultivent l'amitié, parce qu'elle est une des manifestations les plus nobles du cœur humain et elle a quelque chose de divin, comme Thomas l'a lui-même expliqué dans certaines quaestiones de la Summa Theologiae, où il écrit: "La charité est l'amitié de l'homme avec Dieu principalement, et avec les êtres qui lui appartiennent" (II, q. 23, a. 1). [...]

 

En 1259, il participa au Chapitre général des Dominicains à Valenciennes, où il fut membre d'une commission qui établit le programme des études dans l'Ordre.

 

De 1261 à 1265, ensuite, Thomas était à Orvieto. Le Pape Urbain iv, qui nourrissait à son égard une grande estime, lui commanda la composition de textes liturgiques pour la fête du Corpus Domini, que nous célébrons demain, instituée suite au miracle eucharistique de Bolsena. Thomas eut une âme d'une grande sensibilité eucharistique. [...].

 

De 1265 à 1268, Thomas résida à Rome où, probablement, il dirigeait un Studium, c'est-à-dire une maison des études de l'ordre, et où il commença à écrire sa Summa Theologiae (cf. Jean-Pierre Torell, Thomas d'Aquin. L'homme et le théologien, Casale Monf., 1994).

 

En 1269, il fut rappelé à Paris pour un second cycle d'enseignement. Les étudiants - on les comprend - étaient enthousiastes de ses leçons. L'un de ses anciens élèves déclara qu'une très grande foule d'étudiants suivaient les cours de Thomas, au point que les salles parvenaient à peine à tous les contenir et il ajoutait dans une remarque personnelle que "l'écouter était pour lui un profond bonheur". [...]

 

Outre les études et l'enseignement, Thomas se consacra également à la prédication au peuple. Et le peuple aussi venait volontiers l'écouter. Je dirais que c'est vraiment une grande grâce lorsque les théologiens savent parler avec simplicité et ferveur aux fidèles. Le ministère de la prédication, d'autre part, aide à son tour les chercheurs en théologie à un sain réalisme pastoral, et enrichit leur recherche de vifs élans.

[...]

Thomas mourut alors qu'il était en route vers Lyon, où il se rendait pour prendre part au Concile œcuménique convoqué par le Pape Grégoire X. Il s'éteignit dans l'Abbaye cistercienne de Fossanova, après avoir reçu le Viatique avec des sentiments de grande piété.

 

Benoît XVI, extraits de l'audience du mercredi 2 juin 2010

 

 

 

 

 

Saint Thomas et la Vierge Marie

Saint Thomas a été, comme tous les saints, un grand dévot de la Vierge.

Il l'a appelée d'un nom formidable: Triclinium totius Trinitatis, c'est-à-dire lieu où la Trinité trouve son repos, parce qu'en raison de l'Incarnation, en aucune créature comme en elle, les trois Personnes divines habitent et éprouvent délice et joie à vivre dans son âme pleine de Grâce.

Par son intercession nous pouvons obtenir tous les secours.

Avec une prière qui est traditionnellement attribuée à saint Thomas et qui, quoi qu'il en soit, reflète les éléments de sa profonde dévotion mariale, nous disons nous aussi:

 

 

«O bienheureuse et très douce Vierge Marie, Mère de Dieu...,

je confie à ton cœur miséricordieux toute ma vie...

Obtiens-moi, ô ma très douce Dame, la véritable charité, avec laquelle je puisse aimer de tout mon cœur ton très saint Fils et toi, après lui, par-dessus toute chose,

et mon prochain en Dieu et pour Dieu».

 

 

 

 

Benoît XVI, extraits de l'audience du mercredi 23 juin 2010