Y eut-il un vrai mariage entre Marie, mère du Seigneur, et Joseph?

Y eut-il un vrai mariage entre Marie, mère du Seigneur, et Joseph?

Les articles de saint Thomas répondent à une question (celle du titre), et commencent par des « objections ».

Ensuite, il cite l'Evangile et donne réponse à la question posée.

A la fin, il donne des "solutions" aux objections.

Objections:

1. S. Jérôme dit que "Joseph fut le gardien de Marie plutôt que son époux. Mais s'il y avait eu un vrai mariage, Joseph aurait été vraiment son époux.

2. Sur le texte (Mt 1,16): "Jacob engendra Joseph époux de Marie", S. Jérôme nous dit: "Que ce terme d'époux n'évoque pas en toi l'idée de mariage. Souviens-toi que c'est l'habitude des Écritures d'appeler épouses les fiancées." Or ce qui fait le vrai mariage, ce ne sont pas les fiançailles, mais les noces. Il n'y a donc pas eu mariage entre la Bienheureuse Vierge et Joseph.

3. On lit en S. Matthieu (Mt 1,19): "Joseph, son époux, parce qu'il était juste et ne voulait pas l'emmener" (dans sa maison pour une cohabitation constante, selon une Glose), "résolut de la répudier secrètement", c'est-à-dire de retarder la date des noces, explique S. Rémi d'Auxerre Donc, puisque les noces n'avaient pas été célébrées, il n'y avait pas encore de vrai mariage, d'autant plus qu'après avoir contracté mariage, il n'était plus permis de répudier son épouse.

En sens contraire,

il y a l'affirmation de S. Augustin: " Il serait impie de croire que, d'après l'évangéliste, Joseph aurait refusé de prendre Marie pour épouse parce que, sans s'être unie à lui, elle aurait enfanté le Christ en restant vierge. Par cet exemple il est clairement manifesté aux fidèles mariés qu'ils peuvent demeurer de véritables époux et en mériter le nom tout en gardant la continence d'un commun accord, sans avoir de relations conjugales. "

Réponse:

On appelle véritable le mariage ou union conjugale qui atteint sa perfection. Or il y a une double perfection pour un être: la première et la seconde.

La première perfection d'un être consiste proprement dans sa forme, qui lui donne son espèce.

La perfection seconde consiste dans l'opération par laquelle cet être atteint en quelque sorte sa fin.

Or la forme du mariage consiste en l'union indissoluble des esprits, par laquelle chaque époux est tenu de garder une foi inviolable à son conjoint. Quant à la fin du mariage, elle est d'engendrer et d'élever des enfants. On les engendre par l'acte conjugal; et ils sont élevés par les services que le père et la mère se rendent réciproquement pour nourrir leurs enfants.

Ainsi donc, en ce qui concerne la perfection première du mariage, il faut dire que l'union entre la Vierge Marie, mère de Dieu, et S. Joseph fut un mariage absolument véritable. Car l'un et l'autre ont consenti à l'union conjugale, mais non expressément à l'union charnelle, sauf sous condition: si Dieu le voulait. Aussi l'ange appelle-t-il Marie l'épouse de Joseph quand il dit à celui-ci (Mt 1,20): "Ne crains pas de prendre chez toi Marie ton épouse." Ce que S. Augustin explique ainsi: "Elle est appelée épouse en raison du premier engagement des fiançailles, elle qui n'avait connu et ne devait jamais connaître l'union charnelle."

Mais quant à la perfection seconde, laquelle s'accomplit par l'acte du mariage, si l'on entend celui-ci de l'union charnelle qui engendre les enfants, ce mariage n'a pas été consommé. Ce qui fait dire à S. Ambroise: "Ne sois pas ému si l'Écriture l'appelle souvent épouse: ce n'est pas pour lui enlever sa virginité, mais pour attester le lien du mariage et la célébration des noces." - Cependant ce mariage a eu aussi la perfection seconde quant à l'éducation de l'enfant, comme dit S. Augustin: "Tout le bien du mariage est accompli chez les parents du Christ: l'enfant, la fidélité et le sacrement. L'enfant, nous le reconnaissons en le Seigneur Jésus; la fidélité en ce qu'il n'y eut aucun adultère; le sacrement en ce qu'il n'y eut aucune séparation. Une seule chose est absente: l'union charnelle.

Solutions:

1. S. Jérôme prend le mot "époux" en l'entendant d'un mariage consommé.

2. S. Jérôme appelle "noces" l'union nuptiale.

3. Comme dit S. Jean Chrysostome:

La Bienheureuse Vierge fut fiancée à S. Joseph de telle manière qu'elle habitait déjà sa maison. Car si, chez la femme qui conçoit au domicile de son mari, la conception est estimée légitime, ainsi prête-t-on des relations suspectes à celle qui conçoit ailleurs. Et ainsi la réputation de la Bienheureuse Vierge n'aurait pas été suffisamment sauvegardée par ses fiançailles, si elle n'avait pas déjà habité la maison de Joseph. Aussi la parole "Il ne voulait pas l'emmener" se comprend-elle mieux, puisqu' il ne voulait pas la diffamer en public, plutôt que dans le fait de la conduire dans sa maison.

Aussi l'évangéliste ajoute-t-il qu'il voulait la répudier en secret. Bien quelle habitât la maison de Joseph à cause de l'engagement des fiançailles, il n'y avait pas encore eu la célébration solennelle des noces; et c'est pourquoi il n'y avait pas eu de rapports conjugaux.

Aussi, remarque Chrysostome, "l'évangéliste ne dit pas: avant d'être conduite dans la maison de l'époux, car elle y était déjà. En effet, la coutume des anciens était très souvent d'avoir chez eux leurs fiancées."

Et c'est encore pour cela que l'ange dit à Joseph: "Ne crains pas de prendre Marie ton épouse", c'est-à-dire: "Ne crains pas de célébrer avec elle la solennité des noces."

Cependant, pour d'autres auteurs, elle n'avait pas encore été introduite dans la maison, elle n'était que fiancée. Mais la première explication s'harmonise mieux avec l'Évangile.


St Thomas d'Aquin, Somme Théologique , III Qu.29 a.2