La Visitation

La Visitation, Commentaire de St Ambroise (†397)

« Et Marie se levant en ces jours-là partit en hâte pour la montagne, pour la cité de Juda, et entra dans la demeure de Zacharie et salua Élisabeth. »

19. Il est normal que tous ceux qui veulent être crus fournissent les raisons de croire. Aussi l'ange qui annonçait les mystères, pour l'amener à croire par un précédent, a-t-il annoncé à Marie, une vierge, la maternité d'une femme âgée et stérile, montrant ainsi que Dieu peut tout ce qui lui plaît.

Dès qu'elle l'eut appris, Marie, non par manque de foi en la prophétie, non par incertitude de cette annonce, non par doute sur le précédent fourni, mais dans l'allégresse de son désir, pour remplir un pieux devoir, dans l'empressement de la joie, se dirigea vers les montagnes.

Désormais remplie de Dieu, pouvait-elle ne pas s'élever en hâte vers les hauteurs?

Les lents calculs sont étrangers à la grâce de l'Esprit Saint. [...]

« Bénie êtes-vous parmi les femmes, et béni le fruit de votre sein! Et comment m'est-il donné que la Mère de mon Seigneur vienne à moi? »

24. L'Esprit Saint connaît sa parole; Il ne l'oublie jamais, et la prophétie se réalise non seulement dans les faits miraculeux, mais en toute rigueur et propriété de termes. Quel est ce fruit du sein, sinon Celui de qui fut dit: « Voici que le Seigneur donne pour héritage les enfants, récompense du fruit du sein » (Ps. 126, 3)?

Autrement dit: l'héritage du Seigneur, ce sont les enfants, prix de ce fruit qui est issu du sein de Marie.

C'est Lui le fruit du sein, la fleur de la tige, dont Isaïe prophétisait bien: « Une tige, disait-il, va s'élever de la souche de Jessé, et une fleur jaillir de cette tige » (Is., XI, 1): la souche, c'est la race des Juifs, la tige Marie, la fleur de Marie le Christ, qui, comme le fruit d'un bon arbre, selon nos progrès dans la vertu, maintenant fleurit, maintenant fructifie en nous, maintenant renaît par la résurrection qui rend la vie à son corps.

« Et comment m'est-il donné que la Mère de mon Seigneur vienne à moi? »

25. Ce n'est point l'ignorance qui la fait parler - elle sait bien qu'il y a grâce et opération du Saint-Esprit à ce que la mère du prophète soit saluée par la Mère du Seigneur pour le profit de son enfant - mais elle reconnaît que c'est le résultat non d'un mérite humain mais de la grâce divine; aussi dit-elle:

« Comment m'est-il donné », c'est-à-dire: quel bonheur m'arrive, que la Mère de mon Seigneur vienne à moi! Je reconnais n'y être pour rien. Comment m'est-il donné? par quelle justice, quelles actions, pour quels mérites? Ce ne sont pas là démarches accoutumées entre femmes « que la Mère de mon Seigneur vienne à moi ».

Je pressens le miracle, je reconnais le mystère: la Mère du Seigneur est féconde du Verbe, pleine de Dieu.

« Car voici qu'au moment où votre salut s'est fait entendre à mes oreilles, l'enfant a tressailli de joie dans mon sein. Et bienheureuse êtes-vous d'avoir cru! »

26. Vous voyez que Marie n'a pas douté, mais cru, et par là obtenu le fruit de la foi. « Bienheureuse, dit-elle, qui avez cru! »

Mais vous aussi bienheureux, qui avez entendu et cru! car toute âme qui croit, conçoit et engendre la parole de Dieu et reconnaît ses oeuvres.

Qu'en tous réside l'âme de Marie pour glorifier le Seigneur; qu'en tous réside l'esprit de Marie pour exulter en Dieu. S'il n'y a corporellement qu'une Mère du Christ, par la foi le Christ est le fruit de tous."


Saint Ambroise de Milan, Traité sur l'Évangile de S. Luc, II, 19. 24-26.