La nuit de la dernière Cène (Jean Paul II)

La nuit de la dernière Cène (Jean Paul II)

La nuit de la dernière Cène, /

assis à table avec les siens..., /

de ses propres mains /

il donne lui-même la nourriture aux Douze".

C'est avec ces paroles que l'hymne suggestif du "Pange lingua" présente la Dernière Cène, au cours de laquelle Jésus nous a laissé l'admirable Sacrement de son Corps et de son Sang.

Les lectures qui viennent d'être proclamées en illustrent le sens profond. Elles composent presque un tryptique: elles présentent l'institution de l'Eucharistie, sa préfiguration dans l'Agneau pascal, sa traduction existentielle dans l'amour et le service aux frères.

C'est l'Apôtre Paul, dans la première Lettre aux Corinthiens, qui nous rappelle ce que Jésus a fait "la nuit où il fut trahi". Paul a ajouté un commentaire personnel au récit des faits historiques: "Chaque fois en effet que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu'à ce qu'il vienne" (1 Co 11, 26).

Le message de l'Apôtre est clair: la communauté qui célèbre la Cène du Seigneur rend la Pâque actuelle. L'Eucharistie n'est pas la simple mémoire d'un rite passé, mais la représentation vivante du geste suprême du Sauveur.

Cette expérience ne peut que pousser la communauté chrétienne à devenir la prophétie d'un monde nouveau, inauguré dans la Pâque. Ce soir, en contemplant le mystère d'amour que la Dernière Cène nous repropose, nous restons nous aussi dans une adoration émue et silencieuse.

2. "Verbum caro, / panem verum verbo carnem efficit...

Le Verbe incarné / à travers sa parole transforme / le pain véritable en sa chair...".

C'est le prodige que nous, les prêtres, nous constatons chaque jour de nos mains lors de la Messe!

L'Eglise continue à répéter les paroles de Jésus, et elle sait qu'elle est engagée à le faire jusqu'à la fin du monde. En vertu de ces paroles, un changement merveilleux s'accomplit : les espèces eucharistiques demeurent, mais le pain et le vin deviennent, selon l'heureuse expression du Concile de Trente, "véritablement, réellement et substantiellement" le Corps et le Sang du Seigneur.

L'esprit se sent perdu face à un mystère aussi sublime. De nombreuses interrogations prennent forme dans le coeur du croyant, qui trouve cependant la paix dans la Parole du Christ.

"Et si sensus deficit / ad firmandum cor sincerum sola fides sufficit -

Si le sens se perd, / la foi suffit à elle seule à un coeur sincère".

Soutenus par cette foi, par cette lumière qui illumine nos pas, également dans la nuit du doute et des difficultés, nous pouvons proclamer:

"Tantum ergo Sacramentum / veneremur cernui -

Un aussi grand sacrement / nous vénérons donc, prosternés".

3. L'institution de l'Eucharistie se rattache au rite pascal de la première Alliance, qui nous a été décrit dans la page de l'Exode qui vient d'être proclamée: on y parle de l'agneau "un mâle sans tare, âgé d'un an" (Ex 12, 6), dont le sacrifice devait sauver le peuple de la destruction: "Le sang sera pour vous un signe sur les maisons où vous vous tenez. En voyant ce signe, je passerai outre et vous échapperez au fléau destructeur" (12, 13).

L'hymne de saint Thomas commente:

"et antiquum documentum / novo cedat ritui -

que la vieille Loi cède à présent la place / au Sacrifice nouveau".

C'est pourquoi les textes bibliques de la Liturgie de ce soir orientent, à juste titre, notre regard vers le nouvel Agneau, qui en versant librement son sang sur la Croix a établi une Alliance nouvelle et définitive.

Voilà l'Eucharistie, présence sacramentelle de la chair immolée et du sang versé du nouvel Agneau. A travers celle-ci le salut et l'amour sont offerts à toute l'humanité.

Nous faisons nôtres les paroles de saint Thomas d'Aquin:

"Praestet fides supplementum sensuum defectui -

Que la foi pallie au défaut des sens".

Oui, la foi nous conduit à l'émerveillement et à l'adoration!

4. C'est à ce point que notre regard se tourne vers le troisième élément du tryptique qui compose la liturgie d'aujourd'hui. Nous le devons au récit de l'évangéliste Jean, qui nous présente l'icône bouleversante du lavement des pieds. Par ce geste Jésus rappelle à ses disciples de tous les temps que l'Eucharistie demande à être témoignée à travers le service d'amour envers les frères.

Nous avons écouté les paroles du divin Maître: "Si donc je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres" (Jn 13, 14). C'est un nouveau style de vie qui découle du geste de Jésus: "Car c'est un exemple que vous ai donné, pour que vous fassiez, vous aussi, comme moi j'ai fait pour vous" (Jn 13, 15).

Le lavement des pieds se présente comme un acte exemplaire, qui dans la mort sur la croix et la résurrection du Christ trouve sa clef de lecture et sa formulation la plus élevée. Dans cet humble acte de service, la foi de l'Eglise voit l'issue naturelle de toute célébration eucharistique.

L'authentique participation à la Messe ne peut qu'engendrer l'amour fraternel, que ce soit dans chaque croyant ou dans la communauté ecclésiale tout entière.

5. "Il les aima jusqu'à la fin" (Jn 13, 1). L'Eucharistie constitue le signe éternel de l'amour de Dieu, un amour qui soutient notre chemin vers la pleine communion avec le Père, à travers le Fils, dans l'Esprit. Il s'agit d'un amour qui dépasse le coeur de l'homme.

En nous arrêtant ce soir pour adorer le Très Saint Sacrement, et en méditant le mystère de la Dernière Cène, nous nous sentons plongés dans l'océan d'amour qui jaillit du coeur de Dieu.

L'âme emplie de gratitude, nous faisons nôtre l'hymne de grâce du peuple des rachetés: "Genitori Genitoque / laus et iubilatio.... -

Au Père et au Fils

louange et joie,

salut, puissance, bénédiction:

à Celui qui procède des deux,

même gloire et honneur!" Amen!


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