Un enfantement virginal

Jn 1, 13 Engendré (s)... de Dieu

Dès le IIe siècle, la foi en l'accouchement virginal est très répandue en Orient et en Occident, et ce consensus est très frappant : Ascension d'Isaïe (11,7-14), Protévangile de Jacques (chap. 19-20), Odes de Salomon (19,6-10), saint Irénée de Lyon (A.H. 4,33,11)...

Il ne faut pas banaliser ce discours.

Un tel consensus est apparu parce qu'il a des racines dans le texte biblique :

« 12 Mais à tous ceux qui l’ont accueilli,
il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu,
à ceux qui croient en son nom,
13 lui qui ne fut engendré ni des sangs,ni d’un vouloir de chair,
ni d’un vouloir d’homme,
mais de Dieu. »

(Jn 1, 12-13)

Critique textuelle de Jn 1,12-13

Au 3° siècle, les pères (Origène et Clément) connaissent deux versions pour Jn 1, 13 : l’une au pluriel (eux qui ne sont engendrés ni des sangs), l’autre au singulier (Lui qui ne fut engendré ni des sangs).

Le texte au singulier est le plus ancien (papyrus trouvés dans la zone d’Alexandrie d’Egypte), et le plus diffus (Irénée à Lyon, Justin à Rome…), il concerne Jésus.

Le fait est qu'une version au pluriel s’est diffusée. On peut y voir l’expression de ce que les chrétiens deviennent fils de Dieu, virginalement à la manière de Jésus : ils renaissent de Dieu, par l’Esprit Saint.

L’expression « des sangs »

L’expression « des sangs » est étrange et se retrouve en quatre passages bibliques : Lv 12,5.7 où les sangs évoquent les flux de sangs de l’accouchement. Ez 16,6.9 : Israël est comparé à un enfant que Dieu recueille quand il était dans ses sangs, et Dieu le lave et le oint de l’huile. Les sangs sont encore ceux qui accompagnent l’enfantement normal.

Lc 1, 35 peut être lu : « Ce qui naîtra saint sera appelé fils de Dieu. », et faire référence à la sainteté du lévitique où naître saint signifierait alors une naissance immaculée au sens rituel, exempte de l’effusion du sang.

L'enfantement virginal

Comme I. de la Potterie, on peut alors proposer l’interprétation suivante : au moment de la naissance, Jésus n’a pas causé de perte de sang à sa mère, ce fut donc un accouchement virginal qui fait disparaître la condamnation de Genèse 3,16 « tu enfanteras dans la douleur. »
Avec l’entrée du Messie Sauveur dans le monde, surgit un nouvel ordre des choses. On retourne à l’équilibre admirable des origines.

Ce n’est pas comme le judaïsme en avait eu l’intuition, mais bien plutôt il semble que le christianisme ait influencé le judaïsme : on ne trouve l’idée d’un enfantement sans douleur dans le judaïsme qu’après Jésus-Christ, contemporain de l’époque patristique.

L’enfantement virginal n’est pas une dépréciation de la sexualité mais il forme un seul et même évènement avec la conception virginale. Conception et enfantement virginal correspondent à l’identité de Jésus qui est le Fils de Dieu.

Les pères de l’Église, surtout depuis les IV°-V° siècles, font le lien entre l’accouchement virginal de Marie et la résurrection du Seigneur :

a) Le sein de Marie reste "fermé" au moment de l’accouchement, et l’entrée de Jésus ressuscité dans le cénacle se fait "portes closes" (Jn 20,19.26).

b) Le sein de la Vierge rappelle le sépulcre du Seigneur, tous les deux restent "fermé - scellé" (Mt 27, 66).

c) Le Seigneur laissa les bandes funéraires dans la même position qu’avant (Jn 20,5-7), c'est une image : le sein de la terre (le tombeau), comme le sein maternel, reste intact.

Conclusion

Jésus est sorti miraculeusement du sein de sa mère.

Après la Résurrection, les disciples ont pu s’interroger sur la naissance du Christ, et interroger Marie sa mère, encore présente dans la communauté. L’évènement pascal est un évènement totalement nouveau. La communauté des disciples était juive, avec un monothéisme rigide ; ils étaient découragés après la mort de Jésus et se moquaient des femmes disant qu’il était ressuscité. C’est le Christ ressuscité lui-même qui les a convaincu de sa résurrection et de son identité de Fils de Dieu.

La conception virginale a influencé la foi de Marie : elle fut introduite dans les profondeurs de sa divinité. Ceci n’empêche pas qu’elle ait du cheminer dans la foi et apprendre qui est ce Dieu qui s’incarne, souffrir à la crucifixion du Christ et espérer ensuite dans un acte de foi jusqu’au matin de Pâques.

Marie a conçu-enfanté Jésus virginalement, par l'Esprit Saint (texte au singulier). De manière analogue, nous pourrons ensuite dire qu'elle est notre mère, virginalement par l'Esprit Saint (texte au pluriel).


A SERRA

(Marianum, Viale trenta aprile, 6 ; 00153 Roma)

Bibliographie :

A.SERRA, Maria e la pienezza del tempo, Paoline, 1999. p. 130-139

BASTERO J.L, La virginitas in partu en la reflexiòn teologica del siglo XX, in Scripta Theologica 32, (2000/3) pp. 835-862

R. LAURENTIN, Singularité significative des textes sur la virginité de Marie et leur omniprésence dans le nouveau testament, pp 35-51 dans les Actes du congrès d’Issoudun 1997 sur la virginité de Marie, Bulletin de la société française d’études mariales, Médiaspaul, 1998.

PERRELLA, S., Il parto verginale di Maria nel dibattito teologico contemporaneo ( 962-1994) Magistero-Esegesi-teologia, in Marianum 56 ( 1994) 95-213 ; PERRELLA., S., Maria, vergine e madre, la fecondità feconda di maria tra fede, storia e teologia. Ed. san Paolo, Torino, 2003

ROTEN J., Etat actuel de la question sur la virginité de Marie, in Etudes Mariales, Médiaspaul [Paria] 1998, pp. 221-265

S.De FIORES, "Vergine", Nuovo Dizionario di Mariologia, ed. Paoline, Milano 1985, a cura di S.De FIORES, pp. 1287-1289 et 1300-1304.

Cf. Le dogme de la virginité de Marie