Lc 2, 39-40 : Le réalisme de saint Luc

Lc 2, 39-40 : Le réalisme de saint Luc

Le réalisme de saint Luc apparait lorsque l'on compare l'evangile de l'enfance de Jésus avec le récits de l'enfance d'autres grands personnages, ou avec les récits de l'enfance de Jésus dans les évangiles apocryphes, qui n'ont pas été retenus par la grande Eglise comme étant des témoignages authentiques.

Flavius Josèphe raconte sa propre enfance avec triomphalisme :

Flavius Josèphe racontant sa propre jeunesse : « Vers la 14e année (51-52 après Jésus Christ), tout le monde me félicitait pour mon amour de l'étude, car continuellement les grands prêtres et les notables de la cité venaient me voir pour apprendre de moi tel ou tel point particulier de nos lois. »[1]

L'évangile apocryphe de l'enfance selon Thomas :

L'évangile de l'enfance selon Thomas[2] a été mentionné par saint Irénée[3] et remonte donc (tout ou partie) au II° siècle.

Le récit veut montrer la divinité de Jésus en lui attribuant des miracles dès son enfance.

Certains épisodes sont charmants, par exemple Jésus rallonge une poutre de bois pour Joseph (chapitre 13). Jésus commande à des oiseaux d'argile de prendre vie et de s'envoler (chapitre 2), et cette histoire est reprise dans le Coran (sourates III, 43 et V, 110).

D'autres épisodes sont troublants : Jésus, offensé par d'autres enfants, les fait se dessécher et mourir (chapitre 3 et 4). L'apocryphe contient aussi une note antisémite : Jésus humilie le maître juif qui l'instruit (chapitres 6 à 8).

Quand l'apocryphe raconte l'épisode de Jésus perdu et retrouvé au temple, il ajoute une note triomphaliste : « Alors les scribes et les pharisiens dirent à Marie : "Es-tu la mère de cet enfant?" Elle répondit : "Je le suis." Et ils lui dirent : "Tu es heureuse parmi toutes les femmes, car Dieu a béni le fruit de ton ventre ; nous n'avons jamais vu ni entendu tant de gloire, tant de sagesse et tant de vertu." » (chapitre 19)

Le réalisme de saint Luc :

Saint Luc ne raconte aucun miracle de ce genre, aucune attitude triomphaliste.

Ces remarques valorisent saint Luc, car si Luc avait inventé la divinité du Christ, il aurait suivi la pente du genre littéraire qui met en les préfigurations de l'âge adulte. Il n'en a rien fait.[4]

L'Incarnation s'exprime dans la réalité ineffable d'un enfant qui grandit et accepte ses éducateurs.


[1] Flavius Josèphe, Autobiographie, § 2, n° 9, traduction A. Pelletier, Ed. Budé, Paris, 1959, p. 2

[2] Cf. Sever J. Voicu, « Histoire de l'enfance de Jésus », dans Écrits apocryphes chrétiens, vol. I, Gallimard, 1997 ; http://remacle.org/bloodwolf/apocryphes/thomas.htm

[3] Cf. Irénée de Lyon, Contre les hérésies, I, 20, 1.

[4] Cf. R. LAURENTIN, Les de l'Enfance du Christ Desclée, Paris, 1982, p.389-391


Françoise Breynaert