Le disciple l'accueille comme mère

Accueillir Marie pour Mère

« Dès cette heure-là, le disciple l’accueillit comme sienne »

(Jn 19,27)

Qui est le disciple ?

Le témoignage d'Irénée est important, à la suite de saint Irénée, disciple de Polycarpe qui fut disciple de saint Jean, la tradition a dit que le disciple bien-aimé est saint Jean, l'évangéliste.

Le disciple Jean devient figure de tous les disciples, c'est ce qu'on appelle la personnalité corporative, tout comme la Samaritaine devient figure du monde samaritain et le centurion figure du monde non juif.

Jean garde la parole de Jésus et devient figure des disciples bien-aimés car « Celui qui a mes commandements et qui les garde, c'est celui-là qui m'aime; or celui qui m'aime sera aimé de mon Père; et je l'aimerai et je me manifesterai à lui. » (Jn 14,21)

Accueillir Marie

« Dès cette heure-là, le disciple l'accueillit (grec : verbe lambanô) comme sienne. » (Jn 19,27)

Le verbe « lambanô » peut avoir plusieurs sens : prendre, recevoir, accueillir, croire.

Il signifie prendre quand il a pour complément une chose.

Il signifie accueillir quand il a pour complément un don, tel que la grâce, la vie éternelle, l'Esprit Saint, ce que l'on a demandé dans la prière.

Il signifie aussi croire Jésus et son message (Jn 1,12 ; 3,11.32.33 ; 5,43 ; 12, 48 ; 13,20 ; 17,8), c'est un verbe de foi. C'est le sens le plus adapté à Jn 19,27 : le disciple accueille Marie dans la foi.

« Chez soi »

« Dès cette heure-là, le disciple l'accueillit comme sienne (grec : ta idia). » (Jn 19,27)

L'expression au pluriel « ta idia », ou au singulier « tôn idiôn », dans le grec commun, signifie « dans ses affaires, dans ce qu'il a en propre ».


« ta idia » inclut la maison matérielle, mais la maison matérielle n'est pas la seule signification (d'ailleurs, qu'est-ce que les disciples possédaient encore?).

L'expression a aussi un sens spirituel, morale, personnaliste, qui transparaît dans les autres passages où cette expression est utilisée :

« ta idia » a une dimension morale. Par exemple, ce que diable a en propre est le mensonge : « Il parle de son propre fonds, (tôn idiôn) parce qu'il est menteur et père du mensonge. » (Jn 8,44). Quand le disciple prend Marie chez soi, cela a une dimension morale, comme le dit un saint missionnaire, Marie « éclaire son esprit par sa pure foi. Elle approfondit son cœur par son humilité, elle l'élargit et l'embrase par sa charité, elle le purifie par sa pureté, elle l'anoblit et l'agrandit par sa maternité. »

« ta idia » a une dimension personnaliste, vivante, de personne à personne :

« Ta idia » ce sont les disciples, par exemple : « Il est venu chez lui (ta idia), et les siens ne l'ont pas accueilli. » (Jn 1,11). « Quand il a fait sortir toutes celles qui sont à lui (ta idia), il marche devant elles et les brebis le suivent, parce qu'elles connaissent sa voix. » (Jn 10,4) « Jésus... ayant aimé les siens (ta idia) qui étaient dans le monde, les aima jusqu'à la fin. » (Jn 13,1).

Ainsi donc, prendre Marie chez soi [in ta idia], c'est instaurer une relation vivante, de personne à personne.


« ta idia » a une dimension ecclésiale : « ta idia » peut signifier que le disciple porte Marie dans sa propre communauté. Chacun est « mère » selon son charisme et sa vocation, comme parent, comme éducateur et enseignant, comme priant et intercesseur, etc... La vocation de Marie étant absolument unique en son genre, sa maternité est, elle aussi, unique. A la suite d'une longue tradition, Paul VI dira que Marie est « mère de l'Eglise ».

Pour que le disciple prenne Marie chez soi, il faut aussi qu'il lui ouvre la porte de sa communauté, de sa famille, de sa paroisse...

Ensuite, la communauté entière apprend de Marie à devenir mère.

Jn 16, 32, contraire de Jn 19, 27

L'accueil de Marie « comme sienne » a pour conséquence l'unité des disciples entre eux et l'harmonie intérieure, comme l'indique le lien entre d'une part le fait que la tunique sans couture ne soit pas déchirée (Jn 19, 23-25), et d'autre part, le fait que le disciple prenne Marie chez soi (Jn 19, 25-27) : les deux épisodes sont rattachés en grec par la conjonction « d'une part... d'autre part ».

Au contraire, en abandonnant Jésus qui est leur lien d'unité, les disciples vont de leur côté, dans leurs affaires [ta idia], et ils se dispersent. Jésus l'avait annoncé : « Voici venir l'heure -- et elle est venue -- où vous serez dispersés chacun de votre côté [ta idia] et me laisserez seul. » (Jn 16,32).

C'est une dispersion géographique et spirituelle : chacun se replie sur ses propres intérêts et les disciples ne sont plus rassemblés dans l'unité ; chacun se disperse intérieurement : sans la foi, l'existence devient dissolue, il n'y a plus d'harmonie intérieure.

Qui disperse ? Le loup, Satan (Jn 10,12) et Judas qui est venu là où Jésus se réunissait avec ses disciples (Jn 18,2) provoquant la dispersion.

Qui rassemble ? La mère de Jésus, que Jésus nous donne comme mère. Le disciple prend chez soi Marie, et Marie met en lui la foi, l'harmonie et l'amour qui rassemble autour de Jésus.


A. Serra

Faculté théologique pontificale "Marianum", Rome

A. SERRA, Marie à Cana et près de la croix, Cerf, Paris 1983

A. SERRA, Dimensioni mariane del mistero pasquale. Con Maria dalla Pasqua all’Assunta, Paoline, Milano 1995, pp. 16-19

A. SERRA, Maria accanto alla croce, Madre "dei dispersi figli di Dio". Suggerimenti di Giovanni Paolo II, in Parola di Vita, 39 [2/ 1994], pp. 22-28

Ce résumé a été fait par F. Breynaert

Cf. Françoise BREYNAERT, A l’écoute de Marie, tome II, preface Mgr Rey,

Brive 2007 (diffusion Mediapaul), p. 83-85


Autre Bibliographie :

I de la POTTERIE, La parole de Jésus « voici ta mère » et l’accueil du disciple (Jn 19,27). Edizioni Marianum, viale Trenta Aprile 6, Roma 1974 A. SERRA, Marie à Cana et près de la croix, Cerf, Paris 1983