La Mère de Dieu dans liturgie byzantine

La Mère de Dieu dans liturgie byzantine

La liturgie eucharistique byzantine contient plusieurs évocations de la Mère de Dieu (nous procédons par ordre d'importance) :

1) Dans l'anaphore 1 (ou canon eucharistique)

De tous les éléments qui composent la liturgie eucharistique byzantine, la plus essentielle (et la plus ancienne) est l'anaphore ou prière eucharistique elle-même, qui est située dans la deuxième partie de la célébration, dite liturgie des fidèles.

C'est la partie essentielle de la célébration eucharistique byzantine durant laquelle le prêtre prononce les prières eucharistiques : mémorial de la Cène suivi de l'épiclèse ou invocation du Saint Esprit sur les saints dons (le pain et le vin) et sur l'assemblée, par laquelle les dons deviennent corps et sang du Christ.

a) Avant le récit de la Cène

L'anaphore de la liturgie de saint Jean Chrysostome, qui est la plus usuelle, ne mentionne pas la Théotokos. Par contre, dans l'anaphore de la liturgie de saint Basile (célébrée seulement à certains moments de l'année), la Vierge est citée deux fois dans les prières « post-sanctus » qui précèdent le récit de la Cène :

"Mais lorsque vint la plénitude des temps, tu nous as parlé par ton Fils... mais lui (le Fils), le Dieu d'avant les siècles, il est apparu sur terre, il a vécu parmi les hommes, il a pris chair de la Vierge, il s'est anéanti lui-même, prenant la condition d'un esclave...Et puisque le péché, par la faute d'un homme, était entré dans le monde, et par le péché, la mort, il a plu à ton fils unique, celui qui est dans ton sein, toi Dieu et Père, de naître de la femme, la Mère de Dieu et toujours Vierge Marie, de naître sous la loi, condamnant le péché dans sa propre chair, afin que ceux qui étaient morts en Adam fussent rendus à la vie en lui, ton Christ."

Dans ces prières est évoquée la maternité divine de Marie et, par là, sa participation à l'incarnation du Verbe divin et au salut.

b) Dans les prières d'intercession pour l'Eglise, qui suivent l'épiclèse

Dans la liturgie de saint Chrysostome, elles commencent par ces paroles : « Nous t'offrons encore ce culte raisonnable... pour tous ceux qui ont trouvé le repos dans la foi (...), puis sont énumérés diverses catégories de saints et à la fin « et pour tout âme juste décédée dans la foi ». C'est alors qu'est commémorée la Mère de Dieu d'une manière particulièrement solennelle : Et en premier lieu pour notre très , immaculée, toute bénie et glorieuse Souveraine, Mère de Dieu et toujours Vierge Marie.

Le Chœur chante alors une hymne mariale, qui est pour la liturgie de saint Jean Chrysostome :

"Il est digne en vérité de te célébrer, ô Mère de Dieu, bienheureuse et très pure et Mère de notre Dieu. Toi, plus vénérable que les chérubins, et plus glorieuse incomparablement que les Séraphins. Qui sans tache, enfantas Dieu le Verbe, toi, véritablement Mère de Dieu, nous te magnifions.

Cette prière peut varier suivant l'anaphore célébrée ou le propre de la fête. Dans la liturgie de Saint Basile, elle se présente ainsi :

En toi se réjouit, ô Pleine de grâce, toute la création, l'assemblée des anges et la race incarné, en toi qu'il est devenu petit enfant, celui qui est notre Dieu avant les siècles. De ton sein il a fait un trône, il l'a rendu plus vaste que les cieux. O Pleine de grâce, toute la création se réjouit en toi, gloire à toi !"

Puis le prêtre commémore à la suite d'autres saints, les défunts et les vivants pour qui il intercède.

Remarquons que le sacrifice eucharistique est offert pour l'Eglise tout entière, c'est-à-dire non seulement pour l'humanité terrestre, mais également pour les saints glorifiés au ciel. Le sacrifice eucharistique est le prolongement du sacrifice de salut du Christ et son actualisation dans l'Eglise, il continue donc à être offert pour tous ceux pour qui le Christ s'est offert en oblation, y compris sa Mère, même si l'Eglise lui donne une place particulière et croit qu'elle est déjà ressuscitée corporellement et exaltée au-dessus du monde angélique. La Théotokos, les saints, les vivants, les morts tous ensemble participent au sacrement de l'eucharistie, parce que tous ont reçu le salut et attendent la Parousie, le retour en gloire du Christ.

2) A la proscomidie 2

Ce rite est particulier à la liturgie eucharistique byzantine et s'est développé au XIe-XIIe siècles. C'est au cours de la proscomidie que s'effectue la préparation des saints dons :

Après avoir détaché et placé sur la patène l'Agneau 3, parcelle de pain qui représente le Christ, le prêtre détache ensuite la parcelle de la Vierge et la place à la droite de l'Agneau en disant ces paroles : "En l'honneur et à la mémoire de notre toute bénie et glorieuse Souveraine, la Mère de Dieu et toujours Vierge Marie. Par ses prières, reçois, Seigneur, ce sacrifice sur ton autel au plus haut des cieux" ; et il ajoute ce verset du Psaume 44-45 pris dans la Bible grecque des Septante : La reine s'est placée à ta droite, parée et revêtue d'un vêtement resplendissant d'or (v.10).

Puis il détache et place autour de l'Agneau les parcelles des saints, des vivants et des morts.

Cette iconographie sur la patène fait ainsi apparaître le Christ, Agneau de Dieu, entouré de toute l'Eglise du ciel et de la terre. Le prêtre souligne ainsi la place éminente de la Mère du Christ dans l'Eglise, son élévation dans la gloire, son pouvoir d'intercession et confesse qu'elle intercède même pour l'acceptation du sacrifice eucharistique qui sera offert par l'Eglise. La Théotokos et les saints font partie avec ceux qui travaillent encore pour leur salut, d'une même communauté dans le Christ et le Saint-Esprit.

La Vierge, qui a donné au Christ son humanité et qui est devenu le vrai Temple de Dieu, porte en sa personne l'essence même de l'Eglise, Corps du Christ et Temple de l'Esprit. Elle se présente comme la figure de l'Eglise : sur elle est descendu le Saint Esprit par lequel a pris chair le Verbe divin et elle a préfiguré dans ce mystère l'Eglise invoquant Dieu et lui demandant l'envoi du Saint Esprit (épiclèse) pour la réalisation du miracle eucharistique. Le sacrement de l'eucharistie est réalisé sur promesse du Christ et en réponse à l'Eglise toute entière. La Mère de Dieu joint donc ses prières à l'Eglise pour que le repas eucharistique puisse avoir lieu jusqu'à la fin des temps.

3) Dans d'autres prières

Dans la première partie de la liturgie eucharistique ou liturgie des catéchumènes, la Mère de Dieu est mentionnée dans plusieurs prières, qui peuvent être variables selon la fête du jour. Parmi celles qui sont constantes, mentionnons le Symbole de foi (Credo, où elle est citée en relation avec l'Incarnation).

Quelques prières, dans l'ensemble de la liturie eucharistique, font appel à son intercession.

Remarquons aussi la prière qui clôt les ecténies (prières pour l'Eglise et le monde), dite par le diacre :

"Faisant mémoire de notre toute , toute pure, toute bénie et glorieuse

Souveraine la Mère de Dieu et tous les saints, confions nous nous-même, les uns les autres et toute notre vie au Christ notre Dieu."

Cette prière est destiné à instaurer la communion entre tous dans l'Eglise, autour de la Mère de Dieu et des saints.


Extraits de Alexis KNIAZEFF, La Mère de Dieu dans l'Eglise Orthodoxe, Paris, 1990, p. 188-196 ;et « Marie et l'eucharistie dans la liturgie orthodoxe », Cahiers Marials n° 81, 1972, p. 25-34

Alexis Kniazeff

Partie : Aperçu marial de la liturgie byzantine (La prière)