Sortir du cercle des convoitises déçues (S. Aelred de R.)

Sortir du cercle des convoitises déçues

Tant qu'il n'a pas ce qu'il désire, l'esprit pervers se figure que le bonheur serait précisément d'en jouir ; dès qu'il a ce qu'il cherchait, il est aussitôt travaillé par le sentiment de son indigence radicale, et s'il a abusé de quelque bien, il le rejette par dégoût. Mais son désir se rallume et le lance vers quelque autre objet qui, hélas, ne le satisfera pas non plus [...].

Mais l'homme qui a l'esprit plus sain, l'œil plus pur et qui mène une vie plus dégagée des sens, prend la chose de plus haut et se rend mieux compte que personne ne peut suffire à se rendre lui-même heureux. Il sait aussi que ce qui est inférieur à l'homme ravale à son niveau quiconque en fait l'objet de son amour ; qu'au lieu de l'élever et de lui donner un peu de vrai bonheur, ces choses le font tomber dans une foule de misères. Alors prenant conscience de sa grandeur et du privilège que lui confère sa nature, il reconnaît la vérité magnifique du commandement de Dieu :

« Tu adoreras le Seigneur, ton Dieu ; tu ne serviras que lui. » (Dt 6).

Cela n'aurait jamais été dit, s'il existait quelque être plus sublime auquel l'humanité dût le respect et dont elle pût attendre le bonheur.


Aelred de Rivaulx (1110-1167), Le miroir de la charité, III, 5

Extraits de : Saint Aelred de Rivaulx, les éditions du Soleil levant, 1960, p. 62