Enguerrand Charonton, peintre français du XVès (v.1410-v.1466), a été actif à Aix, Arles et Avignon. Il a reçu une triple influence : italienne, flamande, et régionale. Le couronnement de la Vierge est un véritable chef-d'œuvre. Il a été peint entre 1453 et 1454 pour l'église de la Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon, et est conservé au Musée de l'Hospice de Villeneuve-lès-Avignon.
Dans la partie supérieure, le groupe principal, dont les proportions sont monumentales, est constitué par le Père et le Fils couronnant la Vierge Marie.
L'égalité de l'Esprit avec le Père et le Fils est soulignée par les grandes dimensions de la colombe, et par l'auréole identique à la leur ; l'Esprit participe - détail assez rare - à l'acte du couronnement : il effleure en effet avec le bec un des fleurons de la couronne de la Vierge.
La zone inférieure, réservée au monde terrestre, est subdivisée par la croûte terrestre entre le monde terrestre et le monde souterrain qui contient, à droite l'enfer, à gauche le purgatoire et les limbes.
Sur terre, un vaste paysage évoque la Provence avec la mer. Sont insérées les représentations fantastiques de deux villes : Rome à gauche, et Jérusalem à droite; chacune étant caractérisée, vers l'extérieur du tableau, par un grand bâtiment sacré.
Le Crucifix se dresse au centre de la terre et monte jusqu'au ciel supérieur, c'est la seule forme qui relie les deux mondes. Ce Crucifix est très grand comparé aux maisons du monde terrestre et très petit comparé aux personnages célestes. Médiateur universel entre ciel et terre, il rompt visuellement la séparation horizontale entre terre et ciel.
Cette médiation est aussi une élévation : la croix constitue en effet l'axe de convergence d'un mouvement ascendant qui suit la ligne des âmes qui montent du Purgatoire à gauche et, à droite, la ligne de la falaise sur laquelle est plantée la croix.
La verticale du salut trouve son prolongement naturel dans le couloir lumineux constitué par la figure de la Vierge, et rejoint tout en haut le bras vertical de la croix inscrite dans l'auréole de l'Esprit Saint.
Un détail révélé par François Boespflug[1] nous laisse bouche bée : entre le pouce et le moyen de la main libre (celle qui ne couronne pas) du Père et du Fils, ont été collés sur la toile deux cœurs minuscules de fer battu.
Il nous semble que la présence de ces très petits cœurs confirme et reçoit confirmation de la structure d'ensemble : la créature dont la Vierge Marie est l'exemple pur, naît du cœur de Dieu et vit dans le cœur de Dieu, elle est épousée par Dieu qui lui permet de participer à la vie intra-trinitaire.
"En effet comme le Père et le Fils
Et Celui qui procédait d'eux
Vivent l'un dans l'autre,
Ainsi de même l'épouse ;
Absorbée en Dieu,
Elle vivrait la vie de Dieu."[2]
Source :
Maria Giovanna Muzj, La vergine Madre e la Trinità nell'iconografia cristiana, in De Trinitatis Mysterio et Maria. Acta congressus mariologici mariani internationalis in civitate Romae anno 2000 celebrati, Pont. Accademia Mariana Internationalis, città del vaticano 2004, p. 511-518. (Extraits par F. Breynaert).
[1] La Trinité dans l'art d'Occident (1400-1460), Presses Universitaires de Strasbourg, Strasbourg 2000, p. 133
[2] Jean de la Croix. Sur l'Incarnation, vv. 161-166.
-sur qui est Marie pour la Trinité ?, dans l’Encyclopédie mariale
-sur la très Sainte Trinité (CEC), dans l’Encyclopédie mariale
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