Oui, la divinité du Messie est bien annoncée et affirmée clairement dans l'AT

La divinité du Messie est clairement et de nombreuses manières annoncée dans l'AT et les rabbins le reconnaissent même dans la tradition juive moderne.

Même les témoignages rabbiniques sont clairs

David Paul Drach le montre (LRC 2 page 115).

Le "Fils de l'Homme" décrit par Daniel (chapitre 7) est à l'évidence un personnage divin

« Je contemplais, dans les visions de la nuit : voici, venant sur les nuées du ciel, comme un Fils d’homme. Il s'avança jusqu'à l'Ancien des Jours et fut conduit en sa présence. À lui furent conférés empire, honneur et royaume, et tous les peuples, nations et langues le serviront. Son empire est un empire éternel qui ne passera point, et son royaume ne sera point détruit » (Dn 7,13-14).

Comme le dit dans son livre "Le Christ juif" (pages 91 à 116 dans l'édition du Cerf, Paris, 2019) le juif orthodoxe Daniel Boyarin, chercheur à Berkeley et spécialiste du Talmud :

"Ses caractéristiques sont claires : 

  • Il est divin.
  • Il est sous forme humaine.
  • Il peut aisément être dépeint comme une divinité d’apparence plus juvénile que l’Ancien des Jours.
  • Il sera intronisé d’en haut.
  • Il recevra pouvoir et domination, et même la souveraineté sur terre.

"Toutes ces caractéristiques sont celles de Jésus le Christ tel qu’il sera présenté dans les Evangiles et elles apparaissent dans ce texte plus d’un siècle et demi avant la naissance de Jésus Christ. En outre, elles ont été progressivement développées dans la tradition juive qui se situe entre le livre de Daniel et les évangiles. A un certain moment, ces traditions fusionnèrent dans les esprits juifs avec l’attente du retour d’un roi davidique, et l’idée d’un Messie divino-humain était née.

"On a souvent pensé que ‘Fils de l’Homme’ se référait seulement au Messie (le Christ) au temps de son exaltation et au-delà. En Mc 14,61-62, le grand-prêtre demande à Jésus : « Es-tu le Messie [le Christ], le Fils du Béni ? » et Jésus répond : « Je le suis, et vous verrez le Fils de l’Homme assis à la droite de la Puissance et venant sur les nuées du ciel. »

"Chez Aphraate, Père de l’Eglise iranien du quatrième siècle, nous trouvons l’attaque suivante dirigée contre l’interprétation (probablement faite par des Juifs) selon laquelle le « comme un Fils d’homme » serait le peuple d’Israël : « Les fils d’Israël ont-ils reçu le Royaume du Très-Haut ? A Dieu ne plaise ! Ou encore ce peuple est-il venu sur les nuées du ciel ? » (Démonstration 5, 21). L’argument d’Aphraate est exégétique et très pertinent. Les nuées – les chevaucher ou être au milieu d’elles – sont un attribut habituel des apparitions de Dieu dans la Bible, que les exégètes appellent théophanies (du terme grec pour ‘apparitions de Dieu’)[1]. J. A. Emerton a exprimé cette conviction de façon très convaincante :

« Le fait de venir sur les nuées suggère une théophanie de Dieu lui-même. Si Dn 7,13 ne se réfère pas à un être divin, ce serait alors la seule exception sur soixante-dix autres passages de l’Ancien Testament » (J. A. Emerton, « The Origin of the Son of Man Imagery », JTS 9 (1958), 231-232).

"Il est presque impossible de lire ce récit de l’installation des trônes, de l’apparition de l’Ancien des Jours sur l’un d’entre eux et de la venue à lui de quelqu’un « comme un Fils d'homme » sans les relier aux récits de l’investiture de jeunes dieux par les anciens, de dieux plus proches par des dieux transcendants[2]. Certains exégètes modernes soutiennent Aphraate sans hésiter. Comme le dit crûment l’exégète néotestamentaire Matthew Black : « Cela signifie en effet que Dn 7 connaît deux divinités : l’Ancien des Jours et le Fils de l’Homme » [3]. Ces deux divinités allaient finir avec le temps par devenir les deux premières personnes de la Trinité.

"Les anciens lecteurs juifs ont sans doute pu raisonner comme le Père de l’Eglise Aphraate : puisque chevaucher les nuées du ciel est le fait d’un être divin dans tous les autres passages du Tanakh (le nom juif de la Bible hébraïque), il faut également voir dans ce passage la révélation de Dieu, en l’occurrence d’un second Dieu. Il en découle bien sûr qu’il y a deux figures divines dans les cieux, l’Ancien des Jours, qui est âgé, et un ‘comme un Fils de l’homme’, qui est jeune [4]. De tels Juifs avaient alors à expliquer ce que signifiait que cette figure divine soit livrée au pouvoir de la quatrième bête pour « un temps, deux temps et un demi-temps. » Une descente aux enfers – ou à tout le moins dans le royaume de la mort – pour trois jours serait une judicieuse réponse à une telle question.

 


[1] Louis F. Hartman et Alexander A. Di Lella, The Book of Daniel, trad. Louis F. Hartman, The Anchor Bible (Garden City : Doubleday, 1978), p. 101. Ils énumèrent eux-mêmes Ex 13,21, 19,16, 20,21; Dt 5,22; 1 R 8,10 et Si 45,4.

[2]* Remarquons qu’au moins certains des rabbins plus tardifs lisaient également ce passage comme une théophanie (une autorévélation de Dieu). Le passage suivant extrait du Talmud de Babylone (5e ou 6e siècle) le démontre clairement et cite des rabbins antérieurs qui y voyaient également un moment important dans l’émergence d’une doctrine sur Dieu.

« Un verset dit : ‘son trône était flammes de feu’ (Dn 7,9b) et une autre partie du verset dit, ‘des trônes furent placés et l’Ancien des Jours s’assit’ (Dn 7,9a). Il n’y a pas de contradiction : l’un [des trônes] était pour lui et l’autre pour David. Comme nous l’apprenons d’une ancienne tradition : ‘l’un était pour lui et l’autre pour David’ sont les mots de Rabbi Aqiba. Rabbi Yosé le Galiléen lui dit : ‘Aqiba ! Jusqu’à quand profaneras-tu la Shekhina ? [dis] plutôt : l’un était pour le jugement et l’autre pour la miséricorde’. L’accepta-t-il de lui ou ne l’accepta-t-il pas ? Viens et écoute ! ‘Un pour le jugement et un pour la miséricorde’, ce sont les mots de rabbi Aqiba. [TB Hagiga 14a].

Quelle que soit l’interprétation exacte de ce passage talmudique, il y a peu de doute que les deux rabbins évoqués comprenaient ce passage de Daniel comme une théophanie. ‘Rabbi Aqiba’ percevait deux figures divines dans les cieux, un Dieu le Père et un Roi David ayant connu une apothéose. Pas étonnant que ‘Rabbi Yosé le Galliléen’ ait été choqué. Dans un article de la Harvard Theological Review, j’ai présenté les fondements de ma propre conclusion que tel était bien le sens originel du texte. Cf. D. Boyarin, « Daniel 7, Intertextuality, and the History of Israel’s Cult », HTR 105 (2012), pp. 139-162.

[3] Matthew Black, « The Throne-Theophany, Prophetic Commission and the ‘Son of Man’ », in Robert Hamerton-Kelly et Robin Scroggs (éd.), Jews, Greeks and Christians : Religious cultures in Late Antiquity : Essays in Honor of William D. Davies (Leiden°: Brill, 1976), p. 61.

[4] Pour une étude de l’omniprésence de ce schéma, cf. Moshe Idel, Ben : Sonship and Jewish Mysticism, Kogod Library of Judaic Studies (London, Continuum, 2007).