En Alsace, entre Colmar et Strasbourg, une magnifique chapelle romane du XIe siècle dévoile de nombreuses strates d’histoire. Témoin des événements qui ont marqué la région, l’édifice est aujourd’hui mis en valeur pour la joie des locaux et des touristes.
Dimanche 20 juillet 2025. Dans la petite bourgade bas-rhinoise d’Epfig, le ciel est clair et l’ambiance à la fête. En ce jour de la Sainte-Marguerite, la célèbre chapelle du village fête son premier millénaire. Rien que ça ! Pour l’occasion : messe matinale en plein air, repas convivial avec de bons desserts faits maison et après-midi animée par de la musique médiévale. En fond de cette ambiance festive, la chapelle est le centre de l’attention, entourée de son mur d’enceinte et bordée d’un petit cimetière. Beaucoup d’âmes sont passées par ici pour fouler ces pierres millénaires.
En effet, la chapelle date de 1025, plusieurs éléments architecturaux permettent de prouver que l’édifice est contemporain à l’époque romane : son plan cruciforme, la technique d’emboîtement du linteau de la porte principale, la nef d’origine et les oculus typiquement romans, utilisés comme moyen d’éclairage. Mais, son histoire pourrait être plus ancienne. Remontons encore un peu dans le temps… Un vieil ouvrage consacré à sainte Berthe nous permet de découvrir des détails fascinants. On y raconte qu’en 895, l’abbesse Rotrude d’Erstein, fille de Lothaire Ier, aurait invité Hersende, abbesse du couvent de Blangy, en Artois, ainsi que ses nonnes, à venir s’installer en Alsace suite aux attaques des Normands. Accompagnées des reliques de sainte Berthe, fondatrice de leur communauté, les sœurs se seraient installées dans un couvent à Apsiacum, nom latin d’Epfig. Les religieuses seraient ensuite retournées vers Blangy lorsque la paix y fut rétablie. Ainsi, ce lieu alsacien repose sur une strate supplémentaire d’histoire. Si l’édifice que nous pouvons visiter aujourd’hui a été érigé vers 1025, la première mention de la chapelle date de 1464. Depuis, les habitants d’Epfig et les membres de l’association des Amis de la chapelle Sainte-Marguerite continuent d’écrire son histoire !
Lorsque nous passons la porte du mur d’enceinte, et que nous découvrons le magnifique jardin médiéval qui accompagne la chapelle, un ossuaire attire immédiatement notre attention sur le côté de l’église. Plusieurs centaines de crânes et de restes humains y sont empilées. Construit au XIXe siècle, celui-ci a fait l’objet d’une analyse en 1977, et plusieurs hypothèses ont été mises en lumière. Les ossements pourraient être ceux de jeunes gens ayant combattu lors de la guerre des paysans en 1525 ou lors de la guerre de trente ans au XVIIe siècle, car plusieurs d’entre eux présentent des coups de masse et d’armes. Une partie pourrait également provenir de défunts exhumés pour faire de la place dans le petit cimetière, une pratique courante à une certaine époque.
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Présentée partout comme étant une chapelle, sa petite taille ne peut laisser penser qu’elle est autre. Et pourtant… Le bénévole montre du doigt des croix qui ornent les murs : douze croix de consécration, représentant les douze apôtres et les douze tribus d'Israël. La chapelle a en effet été consacrée par l’évêque Guillaume III de Hohnstein en 1516. Les douze croix et le tabernacle ayant été ajoutés au lieu saint, on pouvait dorénavant, en plus de la prière, y pratiquer les sacrements. En levant les yeux, nous apercevons la date de ce changement de statut inscrite sur une clé de voûte gothique.
Un orage est passé, le calme est revenu. L’air sent bon la terre humide et la pierre chaude. Le silence particulier de l’endroit apaise les visiteurs, catholiques ou non, comme le confirme Damien Herbrech, président de l’association des Amis de la chapelle : « Je ne suis pas croyant, mais la communion qu’apporte ce lieu me donne les larmes aux yeux. »
Plus d’informations : ste-marguerite-epfig.fr
Lisa Laroche (texte et photo)
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