Forte réaction de Mgr Dominique Le Tourneau après le débat du 17 juin sur Jeanne d'Arc
21 juin 2025

Quelques traits du caractère surnaturel de l’épopée de Jeanne d’Arc
 

Un débat a été organisé, dans le cadre des 1000 raisons de croire en Dieu, entre Monsieur Olivier Bonnassies, catholique déclaré, et Monsieur Thomas Guénolé, athée déclaré, le 17 juin 2025, à l'Espace Bernanos, à Paris. J’ai pu y assister.

À vrai dire, j'ai été assez sidéré du caractère a-scientifique de certains aspects de ce débat.

Une recherche scientifique se doit d’examiner en détail un problème donné, de rechercher tous les éléments, documents fiable, témoignages, permettant de bien connaître et cerner le phénomène en question, sans exclusivisme, sans rejeter quelque hypothèse que ce soit, sans partir d’a priori conceptuels, en récoltant les moindres indices pouvant apporter une éclairage, même infime, et aider à une meilleure compréhension de la réalité.

Ici, le débat est pipé d’entrée de jeu, parce que Monsieur Guénolé prétendait écarter a priori, systématiquement, tout un pan de la vie de Jeanne d’Arc, le plan le plus essentiel et décisif pour elle, celui dont elle parle sans cesse, qui en outre transparaît à l’évidence dans sa vie, dans son comportement quotidien : le pan surnaturel.

Nombre d’erreurs et d’affirmations erronées ont été formulées.

Le format adopté ne permettant pas l’intervention des assistants, je tiens à apporter un rectificatif. Je le ferai en bonne partie en partant non pas d’idées préconçues et d’approximations, mais de documents, qui plus est pour la plupart contemporains de Jeanne d’Arc, ce qui me paraît essentiel. Et en définissant des termes, tels que suicide, hérésie, hussite, prophétie, hallucination utilisés mal à propos au cours du débat.

Comme légitimité pour ce faire, je peux me prévaloir de la publication, avec Pascal-Raphaël Ambrogi, d’un Dictionnaire encyclopédique de Jeanne d’Arc, en 2000 pages, paru chez Desclée de Brouwer en 2017 ; de la publication en cours des panégyriques de Jeanne d’Arc, chez Honoré Champion, en quinze volumes, le tome II en trois volumes, reprenant les panégyriques prononcés à Orléans, étant paru en 2024, le tome III en deux volumes étant annoncé pour septembre 2025 ; et de contributions régulières à la Revue Jeanne d’Arc.

Nous reprenons successivement les diverses critiques portées contre Jeanne d’Arc, sa mission, sa vie par Monsieur Guénolé :

1. Jeanne d’Arc n’a pas entendu de voix

2. Jeanne d’Arc n’a pas vue les saintes, car elles n’ont pas existé

3. Jeanne d’Arc n’est pas inspirée du ciel

4. Ses miracles sont une légende

5. Dieu ne peut pas prendre parti pour un pays contre un autre, tous deux catholiques

6. Jeanne est hérétique et ne peut avoir de rapports directs avec Dieu

7. La canonisation d’une hérétique prouve que l’Église n’et pas guidée par Dieu

8. Ce qu’en dit la science historique

9. Jeanne d’Arc n’a exercé aucune influence sur la guerre

10. Jeanne d’Arc s’est contredite sur ses voix

11. Il n’existe pas de témoin de ses apparitions

12. L’ange Gabriel est apparu à Mahomet, le Dieu des musulmans serait donc le même que celui des chrétiens

13. Jeanne d’Arc a tenté de se suicider

14. Jeanne d’Arc est une hallucinée

15. Jeanne d’Arc est une mystique charismatique

16. Ses prophéties sont des légendes

1. Jeanne d'Arc n'a pas pu entendre des voix puisque Dieu n'existe pas : un pur sophisme

- Commençons par l’affirmation de départ, à savoir que Jeanne d’Arc n’a pas pu entendre de voix puisque Dieu n’existe pas. C’est un véritable sophisme, c'est-à-dire un « argument, raisonnement faux malgré une apparence de vérité (implique généralement la mauvaise foi) », selon le Robert.

L’affirmation catégorique « Dieu n’existe pas », est une négation qui peut être perçue comme une insulte par les milliards de gens qui croient en un Dieu et représentent de nos jours, une large majorité des habitants de la planète ; et plus encore pour les millions de chrétiens qui, depuis deux mille ans, ont été martyrisés, torturés, massacrés, écorchés, etc., pour le nom de Dieu, sur les cinq continents. Ce ne sont quand même pas des imbéciles qui acceptent d’être mis à mort juste pour une idée utopique ! Ils n’étaient apparemment pas plus sots que vous et moi.

Plutôt que de partir du principe que Dieu n’existe pas, pourquoi ne pas adopter la position inverse et se demander : « Et si Dieu existait », comme le pape Benoît XVI y invitait lors de son discours aux Bernardins, le 12 septembre 2008. Cela éviterait de partir d’un rejet émotionnel de Dieu et d’une pirouette intellectuelle, à partir de laquelle tout est permis !

De toute façon, que Dieu existe ou pas ne dépend pas de nous.

En outre l’existence ou la non-existence de Dieu ne relève pas du domaine de la démonstration scientifique. Le savant peut simplement apporter des éléments qui tendent à montrer, par exemple, que des éléments importants lui échappent, comme au sujet de l’origine du monde. Et les résultats de ses recherches effectuées de bonne foi ne peuvent qu’aller dans le sens d’une cohérence de la Révélation chrétienne, car la foi et la raison ne sauraient s’opposer, Dieu étant l’auteur des deux (cf. st Jean-Paul II, encyclique La foi et la raison, 14 septembre 1988).

En tout cas, partir d’une prise de position irrationnelle systématique et intransigeante interdit tout débat. Il devient inutile d’évoquer un quelconque aspect de la vie de Jeanne d’Arc : tout sera incontinent remis en cause. Car l’épopée et la mission de Jeanne ne s’expliquent que dans un contexte surnaturel, que l’athéisme balaye d’un revers de manche. Alors que les adversaires de Jeanne d’Arc reconnaissaient ce côté surnaturel de sa personne.

Quant à ceux qui l’ont côtoyée, ils l’ont bien ressenti.

À Dunois, par exemple, « elle lui semblait chose presque divine ». Il ajoute : « Oncques se trouva femme plus chaste. »

Et encore : « En voyant Jeanne, nul ne songeait à forfaire ; et ce à cause de la grande bonté qui estoit en elle. »

Bernard de Poulengy, son compagnon d’armes depuis Vaucouleurs : « Je la croyais une envoyée de Dieu, et en toutes choses elle me paraissait une sainte. »

Le duc d’Alençon, « son gentil duc », comme elle l’appelait, a entendu à plusieurs reprises le sieur Ambroise de Loré, également compagnon d’armes de Jeanne d’Arc, et naguère gouverneur de Paris, affirmer « que ce qui s’était fait à Orléans tenait du miracle ; que c’était là une œuvre d’en haut, non une œuvre humaine », et que des « capitaines qui avaient pris part aux opérations » en disaient autant.

Marguerite, née La Touroulde, qui héberge Jeanne d’Arc lors de son séjour à Bourges, déclare au procès de nullité, le 30 avril 1455 : « Dans cette détresse arriva Jeanne, et le témoin le croit fermement, elle vint de la part de Dieu, envoyée pour réconforter le roi et les sujets lui obéissant, car alors il n’y avait d’autre espoir que venant de Dieu. »

Le frère Seguin, théologien du procès de Poitiers, déclare : « Nous enquêtâmes encore, moi-même et les autres commissaires sur la vie et les mœurs de Jeanne, et constatâmes qu’elle était bonne chrétienne et vivait en catholique […]. Et je crois, moi, que Jeanne fut envoyée par Dieu, attendu que le roi et les sujets de son obédience, ils pensaient tous devoir abandonner la partie ».

Maître Jean Alépée, assesseur de Pierre Cauchon pendant le procès de condamnation, assiste à l’exécution de Jeanne et déclare, selon Jean Riquier, chapelain en l’église de Rouen et qui se trouvait alors à ses côtés : « Plût à Dieu que mon âme fût au lieu où je crois être l’âme de cette femme. »

Jean Barbin, avocat du roi dans son parlement, interrogé en 1455, dépose que « les hommes d’armes la considéraient presque comme une sainte, car elle se conduisait à l’armée, en paroles et en actes, selon Dieu, ce que nul ne pouvait lui reprocher ».

Christine de Pisan écrit que Jeanne « tousjours a Dieu devant la face » (strophe 32).

En outre Jeanne dit à ses juges : « Il y a sur mes voix et sur les visions un jugement qui a été rendu à Poitiers vous n’en tenez aucun compte. » Car de fait, les théologiens qui l’ont interrogée à Poitiers ont reconnu le caractère surnaturel de ses voix.

Élie Bourdeille, archevêque de Tours, est chargé par Charles VII d’étudier les conditions de rendre justice à Jeanne d’Arc. Il rédige une défense de la Pucelle, en 1453-1454, dans laquelle il relève, entre autres, que les apparitions « 1° laissaient à Jeanne une telle ardeur de saint amour, qu’elle eût voulu suivre ses apparitions, si cela lui eut été possible. Elles lui laissaient une joie mêlée de tristesse […] Signe de bon esprit […]. 2° Jeanne dans ces apparitions se munissait souvent du signe de la croix. Les esprits menteurs ne l’eussent pas supporté ».

Les juges de Rouen qui condamnent Jeanne ne nient pas le caractère surnaturel de l’épopée de Jeanne d’Arc. Pour eux, il est évident, mais est de nature diabolique.

Après la mort de Jeanne d’Arc, le secrétaire du roi d’Angleterre s’écriera : « Nous sommes tous perdus ! Nous avons brûlé une sainte ! »

Geoffroy Thérage, le bourreau de Jeanne d’Arc, constate que, en dépit de la quantité d’huile et de charbon de bois qu’il avait placée contre les entrailles et le cœur de Jeanne, ils n’avaient pas brûlé, et que le cœur paraissait encore vivant, plein de sang, « de quoi il était autant étonné comme d’un miracle tout évident », il alla se confesser, craignant que Dieu ne puisse lui accorder son pardon en raison « de ce qu’il avait fait à cette sainte femme », selon les dires d’Ysembard de la Pierre, qui a été assidu au procès de Rouen.

Le libre-penseur Jules Michelet (1798-1874) écrit : « La guerre avait changé les hommes en bêtes ; il fallait de ces bêtes refaire des hommes, des chrétiens, des sujets dociles : grand et difficile changement. » « Il fallait une autorité, plus que l’autorité royale ; les capitaines du roi n’étaient plus habitués à obéir au roi. Pour réduire ces volontés sauvages, indomptables, il fallait Dieu lui-même. » Travaillant en historien, malgré ses préjugés il est bien obligé, par honnêteté intellectuelle, de reconnaître l’intervention de Dieu dans l’action de Jeanne d’Arc.

Un autre rationaliste, l’historien Henri Martin (1810-1880), écrit qu’un « des côtés les plus extraordinaires de la Pucelle, c’est le culte religieux que ses contemporains eurent pour elle », et quand elle eut accompli ses signes, « le peuple se crut gouverné directement par le ciel ; par elle transporté dans un autre monde, il vécut dans le surhumain comme dans son atmosphère naturelle ».

Dans un article publié en 1856 dans la Revue de Paris, il accuse « Charles VII d’avoir conspiré contre son royaume […] en 1429, alors que la Providence […) lui avait envoyé pour auxiliaire une puissance immense […] qui entraînant soldats, peuple, jeune noblesse, tous les éléments d’action et de victoire. […] Nous l’accusons d’avoir […] refusé cette grâce et arrêté Jeanne au milieu de sa mission ».

Le chancelier Jean de Gerson écrit, le 14 mai 1429, soit une semaine après la délivrance d’Orléans : « Quand bien même (ce qu’à Dieu ne plaise) elle serait trompée dans son espoir et dans le nôtre, il ne faudrait pas conclure que ce qu’elle a fait vient de l’esprit malin et non de Dieu, mais plutôt s’en prendre à notre ingratitude et au juste jugement de Dieu, quoique secret ».


2.- Jeanne d'Arc n'a pas pu voir sainte Marguerite d’Antioche et sainte Catherine d’Alexandrie, car l'Église aurait déclaré qu'elles n'existent pas en les retirant de son calendrier liturgique : faux.

D'abord, au nom de quoi ajouterions-nous plus de crédit au contradicteur qu’à Jeanne d’Arc ? Jeanne a toujours parlé de ses voix, donnant leur nom.

Quelle parole faut-il privilégier et croire ? Je n’hésite pas à faire confiance à ce que Jeanne dit. Elle affirme non seulement qu’elle les voit, mais que leur voix est « belle, douce, modeste, et c’est en français qu’elle s’exprime », qu’elles sentent bon et qu’elle leur embrasse les pieds. « Des yeux de mon corps [je les vois] aussi clairement que je vous vois, vous, mes juges ! »

Et ce, alors qui lui serait si facile de renier ses voix pour sauver sa vie. C’est ce que les Anglais cherchent à obtenir d’elle. Mais pour eux aussi les voix existent.

Jeanne ne cesse de se référer à elles jusqu’au moment de mourir sur le bûcher de Rouen.

De ses voix, il est question par ailleurs. Donnons quelques exemples :

Alain Chartier, chroniquer de Charles VII, écrit en août 1429 dans une lettre : « Dès qu’elle eut atteint l’âge de ses douze ans, une voix venue du ciel ne cessa de lui dire qu’elle devait aller vers le roi, et secourir le royaume. »

Guillaume Prevosteau, promoteur désigné pour le procès en nullité de la condamnation y fait référence.

Théodore de Lellis, un des plus grands canonistes de son temps, écrit dans sa Consultation pour le procès de nullité : « On peut conjecturer toute vérité en des dits et assertions, en tant que l’ange de Dieu lui a révélé et annoncé la misère de ce royaume et pour cette cause l’ange l’admonesta et incita de venir en France. »

Robert Ciboule, chancelier de l’Université de aris en 1451, écrit deux ans après un mémoire pour le procès en nullité. Nous y lisons ceci : Qui peut affirmer « tu n’as pas eu ces révélations » « tu n’as pas entendu ces voix », s’agissant de hoses secrètes. Leur finalité plaide pour leur origine vraiment divine.

Jacques Maritain (1882-1973) a fait remarquer à ce propos que « si l’on peu assez facilement montrer que ce que l’on raconte de quelqu’un est légendaire, il est plus difficile de démontrer que ce quelqu’un n’a pas existé. Et à supposer que ce soit le cas, on peut raisonnablement penser, avec Edmond Richer, sorboniste du XVIIIe siècle, que c’étaient des anges qui apparaissaient à Jeanne sous la forme et la figure de ces deux saintes, dont la légende, sans doute familière à l’enfant, n’était pas sans rapport avec sa propre destinée » (« Le bûcher de Rouen », Un regard sur l’histoire).

Ledit Edmond Richer (1560-1631) a écrit la première histoire de Jeanne d’Arc, Histoire de la Pucelle d’Orléans, en 1628. Il était un des hommes les plus érudits de son temps. Il est le premier à réfuter la légende anglaise d’une Jeanne « visionnaire, démoniaque, renégate de ses voix et parjure ».

Par ailleurs, que l'Eglise retire du calendrier liturgique des saints qui ne sont pas assez documentés sur le plan purement historique ne signifie en rien qu'ils n'existent pas.

3.- Jeanne d'Arc n'aurait pas été inspirée par le Ciel puisque sa prophétie de la reconquête de Paris en la compagnie du roi ne s'est pas produite : faux.

Jeanne d’Arc n’a jamais affirmé qu’elle conduirait le roi quand il entrerait dans Paris, puisqu’elle a formulé sa prophétie pendant le procès de Rouen, alors qu’elle sait bien « que les Anglais me feront mourir », comme elle le dit.

Ladite prophétie s’est réalisée dans les termes qu’elle a annoncés au cours de son procès, le 1er mars 1431, sachant que sa réponse était une « réponse de mort » : « avant sept ans ». De fait Charles VII entre dans Paris le 14 avril 1436, soit 5 ans et 45 jours plus tard.

4.- Les miracles les plus célèbres attribués à Jeanne d'Arc, reconnaître le roi dans une foule et lui révéler qu'elle sait son secret le plus intime, sont des légendes de la tradition populaire : aucun témoin de l'époque ne les mentionne : faux.

L'affirmation est factuellement démentie par les sources. Jean Chartier, chroniqueur en titre de Charles VII, écrit qu’elle salue le roi « combien qu’elle ne le connaissait, ni ne l’avait jamais vu. Et il y avait plusieurs seigneurs pompeusement vêtus et richement et plus que ne l’était le roi. Pourquoi il répondit à ladite Jeanne : ‘Je ne suis pas le roi, Jeanne. » Et lui montrant un de ses seigneurs, dit : ‘Voilà le roi. ‘En nom Dieu, gentil prince, c’est vous et non un autre.’ »

Frère Pasquerel, confesseur de Jeanne, témoignera au procès de nullité de la condamnation qu’après avoir entendu Jeanne, « le roi déclara aux assistants que Jeanne lui avait dit certains secrets, que personne ne connaissait ou ne pouvait savoir, si ce n’est Dieu ; aussi avait-il une grande confiance en elle ».

Les réponses de Jeanne d’Arc à Chinon suscitaient l’admiration : « C’était chose merveilleuse comme elle se comportait et conduisait en son fait, avec ce qu’elle disait et rapportait lui être enchargé de la part de Dieu, et comme elle parlait grandement et notablement, vu qu’en autres choses elle était la plus simple bergère qu’on vit onques. »

Le Greffier de la ville d’Albi décrit, avant la fin de l’année 1429, l’entrevue de Chinon : « Elle se prit à dire qu’elle voulait parler au roi. […] Alors lui furent montrés quelques chevaliers, en lui disant que c’était le roi ; et elle dit toujours que ce n’était pas le roi […] Et le roi de venir ; et sitôt qu’elle le vit, elle de se jeter à genoux. »

L’auteur anonyme de l’Abréviateur du procès, rédigé vers 1500, rapporte de nombreuses chroniques qu’il a lues et de ce qu’il a « ouï dire et révéler, non pas une fois seulement, mais plusieurs, à de grands personnages de France, qui disent l’avoir vu en chronique bien authentique » que le roi « fut conseillé par son confesseur ou autre, de lui parler en secret et de lui demander, sans témoins, s’il pouvait croire certainement que Dieu l’avait envoyée devers lui », à qui elle répondit : « Si je vous dis des choses si secrètes qu’il n’y a que Dieu et vous qui les sachiez… »

Cela n’a donc rien à voir avec une légende, qui se crée toujours après la mort du héros.

En outre, un témoin, qui le détenait directement de Charles VII, a fait connaître le contenu de ce secret que Jeanne a révélé au dauphin.

Quant à la triple donation, elle est rapportée par le clerc de Spire, qui écrit le 17 septembre 1429, soit deux mis exactement après le sacre de Reims.


5.- La guerre de Cent Ans avait pour enjeu la couronne de France entre deux souverains chrétiens : le roi de France et celui d'Angleterre. Si le Dieu chrétien existe, il n'a aucune raison de choisir un camp plutôt que l’autre : inexact.

Il est quelque peu prétentieux de prétendre dicter à Dieu ce qu’il peut ou ne peut pas faire, doit faire ou ne doit pas faire. D’autant qu’il est censé ne pas exister… Dieu a, de fait, connaissance de tous les événements et il gouverne le monde par ce que l’on appelle sa Providence ordinaire et éventuellement extraordinaire, comme dans le cas de Jeanne d’Arc. « Nous appelons providence divine les dispositions par lesquelles Dieu conduit sa création vers cette perfection [ultime à laquelle il l’a destinée] » (Catéchisme de l’Église Catholique, n° 302).

Le clerc de Spire se demande, dans un écrit de septembre 1429, « pourquoi la prophétesse ne parle que de la France ? C’est que pour les prophètes, Dieu n’ouvre pas tout le livre de l’avenir ; ils n’ont chacun qu’un nombre déterminé d’événements à prédire, ainsi qu’on le voit par les prophètes de l’Ancien Testament. La petite vierge n’est envoyée que pour la France ».

L’on verra au point 16 l’explication avancée par le libre-penseur Jules Quicherat.

En outre, le fait que « pas un peuple que [Dieu] ait ainsi traité » (Psaume 147, 20), s’explique, selon les panégyristes de Jeanne d’Arc et par la condition de la France de fille aînée de l’Église, et parce que « le Christ aime les Francs », comme la loi salique l’affirme, et par la double mission de la France, de protéger le Saint-Siège et de répandre la foi dans le monde.

En choisissant, par le truchement de la Pucelle d’Orléans, de soutenir la France plutôt que l’Angleterre, Dieu évitait que la France tombe aux mains des Anglais et soit entraînée dans le protestantisme anglican qu’Henry VIII allait instituer un siècle plus tard.

Interrogée à Rouen : « Dieu hait-il les Anglais ? » elle répond : « De l’amour ou de la haine de Dieu a aux Anglais, je ne sais ; mais je sais bien qu’ils seront boutés hors de France, excepté ceux qui y mourront, et que Dieu enverra victoire aux Français contre les Anglais. »


6.- Dieu ne peut avoir choisi ni inspiré Jeanne d'Arc puisque qu’elle est hérétique en prétendant avoir des relations directes avec le Ciel sans l’entremise de l'Église. Elle est donc hussite. Elle refuse d’obéir à l’Église militante : faux.

Est hussite le partisan de Jean Huss (1369-1415), qui « préconisait la libre prédication et la libre interprétation de l’Écriture, affirmait que seuls les prédestinés constituent l’Église véritable, etc. » Après sa mort (condamné au concile de Constance, il est brûlé en 1415), les moins fanatiques des hussites défendirent l’utraquisme, communion sous les deux espèces, et pratiquèrent le ‘calice des laïcs’. Les plus radicaux, qui soutenaient des thèses millénaristes, qui annoncent le retour du Christ pour fonder un royaume de mille ans, se retranchèrent au camp de Tabor » (Dominique Le Tourneau, Les mots du christianisme – Catholicisme – Orthodoxie – Protestantisme, Paris, 2005, p. 315).

Le 23 mars 1430, Jeanne d’Arc écrit aux Hussites, de Sully-sur-Loire : « Depuis quelques temps, la rumeur est arrivée jusqu’à moi, Jeanne la Pucelle, me rapportant que de vrais chrétiens vous êtes devenus hérétiques et pareils aux Sarrasins. […] Vous ruinez les sacrements de l’Église, vous déchirez les articles de Foi […]. Si j’apprends que vous ne vous êtes pas corrigés, je quitterai peut-être les Anglais, afin que mon fer, si je ne peux faire autrement, anéantisse votre folle superstition. »

L’accusation d’hussite tombe d’elle-même.

Avoir des rapports directs avec Dieu est le propre de la vie spirituelle, et n’a rien d’hérétique. Il faudrait définir ce que l’on entend par hérésie : la « négation obstinée d’une vérité de foi », selon le Robert. On en est loin avec Jeanne d’Arc.

Elle n’a cessé de s’en remettre à l’Église, la véritable. « Je m’en attends de tout à Dieu mon Créateur : je l’aime de tout mon cœur » ; « je m’en rapporte à Dieu et à notre Saint-Père le pape » ; « je n’ai rien fait que par commandement de Dieu » ; « je suis bonne chrétienne, j’ai été baptisée et je mourrai comme une bonne chrétienne ; j’aime Dieu, je le sers et j’y vaudrais aider et soutenir l’Église de tout mon pouvoir ».

Le baptême fait participer à la vie même de Dieu, et constitue en enfant de Dieu. Celui-ci, par la prière, entre en relation directe avec lui. Il cherche à imiter le Christ et à avoir les mêmes sentiments qui étaient en Jésus-Christ (Philippiens 2, 5). Il est inspiré par le Saint-Esprit sans lequel il est incapable de prononcer ne serait-ce que le mot Abba ! papa à l’adresse de Dieu le Père (Galates 4, 6).

Cette relation personnelle n’a pas besoin d’une autorisation expresse de l’Église. En réalité, elle la favorise en annonçant la Parole de Dieu et en administrant les sacrements à ses fidèles.

S’agissant de l’Église militante et de l’Église triomphante, elle ignore la signification de cette distinction. « Vous en rapporterez-vous à la détermination de l’Église ? » lui demandent ses juges. « Je m’en rapporte à Dieu qui m’a envoyée, à Notre-Dame, à tous les saints et saintes du paradis, et m’est avis que c’est tout un, Dieu et l’Église, et qu’on ne doit point faire de difficulté. Pourquoi, vous, y faites-vous difficulté ? » Les juges sont pris dans leurs propres filets. Ce sont les docteurs qui ne savent quoi répondre.

Elle-même ne cesse de déclarer : « Je viens de la part de mon Seigneur à qui appartient le royaume de France » ; « Je viens de la part du roi des cieux pour faire lever le siège d’Orléans et mener le roi à Reims pour son couronnement et son sacre » ; « Je viens de par Dieu » ; « Si je vous disais que Dieu ne m’a pas envoyée, je me damnerais ; la vérité est que Dieu m’a envoyée » ; « Je n’ai rien fait que par ordre de Dieu ».

Mais elle sait bien que l’Église n’est pas chez Cauchon, en qui elle a bien discerné un ennemi: « Je ne veux pas dire que je me soumets à votre jugement, car vous êtes mon ennemi capital ». C’est lui qu’elle met en garde quant au salut de son âme. En revanche, elle déclare : « Je tiens et crois que nous devons obéir à notre Saint-Père le pape qui est à Rome. »

L’accusation d’hérésie portée contre elle par le procès de Rouen a été annulée par l’Église officielle par le procès de révision de 1456, qui déclare que tous les procès et sentences de Rouen « doivent être regardées, sont nuls et nulles, sans valeur, sans force, et non avenues ».

Les docteurs qui l’examinent à Poitiers déclarent unanimement ne voir en elle que « bien, humilité, virginité, dévotion, honnêteté et simplesse, et que la dédaigner serait répugner au Saint-Esprit et se rendre indigne de l’aide du ciel ».

Martin Berruyer, dans son mémoire de 1456 pour ce procès de nullité de la condamnation de Jeanne écrit que l’habileté de Jeanne aux armes prouve que l’Esprit Saint était sur elle jusque dans ces petites choses, et donc la guidait en tout.

Selon la Chronique de Lorraine, rédigée au XVe siècle, le roi apprenant la nouvelle de la délivrance d’Orléans aurait dit : « Je crois que Dieu l’a inspirée pour mon royaume recouvrer. »

La Chronique des Cordeliers de Paris, terminée en 1432, rapporte que « par inspiration divine », la Pucelle devait remettre le dauphin en possession de son royaume.

La Chronique du Siège d’Orléans et de l’établissement de fête du 8 mai 1429, rédigée en 1444-1449, dit que l’on « ne peut trop louer Dieu et ses saints, car tout ce qui a été fait et a été tout par la grâce de Dieu. »

Mathieu Thomassin, procureur général fiscal à Grenoble en 1431, écrit dans le Registre Delphinal que « sur tous les signes d’amour que Dieu a envoyés au royaume de France, il n’y en a point eu de si grand ni de si merveilleux comme de cette Pucelle. »

Jacques Gélu, archevêque d’Embrun, répond au dauphin Charles, en mai 1429 : « La piété nous porte à regarder Jeanne comme l’ange du Dieu des armées pour la délivrance de son peule et le relèvement de son royaume. »

Henri de Gorcum, théologien allemand, écrit en juin 1429, donc avant le sacre de Reims, Sur une certaine jeune fille qui autrefois chevaucha en France : « On ne peut donc pas démontrer suffisamment que la dite Pucelle a reçu une mission particulière de Dieu, que Dieu opère en elle,  et qu’on droit croire en ses paroles. »

Le Greffier de la Chambre des comptes du Brabant, écrit le 22 avril 1429, que « la meilleure partie du peuple de France et autres gens d’état croient et ajoutent pleine foi et créance en icelle Pucelle, croyant et maintenant fortement que ce fut chose de par Dieu. »

La Chronique de Monstrelet. Décédé en 1453, Monstrelet, qui est hostile à Jeanne d’Arc, relate que « toutes ses paroles étaient du nom de Dieu. Ce qui faisait qu’une grande partie de ceux qui la voyaient et l’entendaient parler, avaient cette confiance et cette inclination à croire qu’elle était inspirée de Dieu ».

La Chronique d’Antonio Morosini, arrêtée en 1434, contient de nombreuses lettres. Dans l’une d’elle, datée du 9 juillet 1429, l’Italien Pancrace Justiniani écrit : « Tous affirment qu’il se passe par elle des événements très miraculeux, qui sont cependant réels. Pour moi, attendu ce que l’on rapporte de sa vie, je crois que la puissance de Dieu est grande. »

Giovanni Sabadino degli Arienti, parle de Jeanne d’Arc, au plus tard en 1483, et rapporte que Charles, regardant cette Pucelle, et frappé de son langage ferme et persuasif, tourna avec étonnement les yeux vers ses barons, lesquels se regardaient les uns les autres avec surprise, et disaient à voix basse que le spectacle qu’ils avaient sous les yeux avait quelque chose de céleste ».

« Cette fille était d’une très belle vie, et on voyait bien qu’elle était inspirée de Dieu », au témoignage de Guillaume de Ricarville, panetier du roi, dans sa déposition du 8 mars 1455.

Elle inspire aux Anglais une telle épouvante que les nouvelles levées, capitaines en tête, refusent de venir d’Angleterre combattre sur le continent. Le roi d’Angleterre, par un édit du 3 mai 1430, doit porter des peines à leur encontre. Les Anglais ont beau publier des édits menaçants, dès deux semaines après la libération d’Orléans, les désertions se multiplient dans leur armée. Le nom de la Pucelle fait trembler leurs soldats. Pour eux, elle baigne dans le surnaturel diabolique, mais le surnaturel.

Révérée des soldats et du peuple comme une sainte, elle seule n’avait point foi à l’excellence de ses mérites. Des femmes pieuses les présentant divers objets à toucher et à bénir : « Touchez-les vous-mêmes, disait-elle, en souriant, à son hôtesse, ils seront tout aussi bons de votre toucher que du mien. 

7.- La canonisation de Jeanne d’Arc malgré ses positions hérétiques prouve que l'Église catholique n'est pas plus qu’elle guidée par le Dieu chrétien : sans fondement.

Cet argument ne tient pas, après ce qui a été dit précédemment. C’est une affirmation gratuite, qui porte plutôt à sourire, tant elle est d’une naïveté désarmante. Elle a pas moins de deux mille ans d’histoire contre elle ! Il suffit, par exemple, d’ouvrir les Actes des Apôtres pour constater que l’Esprit Saint guide bien l’expansion de l’Église primitive. « Un jour qu’ils célébraient le culte du Seigneur et qu’ils jeûnaient, l’Esprit Saint leur dit : ‘Mettez à part pour moi Barnabé et Saul en vue de l’œuvre à laquelle je les ai appelés’ » (13, 2). « La nuit, Paul eut une vision : un Macédonien lui apparut, qui lui faisait cette demande : ‘Passe en Macédoine et viens à notre secours’. À la suite de cette vision de Paul, nous avons aussitôt cherché à partir pour la Macédoine, car nous en avons déduit que Dieu nous appelait à y porter la Bonne Nouvelle » (16, 9).

En tout cas, dans le Ditié de Jeanne d’Arc qu’elle termine le 31 juillet 1429, deux semaines après le sacre de Reims, Christine de Pisan reconnaît dans l’épopée de Jeanne que « tout ce fait Dieu qui la mène » (strophe 36).

Il ne faut pas oublier un point important : ce n’est pas l’Église officielle qui a condamné Jeanne d’Arc, mais des juges en bonne partie en rupture de banc avec elle, à commencer par l’évêque Cauchon, qui espérait, en récompense des services rendus, obtenir des Anglais l’archevêché de Rouen et qui, comme les autres juges, était payé par eux. Au lieu d’être à Rouen, en train de condamner Jeanne d’Arc, il aurait dû se trouver à Bâle, où s’ouvrait le concile qui allait condamner le pape et proclamer le conciliarisme, c'est-à-dire dire la théorie selon laquelle l’autorité du concile général est au-dessus de celle du pape, lequel devait se soumettre à ses décisions et prêter un serment en ce sens.


8.- La science historique a établi que Jeanne d'Arc fut tout au plus une mystique charismatique dont la présence et les certitudes galvanisèrent les troupes françaises : sans fondement.

Affirmation purement gratuite qui gagnerait à être étayée par des preuves. De quelle science historique s’agit-il ? Qui est arrivé à cette conclusion, où et quand ?

Ce que la science a démontré, c’est qu’une jeune fille sans aucune formation militaire, sans instruction, ne sachant ni A ni B, comme elle le dit, a pu non seulement galvaniser des hommes mais les conduire à la victoire en imaginant une stratégie, un emploi de l’artillerie qui laisse encore de nos jours pantois les militaires qui examinent sa chevauchée et ses faits d’armes.

Dunois déclare au procès de nullité : « Hors du fait de guerre, elle était simple comme une jeune fille, amis au fait de guerre, elle était fort habile, soit à porter la lance, soit à rassembler une armée, soit à ordonner la bataille, ou à disposer l’artillerie. »

Le témoignage du duc d’Alençon le rejoint : « « Au fait de la guerre, elle était fort habile, soit à porter la lance, soit à rassembler une armée, à ordonner les batailles ou à disposer l’artillerie. Tous s’étonnaient de la voir déployer dans la guerre l’habileté et la prévoyance d’un capitaine exercé par une pratique de vingt ans ou de trente ans. Mais on l’admirait surtout dans l’emploi de l’artillerie, où elle avait une habileté consommée. »

Le futur Napoléon III écrivait : « C’est autant aux progrès de l’artillerie qu’à l’héroïsme de Jeanne d’Arc, que la France est redevable d’avoir pu secouer le joug étranger de 1428 [sic] à 1450. »

En outre, en l’absence de la Libératrice de la France, les Français plient et battent en retraite, dès qu’elle se présente, ils remportent la partie.

9.- Jeanne d’Arc n’a pas été un chef de guerre, elle n’a exercé aucune influence sur les événements. C’est Charles VII qui a remporté les victoires, a organisé l’armée de métier, rétabli les financer, etc : faux.

Cette affirmation, outre qu’elle est démentie par ce qui a déjà été dit, effectue un amalgame déconcertant. Il est manifeste que Charles VII est indolent et indécis dans la première phase de l’exercice de son pouvoir, et qu’il fait une confiance excessive à ses conseillers, Regnault de Chartres et La Trémoille, celui-ci émergeant dans les deux camps, tous deux particulièrement jaloux des succès de Jeanne qui contrecarrent leurs projets de solution diplomatique. Ils convainquent Charles VII de signer une première trêve avec les Anglais dès le 30 juin 1429, avant même le sacre de Reims, dans le dos de Jeanne.

Plus tard, Charles VII se ressaisira et méritera le titre de Charles le Victorieux et instituera effectivement l’armée de métier, etc. Cela n’infirme en rien l’action antérieure de la pucelle de France, comme les Anglais l’appellent.

Que Jeanne d’Arc n’ait exercé aucune influence sur la guerre est une négation des faits historiques les plus avérés et reconnus explicitement par les chefs militaires qui ont combattu sous ses ordres. Car il est indéniable que c’est elle qui commande. Quand les capitaines ne veulent pas attaquer la bastille des Tourelles tant que des renforts ne seront pas arrivés, elle leur dit : « Vous avez été à votre conseil, et moi au mien ; croyez que le conseil de Messire (c'est-à-dire de Dieu) tiendra et que celui des hommes périra ». Elle commande l’assaut et elle emporte la victoire.

Mais remontons en arrière. Quand elle arrive à Orléans, elle qui n’y connaît rien en fait de guerre, comprend aussitôt qu’il existe deux verrous à faire sauter : Orléans et Compiègne, pour ensuite aller sur Paris, ce que les capitaines chevronnés n’ont pas vu. Elle a parfaitement saisi d’emblée la situation. Elle a donc d’emblée un sens de la tactique très aigu. Elle est stratège et tacticienne d’instinct. Dans les conseils de guerre, son avis est toujours le bon ; dans l’action, elle sait choisir son terrain et attaquer au moment propice ; elle saisit du premier coup le point faible d’une place ; elle manœuvre l’artillerie comme personne avant elle ; son coup d’œil est si perçant et si sûr qu’il paraît être infaillible.

Comme chef de guerre, elle s’adresse aux Anglais en leur disant : « N’ayez pas en votre opinion, leur écrit-elle, que vous retiendrez le royaume de France, qui est à Dieu. »

La campagne de la Loire est emblématique. Non seulement elle se traduit par l’anéantissent de deux armées ennemies, par la libération des deux rives de la Loire, et par la délivrance de quatre villes, mais elle s’opère dans une tactique remarquable qui ne laisse pas le temps aux Anglais de se ressaisir : elle attaque d’abord Meung-sur-Loire et Beaugency, à l’ouest d’Orléans, puis passe se ravitailler à Orléans, attaque Jargeau à l’est, puis revient à Orléans pour aller livrer combat à Patay, au nord-ouest.

« Tous les portraits de notre héroïne convergent pour faire ressortir une chef de guerre dont l’habileté étonne et dépasse celle des généraux les plus illustres. Et ce, alors qu’elle n’a reçu aucune instruction militaire. dans ses mouvements, elle a la rapidité d’aigle d’Alexandre ; dans son commandement, la hardiesse pleine d’autorité de César ; dans la conception de ses plans, l’habilité consommée de Turenne ; dans l’attaque, l’impétuosité irrésistible de Condé ; sous les feux de l’ennemi, cette parfaite assurance, cette possession si rare de soi, ce mépris sublime du danger qui semblait dire, comme Napoléon : « Le boulet qui doit me tuer n’est pas encore fondu. »

Places enlevées ou prises d’assaut, illuminations soudaines, plans habilement conçus et hardiment exécutés, marches rapides, brillants coups de main, mots héroïques, blessures glorieuses, voilà ce que nous admirons. En qui ? Dans une enfant. Gaston de Foix avait vingt-quatre ans à Ravenne, Charles VIII vingt-trois à Fornoue, Condé vingt-deux à Rocroi ; après Orléans, Jargeau et Patay, Jeanne d’Arc n’a pas dix-huit ans. Et ils avaient reçu une instruction militaire…

Le colonel Liocourt, auteur de La Mission de Jeanne d’Arc, paru en 1974 et 1981, retrace la campagne de 1430 et Jeanne d’Arc assiégeant Pont-à-Choisy. Il écrit : « C’est alors que Jeanne d’Arc entra en action. Il est particulièrement remarquable de lui voir prendre pour ligne de conduite générale dans ces circonstances l’application d’une progrès que l’Art militaire devait réalise trois siècles plus tard : le principe de la défense active, immensément plus efficace que l’attitude passive. »


10.- Jeanne d'Arc s'est elle-même contredite sur les voix du Ciel, qu'elle décrit tantôt comme des voix tantôt comme des apparitions, nommant saint Michel seul, ou avec Gabriel, ou d’autres personnages encore : faux.

On ne voit pas où est la contradiction.

Qu’est-ce qu’une apparition muette aurait pu apporter à Jeanne ?

Quelle mentionne divers personnages est-il si étonnant que cela ? Et si les apparitions n’étaient pas uniformes tout au long des années. Un panégyriste dit, à propos de la période de l’emprisonnement de Jeanne d’Arc que « ce n’est plus l’ange des combats, Michel, qui va descendre du ciel pour mener Jeanne à la victoire ; c’est l’ange de la rédemption, Gabriel, qui va descendre pour la conduire au martyre ».


11.- Il n'existe aucune preuve matérielle et aucun témoin des apparitions et des voix. Elles n'existent donc pas jusqu'à preuve du contraire : pur sophisme.

Ce jugement péremptoire est encore un pur sophisme, qui ne prouve rien.

Les apparitions, par principe, ne sont pas perçues par la multitude ou par une foule de témoins, mais par une personne ou quelques personnes, souvent des enfants ou des gens de condition modeste : Juan Diego au Mexique, Bernadette Rancurel (17 ans) au Laus, Bernadette Soubirous (14 ans) à Lourdes, Maximin Giraud (11 ans) et Mélanie Calvat (14 ans) et à La Salette, Francisco (8 ans) et Jacinta (6 ans) Marto et Lucia Dos Santos (9 ans) à Fatima, Estelle Faguette à Pellevoisin, Eugène (12 ans) et Joseph (10 ans) Bardette, Françoise Richer (11 ans) et Jeanne-Marie Lebossé (9 ans) à Pontmain, Catherine Labouré à la rue du Bac, etc.

A fortiori, il n’existe aucun témoin direct de la Résurrection elle-même du Christ. C’est pourtant un fait avéré. C’est le fait qui est au centre de la foi chrétienne. Saint Paul s’en fait le chantre quand il écrit : « Nous proclamons que le Christ est ressuscité d’entre les morts » (1 Corinthiens 15, 12).

Le même Paul déclare, à propos de l’institution de l’Eucharistie : « J’ai moi-même reçu ce qui vient du Seigneur, et je vous l’ai transmis » (1 Corinthiens 11, 13), c'est-à-dire ce qu’il a reçu par révélation privée concernant cette institution à laquelle il n’était pas présent.

C’est donc traiter Jeanne de menteuse que prétendre que ses apparitions n’existent pas parce nul d’autre qu’elle ne les a vues. Elle met sa vie en jeu en affirmant l’existence de ses voix. « Quand je verrai le feu allumé ; quand je serais sur le bûcher, je ne dirais pas autre chose, je soutiendrais ce que j’ai dit dans le procès, et cela jusqu’à la mort », affirmait-elle.

Je connais l’adage juridique testis unus testis nullus. Un témoignage unique ne suffit pas pour que le juge se forme une intime conviction ou que l’historien accueille un fait. Mais l’adage ne signifie pas testis falsus., que le témoin soit faux Ce qu’un témoin unique affirme de ce qu’il a vécu n’est pas faux a priori, mais doit bénéficier d’un a priori favorable, jusqu’à preuve du contraire. Nous nous trouvons constamment dans cette situation dans la vie courante : nous ne passons pas notre temps à penser que les gens ne font que nous raconter des sornettes ou mentent effrontément à tout bout de champ quand ils nous rapportent un fait qu’ils sont les seuls à connaître, auquel ils ont assisté, etc.

Après l’annonce, à Melun de sa prise par les Anglais avant la Saint-Jean, sainte Marguerite et sainte Catherine le lui répètent tous les jours. Elle affirme à son procès qu’elle entend ses voix tous les jours, et même plusieurs fois par jour. « Et que vous ont-elles dit ? » – « De répondre hardiment, parce que Dieu m’assistera. »

Elle prédit la défaite complète des Anglais et elle affirme que cette seule espérance l’empêche de mourir de douleur : « Ils perdront tout ce qu’ils ont en France, dit-elle ; le roi sera rétabli dans son royaume, qu’ils le veuillent ou non ; je le sais, comme je sais que vous êtes là devant moi ; je serais morte sans cette révélation qui me réconforte tous les jours. Je sais bien que les Anglais me feront mourir, croyant après ma mort gagner le royaume de France ; mais quand il serait cent mille de plus, ils ne l’auront pas. »

12.- Il a été dit que Mahomet a eu, lui aussi, une apparition de l'ange Gabriel, et qu’il est devenu chef de guerre inspiré par Dieu. Si nous acceptons les visions de Jeanne d'Arc, nous accepter aussi celles de Mahomet, les preuves étant absentes dans les deux cas. Le Dieu chrétien et le Dieu musulman seraient le même, mais se contrediraient : Jésus est et n’est pas simultanément Fils de Dieu : inexact.

Cette affirmation part du principe que nous devons apporter la même croyance à la Révélation chrétienne et à la « révélation » musulmane. Voyons ce qu’il en est.

L’ange Gabriel occupe une place importante dans la tradition de l’islam. D’après elle, en 610 probablement, alors qu’il s’est retiré à son habitude dans la grotte de Hira, Mahomet fait une expérience mystique, la « nuit du destin »

Guidé par l’ange, monté sur un animal céleste, Buraq, il parcourt les sphères célestes et rencontre successivement des prophètes tel qu’Adam, Moïse, Jésus, avant d’arriver à Dieu. Gabriel aide Mahomet à comprendre de mieux en mieux sa mission.

Pendant 23 ans, l’ange lui dicte des orientations qui deviennent des verset du Cran.

Nous sommes en pleine contradiction avec la Révélation chrétienne.

D’abord, il n’existe pas plusieurs ciels, mais un seul et même ciel dans lequel tous sont comblés d’un bonheur parfait, quoique d’une intensité variée selon la sainteté de la vie menée sur terre.

Adam n’est pas un prophète ; Moïse n’est pas un prophète ; Jésus est le Fils de Dieu, Dieu lui-même, égal au Père et au Saint-Esprit. « Qui m’a vu a vu le Père », affirme Jésus (Jean 14, 9). « Il est assis à la droite du Père », selon la profession de foi chrétienne. Il ne peut donc pas se trouver ailleurs qu’auprès du Père ni être vu séparément de lui.

Gabriel autorise Mahomet, qui a neuf femmes, à déroger à la loi qui en admet quatre (quelle loi, émanant de qui ?). Or, dès la création de l’home et de l femme, Dieu a dit que l’homme « s'attachera à sa femme, et ils seront une seule chair » (Genèse 2, 24). Interrogé pour savoir sue penser du libelle de répudiation autorisé par Moïse en cas d’adultère de la femme, Jésus répond que c’est à cause « de votre endurcissement qu’il a formulé cette loi. Mais, au commencement de la création, il les fit homme et femme. À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu’un. Ainsi, ils ne sont plus deux, mais ils ne font qu’un. Donc, ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! » (Marc 10, ). Mais il n’est nulle part question dans la Bible d’autoriser la polygamie.

Le message céleste invite à la guerre sainte. Or, Jésus n’a jamais prêché la violence. Il affirme : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne » (Jean 14, 27). En outre, 150 sourates du Coran invitent à tuer les chrétiens. L’on ne voit pas comment Dieu pourrait commander de tuer ceux qui le servent et sont devenus ses enfants par le baptême !

Jeanne d’Arc ne veut pas la guerre mais la paix : « Je requérais d’abord qu’on fit la paix ; je déclarais ensuite que j’étais prête à combattre. 

La reconnaissance des apparitions de Jeanne d’Arc se fonde sur des affirmations corroborées. Les Anglais eux-mêmes n’ont jamais mis en doute qu’elle eût des apparitions et entendu des voix. Ils la questionnent abondamment à ce propos. Pour eux, elles ne peuvent provenir que du démon, alors que pour les partisans de Charles VII elles ont Dieu pour origine.

En outre, il faudrait tenir compte du fait que les apparitions se produisent pendant trois ou quatre ans, et que Jeanne d’Arc oppose une résistance tenace à se laisser convaincre par elles, jusqu’à ce qu’il lui soit annoncé qu’« il y a grande pitié au royaume de France ».

Enfin nulle autorité n’a reconnu les apparitions supposées de Gabriel à Mahomet, alors que l’Église catholique a validé celles de Jeanne d’Arc et a déclaré, dans l’office liturgique propre de notre sainte que Dieu a « suscité miraculeusement la bienheureuse vierge Jeanne pour défendre la foi et la patrie ». La défense de la foi fait allusion explicite au danger de protestantisation qui guettait la France si elle devenait une province anglaise, connaissant peut-être le sort de l’Irlande.


13.- En sautant de la tour de Beaurevoir, Jeanne d'Arc a voulu se suicider : faux.

Le suicide est « l’action de causer volontairement sa propre mort », selon le Robert. L’on ne voit pas en quoi cela pourrait s’appliquer à Jeanne d’Arc.

Comme elle l’explique à ses juges, le 14 mars 1431, « elle répond qu’elle avait ouï dire que ceux de Compiègne, tous jusqu’à l’âge de 7 ans, devaient être mis à feu et à sang, et qu’elle aimait mieux mourir que vivre après une telle destruction de bonnes gens ; et ce fut l’une des causes. L’autre qu’elle sut qu’elle était vendue aux Anglais, et eut plus cher mourir que d’être entre les mains des Anglais ses adversaires ».

Elle voulait donc porter secours à ses chers amis de Compiègne.

14.- La seule explication plausible est que Jeanne d’Arc est une hallucinée : incohérent et sans aucun fondement.

L’hallucination peut, pendant quelque temps, surexciter l’activité et l’audace humaine ; mais ce qu’elle fait gagner en ardeur fébrile, elle le fait perdre en réflexion et en perspicacité. Par suite, elle ne produit rien de durable. Or, l’action de Jeanne est exceptionnellement féconde.

L’hallucination devient déprimante dès qu’elle n’est plus entretenue par le succès ; elle n’explique pas l’attitude magnanime de Jeanne d’Arc face à la mort.

L’hallucination implique la plupart du temps un état morbide et certaines conditions physiologiques qu’il est impossible de concilier avec ce que nous savons du tempérament vigoureux et de la constitution robuste de Jeanne d’Arc.

Il n’est pas d’hallucinée chez qui le phénomène se soit présenté plus de trois ou quatre fois en leur vie. Jeanne, qui est un sujet normal, est en rapports presque quotidien avec ses voix et ses visions ont duré sept ans.

Un médecin incrédule disait un jour à un de ses amis : « Venez à la Salpêtrière : je vous montrerai cinquante Jeanne d’Arc. » - « C’est trop, répondit l’ami, montrez-m’en une seule qui puisse nous rendre l’Alsace et la Lorraine et je renonce à voir le surnaturel dans la Libératrice d’Orléans.

L’on verra au point 16 ce que le libre-penseur Jules Quicherat dit à ce sujet.

On ne comprend pas comment une hallucinée peut résister à ses voix pendant quatre ans. On ne comprend pas comment le phénomène de l’hallucination peut se prolonger de 1425 à 1431. On ne comprend pas comment l’hallucination peut exister chez quelqu’un que tout le monde admire pour la sûreté de son jugement et la robustesse de sa condition physique.

Il a été avancé pour expliquer ladite hallucination que Jeanne était maigre. Cela n’apparaît dans aucun document ni témoignage. Elle a une santé inaltérable, au milieu des fatigues, des veilles, des blessures et des émotions de la guerre. Elle supporte gaillardement les fatigues et les privations de la guerre. Cela n’a rien d’une hallucinée.

Donnons quelques traits de son procès, pour marquer le caractère trempé de la Pucelle d’Orléans, qui apparaît bien éloigné de celui d’une hallucinée, d’une névrosée, d’une magicienne, d’une faiseuse de sortilèges.

Êtes-vous invulnérable ? – Pas plus que les autres. – Voulez-vous charmer votre blessure ? – Plutôt la mort qu’œuvre de péché. – De l’étendard ou de vous, qui donnait la victoire à l’autre ? – De la victoire de l’étendard ou de moi, c’était tout à Notre-Seigneur. – Mais l’espérance de la victoire ? – Elle était fondée sur Notre-Seigneur et non ailleurs. – Touchez ces médailles. – Touchez-les vous-mêmes ; elles seront tout aussi bonnes. – Avait-elle un moyen à elle de sortir de prison ? – Le seul congé de Notre-Seigneur.

Présomptueuse, parce que ses voix lui ont prédit le ciel ? Oui, pourvu qu’elle demeure vierge. – Elle se croit donc sûre de ne plus pécher ? – Elle s’attend de tout à Jésus-Christ : Et je ne sais, ajoute-t-elle par manière de conclusion, si je ne souffrirai plus ; mais mon conseil m’a dit de tout prendre en gré, de ne point me « chailler » de mon martyre et qu’alors j’irai en Paradis. – Alors pourquoi la confession ? On ne saurait trop nettoyer sa conscience !

C’est la saine doctrine catholique.

Êtes-vous en état de grâce ? Voilà le piège, si odieux qu’un assesseur dont la crainte ne peut plus enchaîner la conscience, déclare que l’accusée n’a pas l’obligation de parler : Taisez-vous, de par le diable ! s’écrie le juge et voici la réponse de l’accusée :

« Si je n’y suis, Dieu veuille m’y mettre ; et si j’y suis, Dieu daigne m’y garder ! »

Veut-elle enfin s’en rapporter à l’Église ?

« Toutes nos œuvres et tous nos faits sont en la main de Dieu et je certifie que je ne voudrais rien faire ou dire contre la foi et si j’avais rien dit ou fait contre elle, je ne le voudrais soutenir. »

On insiste : si elle se soumet, l’ennemi triomphe. Si elle refuse la voici suspecte.

Écoutez :

« Quant à l’Église, je l’aime et je la voudrais soutenir de tout mon pouvoir. Quant aux bonnes œuvres, il faut que je m’en attende au Roi du ciel qui m’a envoyée vers Charles. Et vous verrez, ajoute-t-elle, prophétesse elle aussi au prétoire d’iniquité, les Français gagner grande besogne avant cinq ans. Je le dis afin que, quand ce sera advenu, on ait mémoire que je l’ai dit. »

Nous pouvons nous demander si nous sommes-nous à Rouen ou à Jérusalem ? en l’an 1429 ou en l’an 33. Mais c’est un autre sujet.

15.- Jeanne d’Arc a encore été présentée comme une simple mystique charismatique dont la présence galvanisait les hommes : faux.

Or, Jeanne d’Arc n’est pas une enthousiaste, une fanatique, une mystique qu’une grandiose idée fixe entraîne à d’incroyables initiatives, non ! elle est une simple enfant du peuple, bonne, pieuse, que Dieu inspire et que Dieu mène. Elle l’affirme cent fois :

« J’aimerais mieux rester à filer ma quenouille à la maison, auprès de ma mère, dit-elle à Jean de Metz ; de pareilles choses ne sont point mon fait. Mais il faut que je parte et que j’accomplisse ma mission parce que mon Seigneur le veut ! »

« Et qui est votre Seigneur ? » demande le chevalier. « C’est Dieu ! » répond Jeanne.

16.- Les prophéties de Jeanne d’Arc sont mises en doute, ou considérées comme relevant de la légende : archi faux.

Par prophétie l’on entend « toute parole prononcée sous l’inspiration divine, telles des exhortations morales, l’interprétation de la Bible, mais aussi la louange de Dieu, par exemple, dans le cantique du Benedictus. […] Plus généralement, au sens restreint, connaissance d’événements futurs, imprévisibles en principe, reçue de façon surnaturelle et communiquée à d’autres avec une certitude infaillible » (D. Le Tourneau, Les mots du christianisme, op. cit., p. 512).

L’historien libre-penseur Jules Quicherat ( 1814-1882), qui a publié l’intégralité des actes du procès de Rouen, reconnaît que la différence entre les prophéties de Jeanne et celles de Sibylles est « que leurs prédictions n’étaient qu’un pathos dans lequel on pouvait voir toutes choses annoncées, tandis que les siennes portaient sur des faits précis et d’une réalisation prochaine. Et en cela l’observation de l’auteur allemand (dans la Sibylla Francica) est très-bien placée. Elle ne prophétisait que sur la France, parce que toutes les forces de son inspiration tendaient à l’affranchissement immédiat de son pays ; et que ses voix n’avaient garde de l’entretenir dans les songes creux où s’garaient des imaginations oisives et malades » (Aperçus nouveau sur l’histoire de Jeanne d’Arc, 74-75).

Nous pourrions éventuellement mettre les prophéties de Jeanne d’Arc en doute si nous devions nous en remettre à elle seule. Mais elles ont été rapportées par des témoins ou consignées dans les actes du procès de condamnation, et ne peuvent ainsi pas être mises en cause.

Catherine Le Royer, a hébergé Jeanne d’Arc à Vaucouleurs. Auditionnée le 31 janvier 1455, elle rapporte l’affirmation suivante de Jeanne : « N’avez-vous pas entendu dire qu’il a été prophétisé que la France perdue par une femme serait sauvée par une vierge venu des marches de Lorraine ? » Interdite, Catherine écarquilla les yeux, joignit les mains, car « elle était stupéfaite, elle venait de se rappeler cette prophétie, et elle crut ».

Henri Le Royer, époux de Catherine, déclare le même jour avoir entendu Jeanne dire, au moment de son départ de Vaucouleurs que « s’il y avait des gens d’armes sur son chemin, elle avait Dieu son Seigneur. Il lui ferait la route pour aller au seigneur Dauphin et qu’elle était née pour cela » « et qu’elle le ferait, car mon Dieu le veult ».

Nous en avons présenté 73 dans le Dictionnaire encyclopédique de Jeanne d’Arc (p. 1583-1588). Mentionnons-en quelques-unes :

Le 23 juin 1428, Jeanne annonce à un ami qu’elle fera sacrer le roi à Reims.

Elle déclare à son oncle Durant Laxart qu’elle st la Pucelle des marches de Lorraine qui doit sauver le royaume qu’une femme a perdu.

Le 13 mai 1428, elle déclare à Robert de Baudricourt : « Je conduirai le Dauphin au sacre, malgré ses ennemis. »

Le 12 février 1429, elle annonce à Baudricourt la défaite en cours à la bataille des Harengs.

Le 25 février 1429, elle prédit la mort prochaine d’un homme qui l’injurie. Il se noie moins d’une heure plus tard.

Le même jour, elle fait part au dauphin d’une prière qu’il a formulée en secret dans son oratoire.

À Poitiers, elle annonce qu’elle fera entrer un convoi de ravitaillement à Orléans sans qu’un Anglais sorte de ses bastilles.

Le 5 mai 1429, elle affirme : « Avant cinq jours le siège sera levé et il ne restera plus un Anglais devant Orléans. »

Le 6 mai 1429, elle annonce que le lendemain elle prendra la bastille des Tourelles et quelle rentrera à Orléans par le pont pourtant démoli.

Le 7 mai 1429, elle prédit à Glasdale qu’il mourra sans saigner : il se noie dans la Loire.

Le 18 juin 1429, avant la bataille de Patay, elle annonce la plus grande victoire que Charles ait jamais eue.

Le 8 juillet 1429, elle annonce que Troyes sera rendu au roi « par force ou par amour » dans les deux jours.

Le 1er mars 1431, elle prédit qu’avant sept ans les Anglais abandonneront un gage plus considérable qu’Orléans. Il s’agit de Paris. Charles VII entrera dans Paris 5 ans et 44 jours plus tard.

Etc, etc.

Ces prédictions diverses sont d’autant plus frappantes que plusieurs ne se sont complies qu’après la mort de la Pucelle, dans sa « mission de survie », pour reprendre l’expression d’O’Reilly.

À noter que Jeanne d’Arc ne s’est jamais contredite, mais que même mise en présence des instruments de torture, elle a maintenu ses propos, au péril de sa vie. « Il y a sur mes Voix et sur mes visions un jugement qui fut rendu à Poitiers. Vous n’en avez tenu aucun compte. Jamais, à aucun moment vous n’avez voulu faire état de l’opinion de mes premiers juges. Du moins, ne vous ai-je rien dit que je n’eusse dit à eux-mêmes et à cela je n’ai rien à changer. Verrais-je devant moi le bourreau, le bûcher et le feu allumé, fussè-je moi-même dans le feu, je ne dirais pas autre chose et je le soutiendrai jusqu’à la mort » (panégyrique prononcé à Orléans, le 5 mai 1904, par S. G. Mgr Henry, évêque de Grenoble).

Mauger Leparmentier, chargé de mettre Jeanne d’Arc à la torture, déclare qu’alors « elle se comportait avec beaucoup de sagesse dans ses réponses, si bien que les assistants s’en émerveillaient ».

En conclusion, le caractère surnaturel de la mission de Jeanne d'Arc est très bien établi.

Il découle de :

- La pratique des vertus les plus solides, développées par le recours assidu aux moyens de la grâce.

- Des prophéties réalisées avec une précision étonnante.

- Des faits prodigieux accomplis en dehors de toute connaissance scientifique et de la puissance humaine.

Comme le déclarait un des panégyristes de Jeanne d’Arc, en 1897, « l’un des caractères les plus alarmants de notre époque c’est, sans contredit, la haine du surnaturel ».

Et un autre : « Effacez un seul de ses deux traits, vous la défigurez.

Ôtez-lui son entrain, sa hardiesse, sa franchise, sa naïveté, sa gaieté, sa droiture, ce n’est plus une Française, mais aussi ce n’est plus Jeanne d’Arc. Ôtez-lui sa pureté, sa piété si tendre, son humilité ; ôtez-lui son Archanges et ses saintes, ôtez-lui Jésus-Christ et la sainte Communion : ce n’est plus une chrétienne, mais aussi ce n’est plus Jeanne d’Arc. Pour retrouver sa physionomie si belle et si originale, il faut réunir tous les rayons de ces deux faisceaux lumineux et les faire jaillir du même foyer. »

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