Méditations du XX° siècle sur l'enfer (Péguy, Bernanos)

Méditations du XX° siècle sur l'enfer (Péguy, Bernanos)

Charles Péguy

Le mystère de la charité de Jeanne d'Arc est une pièce de théâtre qui « ne révèle ni l'histoire de Jeanne, ni la pensée, fut-elle religieuse, de Péguy, mais sa prière. »[1]

La jeune Jeanne constate le mal que fait la guerre de Cent ans, elle en souffre, elle voit combien la guerre emporte son pays dans un fleuve de misère, de péchés, de sacrilèges, elle a peur à l'idée que certains iront en enfer et elle voudrait souffrir en enfer à leur place. Madame Gervaise lui explique alors la différence entre la souffrance des damnés et celle des hommes qui vivent sur la terre.

« Si leur souffrance pouvait servir, sitôt qu'une souffrance peut servir, elle s'appareille, elle s'apparente, elle se lie à la souffrance de Jésus-Christ. Elle devient de la même race.

Elle devient, aussitôt de la même sorte, de la même race, de la même famille que la souffrance de Jésus-Christ.

Elle devient la sœur de la souffrance de Jésus.

Elle devient de la souffrance en communion.

Il n'y aurait aucune différence. Si leur souffrance servait, mon enfant, si elle pouvait servir, mais alors ils seraient dans la communion.

Or ils ne sont pas dans la communion.

[...]

[Le Fils de Dieu] s'est fait homme. Sa souffrance s'était faite humaine, toute humaine. Mais il n'a pas voulu se damner ; et c'est insensé, c'est inconcevable, c'est absurde ; ce serait un blasphème, commettre un blasphème infini que d'avoir même cette imagination : ce serait commettre un sacrilège inouï : car il savait que sa souffrance infernale, même à lui, qu'une souffrance infernale de lui ne pourrait pas servir à nous sauver. »[2]

Georges Bernanos

Le Journal d'un curé de campagne est un roman qui met en scène une paroisse. Chantal est une enfant qui chérissait son père, et elle découvre un jour qu'il est adultère avec l'institutrice. Elle se met à les détester. Engluée dans sa haine, elle pense à se suicider.

Le curé de Torcy aurait dit qu'elle est prise dans le « vertige » que donne « la fascination de l'injustice ».

Le jeune curé d'Ambricourt a vu le danger et lui parle un langage imagé :

« Dans la haine que les pécheurs se portent les uns aux autres, dans le mépris, ils s'unissent, ils s'embrassent, ils s'agrègent, ils se confondent, ils ne seront plus qu'un jour, aux yeux de l'Eternel, que ce lac de boue toujours gluant sur quoi passe et repasse vainement l'immense marée de l'amour divin [...] »[2]


[1] Pie Duployé, La religion de Péguy, Paris, Klincksieck, 1965

[2] Charles Péguy, Le mystère de la charité de Jeanne d'Arc, Gallimard 1943, p.82. 87

[3] Georges BERNANOS, Journal d'un curé de campagne (Plon 1936), éditions « Le livre de poche », Paris, 1966, p. 122

Synthèse Françoise Breynaert