Belle est la création, beau est le Christ, belle est Marie

La beauté de Marie, du Christ et de l’Eglise

Qu’est-ce que la beauté ?

Pour le langage courant, c’est souvent ce qui fait plaisir à l’œil, mais on dit aussi une belle œuvre, un beau résultat… Nous devinons que la beauté a une source mystérieuse. Les saintes Ecritures ont quelque chose à nous dire sur la beauté.

Belle est la création

Le célèbre récit de la création, mentionne dix fois la parole de Dieu : « Dieu dit : … » et sept fois l’effet est explicité : « cela fut ». Et finalement, « Dieu vit tout ce qu’il avait fait : cela était très bon / beau » (Gn 1,31). L’hébreu emploi l’adjectif « tôb » (bon) mais le grec emploi l’adjectif « kalos » (beau). Toute la création est belle et même très belle parce qu’elle est conforme à la parole de Dieu.

Le monde reflète la pensée, la sagesse de Dieu qui est la source de la beauté (Sg 13,3) et recouvre de splendeur et de majesté son ouvrage (Ps 111,3) ; le cosmos raconte la beauté lumineuse et forte du Seigneur (Ps 29). L’eau est pour la soif des vallées et des bêtes ; les cyprès sont un refuge pour la cigogne, le soleil et la lune pour l’alternance des jours et des nuits et des saisons (ps 104) : les choses rappellent que le chemin qui conduit à la beauté est le service.

Il est surprenant aussi de voir comment le judaïsme ancien revient sur la beauté d’Eve avant la chute, telle qu’elle sortit des mains du Créateur et telle qu’elle fut présentée à Adam par l’entremise de Dieu lui-même.

Beau est Israël

En assimilant la parole de Dieu à la Torah, le célèbre maître hébraïque R. Akiba (+ 135) dit : « La beauté est la Torah »[1 ], vivre selon la Loi du Seigneur est le principe suprême de la beauté.

Israël est « renouvelé »[2 ] au moment où il reçut la théophanie au Sinaï : certains midrashim considèrent qu'en Egypte le polythéisme a semé la discorde parmi le peuple et certains rabbins enseignent qu’en sortant des mauvais traitements de l’Egypte, nombreux étaient les malades et les handicapés en Israël. Au Sinaï, les hébreux se réconcilièrent entre eux, ils étaient un seul cœur et ils furent guéris de leurs infirmités. Et Moïse, l’entremetteur, présente à Dieu Israël renouvelé comme une épouse toute belle (Ct 4,7). Cette purification totale d’Israël face au Sinaï répare la chute d’Eve face au serpent. La désobéissance d’Eve lui a fait perdre sa beauté tandis que le Oui d’Israël lui fait retrouver la beauté donnée par le Créateur[3 ].

Quand dans le cantique des Cantiques l’époux (Dieu) exalte la beauté de l’épouse, la version araméenne (le targum), convertit cette beauté en œuvres justes et saintes qu’Israël accomplit quand il vit selon la Loi du Seigneur (la Torah), non seulement Dieu mais aussi les nations admirent cette beauté fulgurante.

Belle est Marie

La tradition biblique et judaïque nous permet de comprendre le sens de la beauté de Marie, elle consiste en son Fiat au moment de l’Annonciation : par son consentement libre et sage, elle permet au rayon lumineux de la Parole divine d’envahir le plus intime de sa personne. Et c’est pour cette raison qu’elle resplendit de beauté.

Dans les commentaires judaïques, au pied du Sinaï, la communauté d'Israël est rendue par le Seigneur toute pure (Ct 8,5) et toute belle (Ct 4,7) et fut ainsi rendue apte à prononcer le Oui qui la rendait épouse du Seigneur. A Nazareth, Marie est la "pleine de grâce", elle peut donner le Oui qui accomplit en plénitude les Oui qui l'ont précédé.

Au Sinaï, Israël était "la plus belle d'entre les nations" parce qu'il accueillit avec amour les préceptes de Dieu. A Nazareth, Marie, est la plus belle d'entre les femmes quand elle prononce le Oui qui la rend mère du Seigneur et femme de la nouvelle Alliance.

Retenant dans son cœur toutes les paroles de son Fils dans son cœur, même si elle ne les avait pas comprises (Lc 2, 50-51), Marie avance dans son pèlerinage de foi. Même au calvaire, elle ne cesse d’être la plus belle entre les femmes en raison de sa foi indéfectible.

Déjà la première communauté chrétienne la saluait avec l’expression célèbre : Bienheureuse celle qui a cru que s’accomplirait ce qui lui a été dit de la part du Seigneur (Lc 1,45). Le Fiat de l’Annonciation et ce qu’elle suggère aux serviteurs de Cana, Faites tout ce qu’il vous dira (Jn 2,5) sont les deux pôles qui attirent sur elle les rayons de la beauté divine.

Beau est le Christ

Le Christ est le plus beau des enfants des hommes (Ps 45,3), il est beau parce qu’il accomplit la volonté du Père dont il reflète la beauté, il est le « beau » (kalos) pasteur dit le texte original grec (Jn 10,11.14), beau parce qu’il donne sa vie pour ses brebis.

Belles (kala) sont ses œuvres (Jn 10,32-33) car elles manifestent l’amour du Père. Certes pour les yeux éteints du profane, le serviteur souffrant est sans beauté ni éclat (Is 53,2.3), mais la preuve d’amour que le Christ offre sur la croix a une telle charge de beauté qu’elle fait dire à Jésus : « Quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai tous les hommes à moi » (Jn 12,32-33). Et par le repas de la parole et du pain, l’eucharistie rayonne en nous de la beauté du Christ : « Qui regarde vers lui resplendira » (Ps 34,6).

Belle est l’Eglise

L’Eglise est toute parée de beauté (2 Co 11,3 ; Rm 16,20 ; Ep 5,26-27 ; Ap 12 et Ap 21 ; lettre à Diognète 12,8). Elle est belle quand elle persévère dans la pureté de l’Evangile et alors elle peut être comparée à Eve, vierge sans faute avant la désobéissance. Dans l’Apocalypse, elle est parée pour son époux (Ap 21,2), revêtue de soleil (Ap 12,1).

C’est le Christ qui nous a lavés de nos péchés par son sang, et c’est l’Esprit Saint qui parle aux Eglises et les exhorte à ne pas tacher leurs vêtements. L’Esprit Saint dessine en nous les traits du Christ et de Marie qui joue aussi un rôle dans l’embellissement des cœurs et des esprits [4].


[1] TB, Berakot 58 A

[2 ] Les rabbins lisent Ex 19 : Au troisième « mois » (bachodesh) en vocalisant « bachiddûsh » : au renouvellement. Puis ils font remarquer que tous sont debout (Ex 19,17), tous voient (Ex 20,18)… et tous sont guéris (Ex 15,26)

[3 ] Rabbi Yochanan : Talmud de Babylone, Shabbat 145b-146a ; Yebamoth 103b ; Abodah Zarah 22b.

[4] cf. Pape Paul VI, message du 16 mai 1975


Bibliographie : A. SERRA, Myriam fille de Sion, Mediaspaul, Paris, 1999.

Synthèse : F. Breynaert