Les miracles de Jésus

Les miracles de Jésus et sa divinité

Le miracle est possible parce que Dieu est présent à sa création - c'est le dogme de la création, qui est aussi une création « continue », une « providence » (CEC 301-308 ; Cf. ci-dessous, Le dogme de la Création en 4 points).

Cependant, sans miracles, les Ninivites écoutèrent Jonas et crurent en Dieu (Jonas 3, 1-10). Et, sans miracles, les Samaritains crurent en Jésus, à cause de ses paroles (Jn 4, 29-42).

Le miracle n'est donc pas indispensable à la foi et il ne se réduit à un prodige pour convaincre par la force.

Le miracle est un acte de bonté, un signe de la présence de Dieu qui est Amour. Le miracle, en tant que signe, doit conduire au Royaume de Dieu.

Simon le magicien faisait aussi des prodiges, mais c'était impur ! (Ac 8, 9)
Comment les miracles de Jésus révèlent-ils que Jésus est le Saint, le Fils de Dieu ?

Attachons-nous à répondre à cette question (nous expliquerons ailleurs que Jésus guérit et sauve, qu'il est le Rédempteur).

Dans la Bible, le peuple qui devait son existence au miracle de la Mer Rouge et à tant d’autres miracles savait que Dieu peut faire des miracles. Les miracles sont alors un langage d’Alliance entre Dieu et les hommes.

Il est toujours déplacé d’imaginer que Dieu ait besoin de prouver sa puissance et de s’imposer par des prodiges ; toute l’histoire montre au contraire qu’il cherche à créer une relation d’amour sans manipuler la liberté.

L’Exode est le miracle de Dieu créant un peuple qui n’avait pas le droit à l’existence. Par les miracles d’Elie, Dieu s’est aussi révélé comme celui qui donne la pluie, la nourriture, la santé, la vie. Au temps de l’Exil, les catastrophes parlent encore de Dieu, elles sont des miracles "en creux" ; même les "miracles" des autres nations (la réussite de Cyrus) parlent aussi de notre Dieu (2e Isaïe), le miracle de notre Dieu est dans tout l’univers, il est la Création entière.

La notion de miracle reprend donc toute l’expérience d’Israël, c’est pourquoi le miracle "vient de Dieu" si les trois critères suivants sont remplis :

1°) Celui qui fait le miracle ne recherche pas sa propre gloire mais celle de Dieu.

2°) Un miracle ne doit pas conduire à s’éloigner de la Loi écrite ni de la Torah orale de l’opinion majoritaire du Sanhédrin, garant de l’unité d’Israël [1].

3°) les miracles doivent ressembler à ceux de l’Exode (la libération, la Loi, la manne, passer la mer...) ou à ceux d’Elie (ressusciter un enfant, multiplier le contenu des jarres…), ou correspondre aux prophéties d’Isa?e "Alors se dessilleront les yeux des aveugles, et les oreilles des sourds s'ouvriront. Alors le boiteux bondira comme un cerf, et la langue du muet criera sa joie." (Isaïe 35, 5-6)

Les miracles de Jésus viennent-ils de Dieu ?

Nous répondons avec les critères que nous venons d'énoncer.

1°) Jésus est humble, il se retire et demande la discrétion.

2°) Il y a un lien entre les guérisons de Jésus et la conversion, le pardon, la foi, le témoignage...

3°) Les miracles correspondent à ceux des pères en Israël, mais ils sont parfois différents :

Jésus marche sur les eaux (Mt 14 et Jn 6) /comme le Passage de la mer rouge (Ex 14).

Jésus multiplie les pains (Mc 6 et 8), des pains d’orge (Jn 6) comme la manne de l’Exode (Ex 16) ou la multiplication des pains d’orges d’Elisée (2R4).

Jésus ressuscite la fille de Jaïre (Mc 5) comme Elie ressuscite le fils de la veuve (1R17).

Jésus guérit le lépreux comme Elie guérit Naaman (2R 5).

Il guérit un aveugle comme Tobie guérit son père aveugle (Tb 11) cf. aussi Isa?e 35,5-6.

Jésus passe à travers la foule haineuse (Lc 4,30) comme Daniel dans la fournaise (Dn 3).

Jésus multiplie le vin de Cana (Jn 2) comme Elie multiplie le contenu des jarres (1 R 17,14). Etc.

MAIS...

Celui qui touche l’Arche d’Alliance mourait (2 Sam 6) tandis que celui qui touche Jésus est guéri (Mt 15 ; Mc 5).

Les pères (Moïse, Elie, Elisée) priaient Dieu pour obtenir un miracle mais Jésus guérit de sa propre autorité.

Jésus chasse les démons (Mc 1 ), et surtout, il guérit le jour du Shabbat en exerçant le jugement et la miséricorde (Mc 3, Jn 5, Jn 9...) ce que personne ne faisait avant lui.

A travers les miracles de Jésus se pose la question : qui est-il ?

Les critères de discernement des Juifs conduisent donc à une opinion contradictoire sur les miracles de Jésus. On est donc ramené à son visage… et pour ceux dont le cœur est prêt, les miracles de Jésus font grandir la foi.

Dans le récit de la guérison de l’aveugle-né (Jn 9),

Jésus s’affirme comme l’envoyé de Dieu. Or Mo?se et Elie étaient les deux grands envoyés de Dieu (Jn 9,4).

Puis Jésus s'affirme comme le mystérieux « Fils de l’homme » annoncé par le prophète Daniel (Jn 9,28).

Le geste de faire de la boue, (pour en mettre sur les yeux) peut évoquer le geste du Créateur qui créa l’homme en modelant la glaise (Gn 2,7).

Surtout, opérer une guérison le jour du Shabbat (Mc 3, 1-6 ; Lc 5,6-11; Jn 9...) et de le faire en exerçant le jugement et la miséricorde (Jn 5) fait de Jésus l’égal de Dieu.


Une guérison le jour du Shabbat, qu'est-ce qui est étonnant ?

Les textes ne manquent pas pour dire que la venue du Messie sera liée au Shabbat, et la prophétie de Malachie la mettait en lien avec Elie.

En soi, la transgression du Shabbat n’est pas grave : on trouve déjà dans la Mekilta le dicton « le Sabbat est donné à l’homme et non l’homme au Sabbat » ou encore « la circoncision qui n’est qu’un des membres de l’homme peut dispenser du sabbat, à plus forte raison pour sauver tout le corps. »

A Qumran, où la législation sur le Shabbat était la plus stricte, la transgression du Shabbat n’entraînait pas la peine capitale.

Comment expliquer alors que l’on veuille tuer Jésus pour ce motif ?

La réponse est liée à l’activité de Dieu le jour du Shabbat.

Dans le texte de Genèse 2,2-3 le 7e jour est marqué d’une ambiguïté : Dieu « acheva » et « se reposa ». Les traductions du Targum optent pour l’un et/ou l’autre [2]. Guérir c’est parfaire la création, c’est l’achever, c’est donc faire l’œuvre de Dieu le jour du Shabbat. Dans les commentaires des rabbins, on ajoute que Dieu cesse le travail mais il ne cesse ni le jugement ni la miséricorde. Jugement et miséricorde sont donc des œuvres qui ne peuvent cesser ni être confiées à d’autres, pas même aux anges [3].

Or Jésus, le jour du Shabbat, guérit en exerçant le jugement et la miséricorde « comme son Père » : il prétend exercer le jour du Shabbat la même activité que Dieu !

Ainsi donc, soit Jésus est un imposteur et il faut le tuer, soit au contraire… il faut l’adorer !

Jésus donne tous les éléments pour croire en lui, mais sans jamais contraindre, imposer.


[1] Cf. Baba Metzi’a 59b

[2] Targum Onkelos (targum officiel du Pentateuque) : Dieu se réjouit et se repose le 7e jour. Targum Jonathan (targum officiel des prophètes) : Dieu acheva et se reposa le 7e jour.. Targum Néofiti I : La Parole de YHWH acheva et il y eut Sabbat et repos en sa présence le 7e jour. Septante : Dieu acheva le 6e jour et se reposa le 7e. Samaritains : Dieu acheva le 6e jour et se reposa le 7e jour.

[3] Mekilta rabbi Ismaël sur Exode 31,17

Bibliographie J. BERNARD, La guérison de Bethesda Jn 5,1-30, Mélanges de science religieuse 1976 n°1-2, pp 3-34 J. BERNARD, La guérison de Bethesda Jn 5, 31-47, Mélanges de science religieuse 1977, n°1 pp.13-44.


F. Breynaert