La femme et la Jérusalem céleste (Ap 21)

La femme d'Ap 12 et la Jérusalem descendue du ciel

La Ville d'Apocalypse 11 n'est pas encore la nouvelle Jérusalem d'Apocalypse 21.

« Puis on me donna un roseau, une sorte de baguette, en me disant: "Lève-toi pour mesurer le Temple de Dieu, l'autel et les adorateurs qui s'y trouvent; quant au parvis extérieur du Temple, laisse-le, ne le mesure pas, car on l'a donné aux païens: ils fouleront la Ville durant 42 mois. » (Ap 11, 1-2)

La ville du chapitre 11, 1-2 évoque une ville dont le parvis du temple est foulé par les païens tandis que le sanctuaire est épargné : cette ville n'est certainement pas Jérusalem et ces versets ne font pas allusion à la chute de Jérusalem en 70 après Jésus-Christ : car alors le sanctuaire dans le temple n'a pas été épargné !

Les deux témoins meurent comme Jésus, et leur martyr convertit les gens qui « rendent gloire à Dieu ». « Et leurs cadavres, sur la place de la Grande Cité, Sodome ou Egypte comme on l'appelle symboliquement, là où leur Seigneur aussi fut crucifié. » (Ap 11, 8)

Ainsi, la Ville dont parle Ap 11, 1-2, est une ville symbolique. [1]

Trois expressions disent que l'Eglise persécutée reste saine et sauve spirituellement[2] :

- Les adorateurs sont spirituellement protégés dans le temple (Ap 11, 1-2), pendant 42 mois, le temps des païens.

- Les deux témoins sont indemnes pendant qu'ils prophétisent « 1.260 jours, revêtus de sacs. » (11, 3), car en effet, « Si l'on s'avisait de les malmener, un feu jaillirait de leur bouche pour dévorer leurs ennemis. » (Ap 11, 5).

- La Femme est protégée au désert pendant tout le temps où le dragon attaque ses enfants : « la Femme s'enfuyait au désert, où Dieu lui a ménagé un refuge pour qu'elle y soit nourrie 1.260 jours. » (Ap 12, 6).

Les adorateurs parlent de la dimension mystique de l'Eglise (11, 1), les deux témoins parlent de la dimension prophétique et missionnaire de l'Eglise (11, 3), et la Femme évoque Sion et l'accomplissement en Jésus des prophéties de l'Ancien Testament, elle est aussi Marie, la mère du Messie (12, 5), et la mère des disciples de Jésus (12, 17).

42 mois font 1260 jours, il s'agit d'une seule et même épreuve, dont la durée est limitée : le Christ aura le dernier mot de l'Histoire.

La femme couronnée (Ap 12), la Cité , jeune mariée (Ap 21).

La femme est couronnée (Ap 12, 1). Dans le monde ancien, le couronnement de la mariée, ou des époux, signifie la perfection et l’achèvement de leur union, c’était une coutume commune à tous les peuples.

Dans le Peuple de l’Alliance le rite du couronnement de la mariée remonte aux temps bibliques ; on en trouve des références dans le Cantique et chez les prophètes.

Cette allusion aux noces en Apocalypse 12,1 invite à faire le rapprochement avec la fiancée d’Apocalypse 21 qui est la Jérusalem descendant du ciel.

« Et je vis la Cité , Jérusalem nouvelle, qui descendait du ciel, de chez Dieu; elle s’est faite belle, comme une jeune mariée parée pour son époux. […]

Alors, l’un des sept Anges aux sept coupes remplies des sept derniers fléaux s’en vint me dire: "Viens, que je te montre la Fiancée, l’Epouse de l’Agneau." »

(Ap 21, 2.9)

C'est la femme de l'Alliance, mais avec deux nouveautés.

Dans la Bible, Jérusalem ou le peuple hébreu sont représentés souvent sous la personnification d’une femme. C’est la « femme » de l’Alliance biblique.

L’Apocalypse suit cette tradition : ainsi la « femme » est la ville de Jérusalem, mais il faut aussitôt noter deux nouveautés.

1) L’époux n’est pas Dieu en général, mais le Christ.

2) L’épouse est encore la ville mais l’expression « ville » décrit une réalité toute nouvelle : elle descend du ciel (Ap 21, 10).

La nouvelle Jérusalem, alternative à Babylone.

Les hommes aspirent non seulement à une vie confortable, à la prospérité économique des ville, ils aspirent aussi à une communauté civique avec ses rites d'identité et sa fierté.

Babylone, c'est Rome et l'empire romain.

Le chapitre 17 de l'Apocalypse évoque une ville, personnifiée par une prostituée (17, 1), cette ville s'appelle Babylone (17, 5), mais elle est aussi assise sur sept collines (17, 9), comme Rome.

Les Judéo-chrétiens ont longtemps regardé vers Jérusalem, leur centre national et religieux. La destruction du temple de Jérusalem en l'an 70 a marqué pour eux la fin de la signification terrestre de Jérusalem. Et ce jugement les privait d'une ville à laquelle appartenir.

S'ils devaient se dissocier de Rome-Babylone et de son influence corruptrice là où ils vivaient, ils avaient besoin d'une nouvelle alternative. Cette alternative est la Nouvelle Jérusalem qui descend du ciel sur une haute montagne qui domine la citadelle de Pergame et les sept collines où Rome est assise. La Nouvelle Jérusalem appartient au futur mais elle exerce son attraction à travers les visions de Jean. Le chapitre 19 et le chapitre 21 évoquent une autre ville, la nouvelle Jérusalem, c'est la fiancée et l'épouse de l'Agneau (19, 7 ; 21, 2.9), la ville (21, 2). [3]

La Nouvelle Jérusalem est l'alternative à Babylone : la nouvelle Jérusalem est une chaste épouse (21, 2), Babylone une prostituée (17, 1). La splendeur de la Nouvelle Jérusalem est la gloire de Dieu (21, 11-21), la splendeur de Babylone provient de l'exploitation de son empire aux dépens de ses sujets (18, 12-15). La vie et la guérison des nations (22, 1-2) est à l'opposé du sang du massacre (17, 6 ; 18, 24). Le peuple de Dieu est appelé à entrer dans la nouvelle Jérusalem (22, 14), tandis qu'il est appelé à sortir de Babylone (18, 4).[4]

L'opposition des hommes à Dieu doit aboutir à la chute de Babylone, qui occupe tant de place dans l'Apocalypse. Babylone doit laisser la place à la nouvelle Jérusalem.

La Nouvelle Jérusalem inclut le paradis sous la forme de l'eau de la vie et de l'arbre de vie (22, 1-2) : les bénédictions du paradis sont restaurées.

Mais la nouvelle Jérusalem est davantage que le paradis recouvré : comme cité, elle réalise le désir de l'humanité de construire à partir de la nature un lieu humain pour une communauté et une culture humaine. [5]

C'est une réalité future, mais aussi déjà présente : "Voici que je fais toutes choses nouvelles" (Ap 21, 5).

Le rapprochement entre Marie et la Ville a inspiré une longue tradition de l'Eglise, de Tertullien à saint Louis-Marie de Montfort. Des réalisations concrètes ont vu le jour, donnant une identité à des groupes parfois importants (sans tomber dans le millénarisme) : « Ville-Marie » à Montréal aux « Mariapolis » organisées par les Focolari, en passant par les « Cités de l'Immaculées » fondées par saint Maximilien Kolbe... (Cf. Liens ci-dessous).


[1] Cf. Richard Bauckham, La théologie de l'Apocalypse, Cerf, Paris 2006, p. 146

[2] Cf. Richard Bauckham, La théologie de l'Apocalypse, Cerf, Paris 2006, p. 147

[3] Cf. Richard Bauckham, La théologie de l'Apocalypse, Cerf, Paris 2006, p. 148-149

[4] Cf. Richard Bauckham, La théologie de l'Apocalypse, Cerf, Paris 2006, p. 150-151

[5] Cf. Richard Bauckham, La théologie de l'Apocalypse, Cerf, Paris 2006, p. 154


F. Breynaert