Histoire des Maronites

Histoire des Maronites

Les origines, à Antioche. [1].

C'est à Antioche que la première communauté se constitua suffisamment pour recevoir une appellation caractéristique : « les chrétiens » (Ac 11, 26). Née dans le milieu juif, cette assemblée s'inspire des traditions juives.

Dans son noyau central, la liturgie est reçue de Jésus, elle est la même partout, mais la remarque de saint Justin qui rapporte que le célébrant « rend grâces autant qu'il le peut »[2] montre qu'au deuxième siècle, l'improvisation et la créativité locale avait aussi sa place.

Lorsqu'en 313 le christianisme et devenu la religion officielle de l'empire byzantin, les chrétiens ont construit de grands lieux de culte et la liturgie s'est enrichie.

Nous n'avons aucun document liturgique des premiers siècles à Antioche ; les premiers fragments remontent au IV° siècle, dans les écrits de Jean Chrysostome, Théodore de Mopsueste, et les Constitutions apostoliquesHistoire des Maronites.

L'anaphore "Charar" aurait alors été composée, en grande partie (cf. article suivant).

Saint Maroun[3]

Saint Maroun nous est connu par Jean Chrysostome et Théodoret de Cyr.

Saint Jean Chrysostome, depuis son exil (404-407), lui a écrit une petite lettre amicale.

Théodoret de Cyr, en l'an 440, raconta l'histoire des ascètes d'Orient, et dit au sujet de saint Maroun qu'il était un ermite et qu'il soulageait les corps et guérissait les âmes. Il avait de nombreux disciples dont 250 disciples femmes. Après sa mort, les habitants de la région construisirent un sanctuaire sur son tombeau.

Saint Maroun est donc mort probablement vers l'an 410, avant les conciles d'Ephèse et de Chalcédoine.

Les divisions de l'Eglise d'Antioche[4].

- Une partie suivit Nestorius, dans une Eglise autonome en 424 et indépendante en 484.

- Les Monophysites (Jacobites) refusèrent le concile de Chalcédoine de 451. Tout n'est pas imputable à l'hérésie : a joué le nationalisme face à une certaine arrogance de l'empereur byzantin ; a joué aussi le vocabulaire du concile de Chalcédoine souvent mal compris. Isolés de Byzance, nombreux sont ceux qui devinrent musulmans.

- Une partie resta attachée aux conciles d'Ephèse et de Chalcédoine. De ceux-ci font partie les moines du monastère de saint Maroun.

Au temps des hérésies et des invasions[5].

L'invasion des Perses (604-622) fut appréciée par les Monophysites (Jacobites) comme une libération du joug byzantin. Alors l'empereur byzantin, Héraclius, voulut les réconcilier au plan théologique pour se rallier au plan politique.

Les Monophysites parlaient d'une seule nature en Jésus alors que le concile de Chalcédoine parle d'une personne en deux natures. Héraclius leur proposa de parler d'une seule énergie en Jésus. Peu de temps après, il fallut parler aussi d'une seule volonté en Jésus (c'est le monothélisme). Mais toutes ces concessions aboutissaient à nier le concile de Chalcédoine.

En effet, si l'on dit trop rapidement de Jésus qu'il n'a qu'une volonté (humano-divine), alors on ne lui permet pas d'être pleinement humain et donc de nous sauver. Le concile de Chalcédoine, pour simplifier, suggère que par sa nature humaine Jésus a une volonté humaine, et par sa nature divine, il a une volonté divine. Jésus unit les deux volontés en son unique personne (et non pas en une unique nature).

Impatienté, Héraclius fit piller les maisons et les Eglises de ceux qui n'adhéraient pas au concile de Chalcédoine. Les moines de Beth Maron (maronites), fidèles au concile de Chalcédoine, brûlèrent les biens des Monophysites, puis ils furent persécutés.

En 636, les Arabes (musulmans) envahirent la région. Le siège d'Antioche étant vacant, les maronites ont élus un patriarche du couvent de saint Maroun : ce patriarche, saint Jean Maroun, défendit son peuple et l'accompagna jusqu'au Liban dans ses persécutions.

Le second concile de Constantinople, en 680-681 précisa la doctrine de Chalcédoine en condamnant le monothélisme, mais aucun évêque syrien n'a pu s'y rendre. Les Maronites ignoraient donc les précisions de ce concile, jusqu'au jour où les Croisés les en instruisirent, et, aussitôt, ils reconnurent que telle était leur foi.

Le patriarcat maronite des origines au Moyen Age[6]

Quand dans la seconde moitié du VII° siècle le siège d'Antioche était vacant, un patriarche fut choisi parmi les moines du monastère de saint Maroun : saint Jean Maroun. Il accompagna son peuple persécuté jusqu'au Liban. On situe son tombeau à Kafr Hayy (Batroun) et on le célèbre le 2 mars[7].

Dès l'époque des Croisés, les maronites sortent de leur isolement géographique et les relations avec Rome sont renouées.

Dès son accession, chaque nouveau patriarche demande au pape le pallium de la confirmation. Les patriarches faisaient part des persécutions endurées de la part des occupants musulmans, ou même des tracasseries des Latins.

Les papes réagissaient en leur offrant des cadeaux, en excommuniant les latins qui les spoliaient de leurs biens, et en les encourageant par des images bibliques, comparant le Liban à la montagne inébranlable de Sion qui subsiste à jamais[8].

Le patriarcat maronite à l'époque moderne et contemporaine[9].

En 1578, le père Eliano, jésuite, fit une visite canonique de l'Eglise maronite quelque peu arrogante. Il fit un rapport dénonçant soixante hérésies ou erreurs. Ce rapport fut publié en 1613, - le patriarche Douaihi réfutera une à une toutes ces critiques.

En 1584, le Saint Siège eut l'heureuse initiative de fonder le collège maronite à Rome. Ce Collège permit une connaissance des rites romains par les maronites. Il initia l'Occident aux richesses de l'Orient. Et il posa les bases de la renaissance arabe, sauvant les lettres arabes elles-mêmes.

Un des étudiants de ce Collège, Douaihi, devint un patriarche (1670-1704) plein de sagesse et de sainteté, il réforma son Eglise en évitant l'écueil monophysite et l'écueil de la latinisation. Il remit en valeur les anciennes anaphores eucharistiques.

En 1736 eut lieu un grand synode, véritable concile maronite, mais qui fut suivi par une latinisation parfois excessive.

En 1924, le rituel de Beyrouth ré-établit en très grande partie le rite d'origine.

Après le concile Vatican II, la commission patriarcale liturgique, et l'Institut de Liturgie à l'Université Saint-Esprit de Kaslik ont créé un climat positif d'éducation liturgique.

En 1977, la tradition monastique maronite fut honorée par la canonisation de saint Charbel Makhlouf, gloire de l'ordre libanais maronite et digne représentant des Eglises d'Orient*.

Depuis 150 ans, le Liban a été très secoué, aujourd'hui, plus de la moitié des maronites vivent dans la diaspora, tandis qu'en Orient s'opère le rapprochement entre maronites et chrétiens de rite syrien catholique : ils ont en effet une même origine.


[1] Michel Hayek, Liturgie maronite, histoire et textes eucharistiques, Mame, Paris 1964.

[2] Justin, Apologie I, 67

[3] Ibid., p.10

[4] Ibid., 8-9

[5] Ibid., 12-23

[6] Ibid., p. 23-40

[7] Peut-être que le premier patriarche s'appelait Jean Maroun (Cf. ibid., p. 25) ; c'est en tout cas ce que retient le synaxaire de la liturgie maronite (2 mars).

[8] Michel Hayek, p., 40-41

[9] Ibid., p. 41-52

*Concernant saint Charbel : cf.https://www.st-charbel.fr/index.php

ou : https://www.saintcharbel-annaya.com/

Synthèse Françoise Breynaert