Le scapulaire du Carmel, origine et signification

Le don du scapulaire à l’ordre du Carmel

Contexte historique[1] : les ermites du mont Carmel reviennent en Europe

L'Ordre du Carmel est né au tournant des XII° et XIII° siècles, dans le silence et la solitude de quelques pauvres ermitages aménagés sur le promontoire du Mont Carmel, dans le souvenir du saint prophète Elie.

Après l'échec des croisades, ces ermites (qu'ils soient d'origine arabe ou européenne) viennent s'installer dans les grandes villes d'Europe médiévale.

Ils n'ont pas de fondateur, pas d'appuis humains.

Ils s'appuient sur la parole de Jésus « en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire. » (Jn 15,5).

Ce que chante la Vierge, en son versant positif : « Le Puissant fit pour moi des merveilles. Saint et son Nom. » (Lc 1, 49).

Aux difficultés institutionnelles de Simon Stock, Marie répond par un signe du salut

Le général de l'Ordre du Carmel s'appelait Simon Stock, et il suppliait Marie, invoquée comme «Fleur du Carmel», ou «Etoile de la mer», de l'aider dans les difficultés institutionnelles - comment faire vivre dans des villes européennes des ermites venus de Terre , et totalement démunis d'appuis humains.

C'est alors que le 16 juillet 1251, Marie apparaît à Simon Stock, présentant le scapulaire.

Marie se montre ensuite à Jacques Duèse qui deviendra le pape Jean XXII.

Ces deux visions se résument en ces termes : le scapulaire est donné à l'Ordre du Carmel pour le salut éternel [2].

Aux Carmes lui demandant de les aider dans leurs difficultés institutionnelles, la Vierge répond par une promesse portant sur la seule chose qui compte vraiment : le salut éternel.

Et le Carmel trouve sa vraie sécurité, sa fécondité en se tournant vers sa Mère, comme un enfant.

Finalement, lors du chapitre général de 1247, l'Ordre adapta la Règle primitive et s'inscrivit dans la mouvance des Ordres mendiants.

Voici le plus ancien témoignage de la vision de Simon Stock, le 16 juillet 1251 :

« Souvent Simon Stock suppliait la glorieuse Vierge Marie, Mère de Dieu et patronne de l'Ordre de doter de quelque privilège les Frères qui portent son nom.

Chaque jour d'une voix très dévote, il lui disait en ses prières :

"Fleur du Carmel, vigne fleurie, splendeur du Ciel, Vierge-Mère, Unique, Douce Mère, qui ne connus point d'homme, aux enfants du Carmel donne tes privilèges, Etoile de la Mer."

Et un jour, la glorieuse vierge Marie lui apparut accompagnée d'une multitude d'anges et lui dit :

"Voici le privilège que je donne à toi et à tous les enfants du Carmel. Quiconque meurt revêtu de cet habit sera sauvé." »[2]

La deuxième vision est attribuée à Jacques Duèse qui deviendra le pape Jean XXII, pape d'Avignon à partir de 1316. Lisons simplement l'extrait d'un récit datant de 1465 :

« Quiconque entrera dans cet Ordre et observera dévotement ce genre de vie sera sauvé éternellement et délivré de la peine et de la coulpe. Et si au jour de leur passage en l'autre vie, ils sont amenés au purgatoire, moi la Mère de la grâce, je descendrai le samedi au purgatoire après leur mort et je délivrerai ceux que j'y trouverai et les ramènerai à la montagne et à la vie éternelle. »[3]

C'est pourquoi le privilège lié au scapulaire est appelé "privilège sabbatin" (en référence au samedi).

Ce n'est pas pour autant un privilège magique !

Il va de soi que si quelqu'un veut mourir dans ses péchés en ennemi de Dieu, il n'est pas dans les conditions pour recevoir le privilège lié au scapulaire.

Le pape Léon XIII [4] a précisé les conditions de ce privilège :

- porter le scapulaire,
- vivre la chasteté selon son état (il y a aussi une manière de vivre chastement l'union conjugale),
- prier le petit office de la Vierge Marie ou le chapelet.

La profonde signification du scapulaire[5]

« Il y a dans le geste de réception du scapulaire une merveilleuse attitude d'humilité, de simplicité, de foi, celle du petit enfant qui se laisse habiller par sa mère. [...]

Que l'habit religieux, que le signe du scapulaire, renvoient au salut, rien n'est plus normal, rien n'est plus juste. Qui dit salut, évoque nécessairement les « fins dernières », si peu prêchées aujourd'hui : la mort, le jugement, le purgatoire, l'enfer ou le paradis. Or c'est précisément à ces réalités ultimes que les promesses du scapulaire nous reconduisent. [...]

Accueillir le salut, accepter de se laisser sauver (reconnaître donc que, de soi, l'on est perdu) ne consiste pas d'abord en de grandes choses. C'est humblement ouvrir une porte, celle de notre cœur, de notre liberté. Et cela peut se réaliser, se manifester, s'incarner par un petit geste tout simple comme de recourir à l'intercession, à la protection de Marie et se laisser revêtir du « vêtement du salut ». [...]

Tous les critiques, les adversaires du scapulaire du Carmel ont toujours tenu le même discours : c'est trop beau pour être vrai, c'est trop simple. Le salut ne peut s'obtenir à un prix si dérisoire ! Ce qui est certain, c'est que de notre côté le salut est radicalement hors de notre portée au seul plan naturel. Celui qui a payé le prix, c'est le Christ par la valeur infinie de son sang versé, de sa vie livrée dans l'Amour du Père.

Revêtir le scapulaire, comme nous ne cessons désormais de le dire, ce n'est pas chercher un moyen magique qui fonctionnerait à côté de l'économie du salut, mais entrer pleinement dans cette économie par la médiation maternelle de la Vierge Maie.

Le scapulaire ne nous dispensera bien sûr pas d'un authentique chemin de conversion ; il en sera comme l'écrin et le symbole ».

Le scapulaire : un sacramental

Le scapulaire est un sacramental : c'est un objet béni par l'Église pour inspirer de bonnes pensées et pour augmenter la dévotion, et, plus nous avons de dévotion, plus nous recevons de grâce.

Le signe de la Croix est le principal sacramental utilisé dans l'Église, à côté duquel nous avons le Crucifix, l'eau bénite, le buis béni, les bougies, les cendres de l'entrée en carême, les images de la Bienheureuse Vierge et des Saints, le chapelet, la médaille miraculeuse.

Le catéchisme de l'Eglise catholique (§ 1667-1677) explique les sacramentaux.

N.B. Le 13 octobre 1917 l'apparition de Fatima s'est présentée à Lucie en tant que Notre Dame du Carmel (donnant le scapulaire) : on peut y voir un silencieux appel à porter son scapulaire comme un signe de consécration à son Cœur Immaculé.


[1] Cf. Fr. Philippe de Jésus-Marie, o.c.d., Le secret du Carmel, le scapulaire et la vie mariale, Editions du Carmel, Toulouse 2010, p. 5-22

[2] Ibid., p. 18

[3] Ibid., p. 19

[4] Pape Léon XIII, Décret de la Congrégation des Indulgences, juin 1901

[5] Cf. Fr. Philippe de Jésus-Marie, Ibid., p. 24-25

CEC : Catéchisme de l'Eglise catholique, 1998.

Synthèse Françoise Breynaert