Le sommeil de Marie

Le sommeil de Marie

La virginité de son cœur et de son corps fut plus digne et plus honorable que celle des Anges. C'est pourquoi son esprit, non divisé ni partagé, comme saint Paul parle, était tout occupé à penser aux choses divines, comme elle plairait à son Dieu[1].

Et enfin, l'amour maternel, le plus pressant, le plus actif, le plus ardent de tous, amour infatigable et insatiable, que ne devait-il pas faire dans le cœur d'une telle mère et pour le cœur d'un tel fils?

[...] Ah! gardez bien, je vous en conjure, dit-il, d'éveiller ma bien-aimée jusqu'à ce qu'elle le veuille (Ct 2, 7). Oui, Théotime, cette reine céleste ne s'endormait jamais que d'amour, puisqu'elle ne donnait aucun repos à son précieux corps que pour le revigorer, afin qu'il servit mieux son Dieu par après : acte certes très excellent de charité. Car, comme dit le grand saint Augustin, elle nous oblige d'aimer nos corps convenablement, en tant qu'ils sont requis aux bonnes oeuvres, qu'ils font une partie de notre personne, et qu'ils seront participants de la félicité éternelle.

Certes, un chrétien doit aimer son corps comme une image vivante de celui du Sauveur incarné, comme issu, de même tige avec icelui, et par conséquent lui appartenant en partage et consanguinité, surtout après que nous avons renouvelé l'alliance par la réception réelle de ce divin corps du Rédempteur, au très adorable sacrement de l'Eucharistie, et que par le baptême, confirmation et autres sacrements, nous nous sommes dédiés et consacrés à la souveraine bonté.

Mais quant à la très Vierge, ô Dieu, avec quelle dévotion devait-elle aimer son corps virginal, non seulement parce que c'était un corps doux, humble, pur, obéissant au saint amour, et qui était tout embaumé de mille sacrées suavités; mais aussi parce qu'il était la source vivante de celui du Sauveur, et lui appartenait si étroitement d'une appartenance incomparable. C'est pourquoi quand elle mettait son corps angélique au repos du sommeil : Or sus, reposez, disait-elle, ô tabernacle de l'alliance, arche de la sainteté, trône de la Divinité ; allégez-vous un peu de votre lassitude, et réparez vos forces par cette douce tranquillité.


[1] « Celui qui s'est marié a souci des affaires du monde, des moyens de plaire à sa femme; et le voilà partagé. partagé. De même la femme sans mari, comme la jeune fille, a souci des affaires du Seigneur; elle cherche à être de corps et d'esprit.» (1Corinthiens 7, 33-34)


Saint François de Sales, Traité de l'Amour de Dieu, Livre III, Chapitre VIII, De l'incomparable amour de la Mère de Dieu Notre-Dame.

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