La vie quotidienne de la Sainte Famille

La vie quotidienne de la Sainte Famille, dans la joie et dans les épreuves

Artisan, Joseph, chef de la Famille, menait la vie laborieuse de son état. Et comme bien des pères de famille, il enseignait son métier à son fils, Jésus. "Quant à l'enfant, il croissait et se fortifiait, se remplissant de sagesse. Et la grâce de Dieu était sur lui" (Lc 2, 39-40). Aux yeux de tous dans la bourgade le couple et l'enfant, bien que particulièrement pieux et accueillants, n'en étaient pas moins considérés comme une famille "comme les autres".

Thérèse (de Lisieux) écrit à ce sujet, dans son magnifique poème à Marie (1 ) :

"Je sais qu'à Nazareth, Mère pleine de grâces

Tu vis très pauvrement, ne voulant rien de plus

Point de ravissements, de miracles, d'extases

N'embellissent ta vie, ô Reine des Elus!...

"Le nombre des petits est bien grand sur la terre

Ils peuvent sans trembler vers toi lever les yeux

C'est par la voie commune, incomparable Mère

Qu'il te plaît de marcher pour les guider aux Cieux. "

Marie et Joseph, en effet, avaient fidèlement gardé le silence sur l'origine virginale extraordinaire et divine de Jésus, né de Marie. Les rites des fiançailles et du mariage avaient été respectés. Jésus lui-même, jusqu'au début de sa prédication (il avait alors trente ans), avait aussi gardé le silence sur sa double nature, humaine et divine. La Famille menait donc à Nazareth une vie à la fois ordinaire extérieurement mais profondément emplie de la béatitude des Justes entre les justes, intérieurement. Marie et Joseph ne vivaient-ils pas quotidiennement au chevet de la Sagesse elle-même : le Verbe de Dieu incarné...?

Mais une telle béatitude n'était pas d'abord pour la Famille celle d'un bonheur purement humain et le mot que l'apôtre Paul dira plus tard dans l'une de ses épîtres, était particulièrement le lot de la Famille du Fils de Dieu : "Je surabonde de joie dans les tribulations"... Que l'on se rappelle la naissance même du Fils de Dieu : dans une grotte, en pleine nuit d'hiver, parce qu'il n'y avait plus de place à l'auberge de Bethléem... Quels parents n'auraient pas ressenti une angoisse profonde en de tels moments, même si Thérèse y voit une grandeur ravissante ?!

"Plus tard à Bethléem, ô Joseph et Marie!

Je vous vois repoussés de tous les habitants

Nul ne veut recevoir en son hôtellerie

De pauvres étrangers, la place est pour les grands...

"La place est pour les grands et c'est dans une étable

Que la Reine des Cieux doit enfanter un Dieu.

O ma Mère chérie, que je te trouve aimable

Que je te trouve grande en un si pauvre lieu!... "

Obligés de s'exiler en Egypte, avec l'Enfant nouveau-né

Et combien plus angoissant dut être, sur le plan humain, l'exil en Egypte de la Famille, lorsque quelques semaines après la naissance, l'enfant encore tout nouveau-né, Marie et Joseph durent fuire la jalousie d'Hérode?! Mais Thérèse trouve que l'exil n'est pas si dur :

"O Reine des martyrs, jusqu'au soir de ta vie

(Un) glaive douloureux transpercera ton coeur

Déjà tu dois quitter le sol de ta patrie

Pour éviter d'un roi la jalouse fureur.

"Jésus sommeille en paix sous les plis de ton voile

Joseph vient te prier de partir à l'instant

Et ton obéissance aussitôt se dévoile

Tu pars sans retard et sans raisonnement.

"Sur la terre d'Egypte, il me semble, ô Marie

Que dans la pauvreté ton coeur reste joyeux,

Car Jésus n'est-Il pas la plus belle Patrie,

Que t'importe l'exil, tu possèdes les Cieux?... "

Car en effet, le Tétrarque de Judée, Hérode Antipas, ayant appris des trois mages venus adorer Jésus, en suivant l'Etoile, qu'un Sauveur était né en Israël, donna ordre de rechercher l'Enfant et de le massacrer, craignant pour son propre pouvoir. La fuite en Egypte, après que Joseph en eût reçu l'ordre en songe, protégea l'enfant Jésus du "massacre des innocents" dans lequel Hérode fit périr tous les premiers nés mâles des Hébreux de la province...

Après des débuts si rudes, les douleurs ne furent pas épargnées aux Saints parents pendant l'enfance et l'adolescence pourtant exemplaires de Jésus. Il suffit de rappeler l'épisode dramatique de la perte de l'enfant sur le chemin du retour du temple de Jérusalem, que Thérèse voit plus difficile :

"Mais à Jérusalem, une amère tristesse

Comme un vaste océan vient inonder ton coeur

Jésus, pendant trois jours, se cache à ta tendresse

Alors c'est bien l'exil dans toute sa rigueur!...

"Enfin tu l'apercois et la joie te transporte,

Tu dis au bel Enfant qui charme les docteurs:

"O mon Fils, pourquoi donc agis-tu de la sorte?

Voilà ton père et moi qui te cherchions en pleurs."

Et l'Enfant Dieu répond, oh quel profond mystère !

A la Mère chérie qui tend vers lui ses bras:

"Pouquoi me cherchiez-vous?...Aux oeuvres de mon Père

Il faut que je m'emploie; ne le savez-vous pas?"

L'Evangile m'apprend que croissant en sagesse

A Joseph, à Marie, Jésus reste soumis

Et mon coeur me révèle avec quelle tendresse

Il obéit toujours à ses parents chéris.

Maintenant je comprends le mystère du temple,

Les paroles cachées de mon Aimable Roi.

Mère, ton doux Enfant veut que tu sois l'exemple

De l'âme qui Le cherche en la nuit de la foi.

Puisque le Roi des Cieux a voulu que sa Mère

Soit plongée dans la nuit, dans l'angoisse du coeur;

Marie, c'est donc un bien de souffrir sur la terre?

Oui souffrir en aimant c'est le plus pur bonheur!... "

Quant à la suite de la vie du Christ, depuis le moment de son entrée dans sa vie publique jusque sur le mont du Calvaire, nous la connaissons : quelle Mère eût à souffrir plus que la Vierge Marie au pied de la croix où son Enfant était cloué ? Une telle souffrance ne trouve toute sa lumière que dans la joie pascale de la Résurrection du Fils, le troisième jour ...

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(1 ) Voir le poème "Pourquoi je t'aime ô Marie de Thérèse de l'Enfant Jésus" .