Enfance de Marie : les apocryphes inspirent l'islam

Enfance de Marie : les apocryphes inspirent l'islam

Concernant la naissance et l'enfance de Marie, il est frappant de constater un étroit parallélisme entre le Coran et les récits apocryphes

Qu’entend-on par "Apocryphes" ?

  • Des écrits hérétiques ou utilisés par les hérétiques (c’est la définition de saint Irénée, Tertullien, St Clément d’Alexandrie, St Hyppolite de Rome)

  • Des écrits qui ne sont pas admis à la lecture publique dans les églises, parce qu’ils ne sont pas canoniques (Rufin et saint Jérôme)

  • Des écrits dont l’origine est méconnue et dont on croit faussement l’attribution à tel ou tel auteur (saint Jérôme)

  • Ils unissent des données utiles à des erreurs doctrinales (selon l’avis de saint Augustin).

Le Protévangile de Jacques occupe une place spéciale, il est utilisé en Orient par Grégoire de Nysse, Epiphane de Salamine etc. En Occident, il était connu mais on n’y faisait guère recours : saint Ambroise est typique, il a donné beaucoup de place à la figure de Marie mais il ne parle pas du fait qu’elle ait été confiée aux prêtres du temple etc. Le protévangile de Jacques a inspiré les artistes chrétiens d'Orient et d'Occident, et la liturgie du 21 novembre, - la présentation de Marie au temple en Orient, présentation de Marie (tout court) en Occident.

Nous visualisons ce parallèle avec en rouge en texte du Coran, et, en bleu, celui des apocryphes.

Anne offre son enfant

La Sourate 3, 35 évoque comment Anne fait l’offrande de l’enfant :

« (Rappelle-toi) quand la femme d'Imran dit : ‘Seigneur, je T'ai voué en toute exclusivité ce qui est dans mon ventre. Accepte-le donc, de moi. C'est Toi certes l'Audient et l'Omniscient.’ »

(Coran, sourate 3, 35)

Ce passage du Coran semble s’être inspiré de l’apocryphe suivant :

« Et Anne dit : ‘Par la vie de mon Seigneur, mon Dieu, si j’enfante, soit un fils, soit une fille, je l’amènerai comme offrande au Seigneur, mon Dieu, et il sera à son service tous les jours de sa vie’. »

(Protévangile de Jacques IV,I,

Apocryphes par C.Michel et P. Peeters, Paris 1924, p. 9).

L’élection de Marie

La Sourate 3, 33-34 montre l’élection de la famille de Marie:

« 33. Certes, Allah a élu Adam, Noé, la famille d'Abraham et la famille d'Imran au-dessus de tout le monde. 34. En tant que descendants les uns des autres, et Allah est Audient et Omniscient. »

(Coran, sourate 3, 33-34)

Cette sourate semble s’être inspirée des textes apocryphes suivants :

« Et voici qu’un ange du Seigneur apparut et lui dit : ‘Anne, Anne, le Seigneur a écouté ta prière : ‘tu concevras et tu enfanteras, et on parlera de ta progéniture sur toute la terre.’ »

(Protévangile de Jacques IV, 1,

Apocryphes par C.Michel et P. Peeters, Paris 1924, p. 9)

« Et alors deux messagers vinrent à elle et lui dirent : ‘Voici que Joachim ton époux arrive avec ses troupeaux ; car un ange du Seigneur est descendu vers lui, disant : ‘Joachim, Joachim, le Seigneur Dieu a écouté ta prière, descend d’ici, car voici que ta femme Anne concevra dans ses entrailles.’ [cf. Lc 1,31]»

(Protévangile de Jacques IV,1,

Apocryphes par C.Michel et P. Peeters, Paris 1924, p. 11)

« ‘Ne crains pas, Anne, parce qu’un rejeton issu de toi est dans le dessein de Dieu ; et l’enfant qui naîtra de toi sera un objet d’admiration à tous les siècles jusqu’à la fin.’ »

(Evangile du pseudo-Matthieu II, III,

Apocryphes par C.Michel et P. Peeters, Paris 1924, p. 65)

« Je suis un ange de Dieu ; je suis apparu aujourd’hui à ta femme qui pleurait et qui priait, et je l’ai consolée ; sache qu’elle a conçu de toi une fille. Celle-ci demeurera dans le temple de Dieu, et le saint Esprit reposera en elle ; et son bonheur sera plus grand que celui de toutes les saintes femmes, de sorte que nul ne pourra dire qu’il y eut une telle femme avant elle, mais jamais après elle non plus il n’en viendra de semblable à elle en ce monde. Descends donc des montagnes et retourne auprès de ta femme, et tu la trouveras ayant conçu dans ses entrailles : car Dieu a suscité en elle une progéniture, aussi dois-tu lui en rendre grâce, et cette progéniture sera bénie, et Anne elle-même sera bénie et sera établie mère d’une bénédiction éternelle. »

Evangile du pseudo-Matthieu II, III,

Apocryphes par C.Michel et P. Peeters, Paris 1924, p. 67)

L’enfance de Marie

La Sourate 3, 36 évoque la naissance de Marie :

« 36. Puis, lorsqu'elle en eut accouché, elle dit : "Seigneur, voilà que j'ai accouché d'une fille"; or Allah savait mieux ce dont elle avait accouché! Le garçon n'est pas comme la fille. "Je l'ai nommée Marie, et je la place, ainsi que sa descendance, sous Ta protection contre le Diable, le banni". »

(Coran, Sourate 3, 36)

Ce passage du Coran semble s’être inspiré de l’apocryphe suivant :

« Or les mois d’Anne d’accomplirent : le neuvième, elle enfanta. Et elle dit à la sage-femme : ‘qu’ai-je enfanté’ celle-ci dit : ‘une fille’. Et Anne reprit : ‘Mon âme a été glorifiée en ce jour’ : et elle coucha l’enfant. Les jours étant accomplis, Anne se leva, elle donna le sein à l’enfant, et elle l’appela Marie.»

(Protévangile de Jacques V,2,

Apocryphes par C.Michel et P. Peeters, Paris 1924, p. 13)

La Sourate 37a montre le rôle de Zacharie (et non pas de Joachim comme dans les apocryphes) :

« Son Seigneur l'agréa alors du bon agrément, la fit croître en belle croissance. Et Il en confia la garde à Zacharie. »

(Coran, 37a)

Les apocryphes disent :

« Et Joachim présenta l’enfant aux prêtres, et ceux-ci la bénirent, disant : ‘Dieu de nos pères, bénis cette enfant et donne-lui un nom qui soit répété jusqu’à la fin des siècles à travers toutes les générations.’ Et tout le peuple dit : ‘Ainsi soit-il, Ainsi soit-il, amen’. Et Joachim la présenta aux princes des prêtres, et ceux-ci la bénirent, disant : ‘Dieu des hauteurs du ciel, abaisse tes regards sur cette enfant et donne-lui une bénédiction suprême, une bénédiction sans seconde.’ »

(Protévangile de Jacques VI,2,

Apocryphes par C.Michel et P. Peeters, Paris 1924, p. 15)

Conclusion

Le parallèle entre le Coran et les récits apocryphes est très lisible.

Par contre, il n'y a pas d'allusion dans le Coran au contenu de la formation spirituelle de Marie. L'Evangile de saint Luc note que l'ange salue Marie comme dans les oracles adressés à la fille de Sion : "réjouis-toi..." "voici que tu concevras en ton sein...". La réalité historique de Marie fille de Sion et héritière de la foi de ses pères est bien plus solide que celle des récits apocryphes. Marie a une éducation au plan de la prière et de la liturgie juive ainsi que de l'histoire de son peuple et des renouvellements de l'Alliance, de l'attente d'un roi messianique etc...


F. Breynaert

Extrait de :

F. Breynaert, Marie et l'islam, dans « Miles Immaculatae », Anno XLIV, fasc I, 2008