Marie à l'heure de notre mort, des pères de l'Eglise à nos jours

Marie à l'heure de notre mort, des pères de l'Eglise à nos jours

Nous parlons ici non pas de l'heure de l'agonie, mais de l'heure de l'entrée dans la vie éternelle, dans l'au-delà de la mort.

Pères de l'Eglise.

A l'heure de la mort, le défunt rencontre non seulement le Christ (Jn 5, 25) mais aussi les saints et la Vierge Marie, ce qui correspond pour l'individu à l'enseignement de saint Paul pour le monde, car saint Paul prie pour que les croyants soient irréprochables « lors de l'Avènement de notre Seigneur Jésus avec tous ses saints. » (1Thess 3, 13).

Saint Jérôme, en l'an 384, écrit :

« Quel beau jour ce sera, quand Marie, la mère du Seigneur, s'avancera vers toi escortée des chœurs virginaux... »[1]

Après saint Jérôme, saint Augustin recommandera de ne pas tant parler de la rencontre avec le Christ et les saints à l'heure de la mort[2]...

Il s'en suivra un certain vide dans l'enseignement sur l'Au-delà...

Moyen Age.

Plusieurs auteurs du Moyen Age feront de Marie à l'heure de la mort une souveraine, qui, en l'absence du Père, arrache les âmes au jugement, sans aucune référence morale (par exemple au décalogue), mais simplement à cause de l'attachement (sentimental) du dévot de Marie.

Par exemple, les anges défendent un homme qui mérite l'enfer, mais qui est mort au service de Marie[3]. Gautier de Coinci développe aussi ce thème et l'on pourrait multiplier les exemples[4].

Une telle représentation pourrait refléter certains fonctionnement de la société médiévale : songeons par exemple à la reine d'Angleterre sauvant les bourgeois de Calais que le roi avait condamné.

En tout cas, cette représentation finit par trahir la théologie, et montre combien, en une période où le pouvoir était parfois très brutal, il était difficile de représenter un Dieu Père, conforme à l'Evangile de la miséricorde de Dieu le Père (Luc 15, etc..).

Et il était ensuite plus difficile de transmettre les enseignements du Nouveau Testament sur le rapport de la loi et de la grâce (Lettre aux saint Paul aux Galates), sur les œuvres de la foi (Lettre de saint Jacques) et sur le jugement dernier (Evangile de Matthieu chapitre 25).

Epoque récente.

Au seuil du XVIII° siècle, saint Louis Marie de Montfort rappellera, dans le Traité de la vraie dévotion, que la vraie dévotion ne consiste pas en des sentiments, mais à vivre « avec » Marie et à se laisser former par elle. Une telle dévotion prépare la vie éternelle, car elle la commence dès ici bas.

Sur ces bases, saint Louis-Marie de Montfort et plus encore Faustine[5] ont réintroduit d'une manière christocentrique le thème de la miséricorde de Marie : l'intercession de la mère de Jésus joue un grand rôle pour le salut éternel y compris pour les plus grands pécheurs.

Enfin, le récent catéchisme de l'Eglise catholique (CEC 634-635) a rappelé que les défunts vivent un véritable temps de rencontre avec le Christ : aux défunts est annoncée la Bonne nouvelle (1P 4, 6 ; Jn 5, 25).



[1] Saint Jérôme, Lettre 22, (lettre à Eustochium), §41 (éd. J. Labourt, t. I, Paris 1949). Voir le commentaire dans Dom A. de Vogüe, Marie chez les vierges du sixième siècle : Césaire d'Arles et Grégoire le grand, Benedictina (1986), pp. 79-91.

[2] Saint Augustin, Lettre 164 à Evodius, n° 13, in Œuvres complètes de Saint Augustin, t. v, Paris, 1870, p.442.

[3] Pierre Damien, De bono suffragiorum § 2. Cet écrit date de 1065-1066.

[4] Guy Philippart, Le récit miraculaire marial dans l'Occident médiéval, dans Marie, le culte de la Vierge dans la société médiévale, Beauchêne, Paris 1996, p. 576-577

[5] Faustine, Journal, édition Hovine 1985, p. 542.

Synthèse F. Breynaert