Saint Paul et l'influence de saint Joseph

Saint Paul et saint Joseph

Saint Joseph et Joseph le patriarche…

Dans la Bible, le passé est une annonce des temps nouveaux. Ainsi, Adam annonce le Christ nouvel Adam et Eve annonce Marie la nouvel Eve. David annonce le messie, fils de David. Et Joseph, le fils du patriarche Jacob, annonce Joseph, époux de Marie, fils lui aussi d’un Jacob. Dans la Bible, les noms ont une signification : ainsi Jésus, Joshua, signifie « Dieu sauve », tandis que Jacob signifie « celui qui supplante », quant à Joseph, c’est un nom qui signifie « gain, croissance, augmentation ».

Jacob le patriarche avait 12 fils… Et Joseph était l’un des frères, le frère jalousé, le frère vendu, le frère qui se retrouve emprisonné en Egypte mais qui manifeste tant de sagesse qu’il devient l’intendant général, et qu’en un temps de famine, c’est à lui que s’adressent ses frères affamés. Alors qu’il est en mesure de le faire, Joseph va-t-il leur rendre les mauvais traitements qu’ils lui ont fait subir ? Non. Joseph a simplement cette réponse extra-ordinaire : « Vais-je me substituer à Dieu ? » (Gn 50, 19). Et par là, il a fait grandir tout le clan.

Joseph époux de Marie, s’est lui aussi trouvé dans une situation extrêmement difficile. Quelles ne furent pas ses questions, ses doutes, son désarroi lorsqu’il s’est trouvé devant la grossesse inexpliquée de Marie ? Et Joseph, avant que l’ange ne lui parle, a décidé de se retirer et de répudier Marie en secret. Puis, l’ange ayant parlé, il lui obéit. Comme le patriarche, son attitude profonde est d’être à sa juste place, son humble place de créature : « Vais-je me substituer à Dieu ? »

Et saint Paul ?

Etant donné le programme de ses voyages, il est difficile d’affirmer que saint Paul avait rencontré Marie. Cependant, il aura probablement entendu parlé d’elle, et donc aussi de saint Joseph. C’est l’opinion de saint Athanase. Et c’est ainsi que saint Paul aura pu recevoir une influence de ce grand saint Joseph, et sur plusieurs points, donnons-en trois :

- L’attitude devant Dieu et la relation aux frères, ou faux frères (comme Joseph le patriarche déjà).

- La virginité (saint Paul l’a vécu personnellement et la recommande).

- Le travail (que saint Paul a pratiqué et recommandé).

L’attitude de Paul devant Dieu et la relation aux frères, ou faux frères

Paul, comme Joseph le patriarche, a quelques déboires avec certains frères, qu’il appelle « faux frères » (2 Co 11, 26).

Il en souffre, il est chassé, mis en procès lapidé, flagellé, mais ne venge pas lui-même par des intrigues.

Il avance, et Dieu lui donne de former des communautés, Dieu lui donne des Eglises.

Et l’Eglise reçoit avec saint Paul une « croissance », une forte « augmentation », en hébreu : « Joseph ».

C’est aussi là que Paul rejoint aussi saint Joseph l’époux de Marie, puisque l’Eglise et Marie sont intimement liées jusqu’à être l’image l’une de l’autre, comme le dira la tradition patristique.

Saint Paul, spirituellement intime de Nazareth

« Après trois ans, je montai à Jérusalem rendre visite à Céphas et demeurai auprès de lui quinze jours : je n'ai pas vu d'autre apôtre, mais seulement Jacques, le frère du Seigneur. »

(Galates 1, 18-19)

Trois ans après sa conversion sur le chemin de Damas, saint Paul a rencontré Jacques, le frère du Seigneur. (Galates 1, 19)

Ce dernier vient de Nazareth, il a pu lui parler de la vie du Seigneur à Nazareth, cette vie cachée avec Marie et Joseph.

Cette découverte de la vie de Nazareth a pu l'aider à découvrir la valeur de la virginité.

Cette découverte de la vie du Christ à Nazareth l'a sans doute conforter dans l'une des valeurs déjà traditionnelle chez beaucoup de rabbins : le travail manuel.

La virginité

Nous pouvons aussi partager l’observation de saint Athanase : « Paul a probablement connu la vie de Marie, s’il est vrai qu’il a pris en elle son modèle pour étendre la doctrine de la virginité. Voyez ce qu’il écrivit aux Corinthiens : "En ce qui concerne les vierges, je n’ai pas de commandement du Seigneur, mais je donne un conseil comme quelqu’un qui a obtenu miséricorde du Seigneur et qui mérite confiance." (1 Cor 7,25). » [1]

Le travail

Paul a donc probablement entendu parlé de cette vie de la famille à Nazareth. Et c’est sans doute aussi là qu’il faut rechercher l’explication de son estime du travail manuel, une attitude étonnamment positive dans une société qui s’urbanise et délègue le travail aux esclaves.

« Ayez à cœur… de travailler » (1 Th 4,11-12) fait partie de son enseignement au même titre que l’exhortation à la foi ou à la charité fraternelle.

Saint Paul lui-même travaille manuellement lorsqu’il est à Corinthe, avec un couple de tisserands, Aquilas et Priscille (Ac 18,3). Il travaille aussi à Ephèse lorsqu’il écrit aux Corinthiens : « nous peinons en travaillant de nos mains. » (1 Co 4, 11-12).

L’une des raisons de cette activité est liée à l’histoire même de l’apôtre, et à son désir d’offrir gratuitement l’annonce de l’Evangile, car Paul perçoit cette annonce comme un devoir prégnant, et la réponse à une grâce tout aussi gratuite, aussi travaille-t-il « jour et nuit pour n’être à charge d’aucun d’entre vous. » (1 Th 2, 9 // 2 Th 3, 7-8).

Mais il y a aussi une autre raison, sans doute plus fondamentale si on en juge par la lettre où elle s’exprime, la plus ancienne des lettres de Paul : « Ayez à cœur de vivre dans le calme, de vous occuper de vos propres affaires et de travailler de vos mains, comme nous vous l’avons ordonné, pour que votre conduite soit honorable au regard des gens du dehors et que vous n’ayez besoin de personne. » (1 Th 4,11-12). Saint Paul porte un regard positif sur le travail en tant que tel et il enseigne à estimer le travail, sans doute par imitation du Christ et de Joseph, à Nazareth.


[1] Saint Athanase d’Alexandrie, Sur la virginité, CSCO 151, 58-62


Françoise Breynaert