Contexte historique de l'Apocalypse

La critique sociale dans le livre de l’Apocalypse

Le livre de l'Apocalypse s'appuie sur un certain contexte historique qu'il dépasse pour atteindre une signification jusqu'à la fin des temps.

Le contexte historique.

Bien que l'Empire romain soit un système de tyrannie et d'exploitation, avec ses trafiquants d'or, de soie, mais aussi d'esclave et de marchandise humaine (Ap 18, 12-15), Jean savait parfaitement que la plupart des sujets ne lui opposaient pas de résistance, car en échange Rome, offrait la sécurité à ses sujets (la pax Romana). Il y avait les « rois de la terre » que Rome cooptait pour participer à son gouvernement, et les « marchands de la terre » qui profitaient de la prospérité économique de Rome[1]. L'Eglise de Pergame avec les Nicolaïtes (Ap 2, 14) et celle de Thyatire avec Jézabel (Ap 2, 20) se laissent corrompre par leurs compromissions.

Jean, par le jeu des images, démasque le système.

L'Apocalypse décrit l'idéologie romaine comme le vin avec la prostituée enivre les nations, offert dans une coupe dont l'extérieur est en or mais qui contient des abominations (Ap 17, 2. 4).

La tête blessée de la bête (Ap 13, 3-4) est l'empereur Néron qui se suicida avec une épée (Ap 13, 14). Cette blessure était aussi une blessure pour la Bête elle-même (le pouvoir impérial), et, après la mort de Néron, l'empire aurait pu se désagréger, vers la fin de son règne, il y eut de sérieuses révoltes et sa mort fut suivie par le chaos de l'année des quatre empereurs (Gaba, Othon, Vitellius, Vespasien), mais le pouvoir se rétablit par la dynastie flavienne. L'Empire émergea apparemment invincible « qui est comme la Bête ? »

Dans les villes de la province d'Asie, le culte impérial provenait de l'initiative de ces villes elles-mêmes. L'image que « nul ne pourra rien acheter ni vendre s'il n'est marqué au nom de la Bête (Ap 13, 17) va sans doute au-delà de la pratique réelle de l'époque, mais c'est afin de mettre en lumière la direction totalitaire vers laquelle se dirige la logique de l'absolutisation du pouvoir.

Cette critique fait de l'Apocalypse la pièce la plus puissante de la littérature de résistance politique de la période du début de l'empire.

Ce n'est pas simplement parce que Rome persécute les chrétiens que les chrétiens doivent s'opposer à Rome ; c'est plutôt parce que les chrétiens doivent se dissocier du mal que représente le système romain qu'ils souffriront probablement une persécution. [2]

Le martyre, témoignage à la vérité.

Il y eut des martyrs (Ap 2, 13 ; 6, 9-10 ; 16, 6 ; 17, 6). Les sept messages aux Eglises montrent que la persécution était seulement sporadique et locale. Ce martyre chrétien suffit à faire apparaître le problème, et démasque la tromperie de « Babylone ».

Ce rôle de l'Eglise est symbolisé par les deux témoins qui annoncent la pénitence et la conversion pendant 1260 jours : après leur martyre et un ultime avertissement dont la portée est salvifique (les 9/10° sont survivants), « les survivants, saisis d'effroi, rendirent gloire au Dieu du ciel. » (Ap 11, 13). [3]

Pendant les 1260 jours du témoignage, la Femme est nourrie au désert (Ap 12, 6), c'est-à-dire que l'Eglise (et/ou Marie) est spirituellement protégée par Dieu, sa vie divine, sa foi, son espérance et sa charité sont nourries par Dieu.

L'alternative à Rome.

Les êtres humains désirent une communauté humaine et culturelle.

La vision critique de l'empire romain s'accompagne d'une vision alternative, celle de la Nouvelle Jérusalem, qui descend du ciel, toute , elle est l'épouse de l'Agneau, sa gloire vient de Dieu.

Y entreront non seulement les vainqueurs des sept Eglises (Ap 21, 7) mais aussi toutes les nations converties par le témoignage des chrétiens (Ap 21, 24-25). C'est une vision future, mais elle est capable d'attirer et de donner déjà une identité. [4]


[1] Cf. Richard Bauckham, La théologie de l'Apocalypse, Cerf, Paris 2006, p.49-50

[2] Cf. Richard Bauckham, La théologie de l'Apocalypse, Cerf, Paris 2006, p.50-52

[3] Cf. Richard Bauckham, La théologie de l'Apocalypse, Cerf, Paris 2006, p.104

[4] Cf. Richard Bauckham, La théologie de l'Apocalypse, Cerf, Paris 2006, p. 154


Synthèse Françoise Breynaert