Bse Maria Gabriella de l'Unité (1914-1939)

Maria Gabriella Sagheddu a été béatifiée par le Pape Jean-Paul II en 1983 pour avoir donné sa vie pour l'unité des chrétiens.

Une piété mariale personnelle et communautaire

Si les pages usées du chapitre XVII de l'Evangile selon Saint Jean (la prière sacerdotale) du Nouveau Testament que possédait la bienheureuse Maria Gabriella, sont le témoignage d'une méditation toute particulière de ce cri du Fils vers le Père : "Qu'ils soient Un…", son chapelet qui ne la quittait jamais (il est exposé dans le petit musée qui jouxte la chapelle de l'Unité où elle repose au couvent de Vitorchiano en Italie) témoigne, lui, d'une constante fidélité à la prière du rosaire, vécue comme une indispensable respiration. Ces deux "reliques", son Nouveau Testament et son rosaire, reflètent parfaitement les deux axes principaux qui animèrent sa vie spirituelle dès lors que germa en elle l'appel à la vocation religieuse comme en témoignera Dom Meloni, son guide spirituel : "Quand elle prit la décision de se consacrer à Dieu, ce fut d'une piété sincère, ferme, orientée vers l'Eucharistie et la Madone" (Summ. P. 156, §470).

Durant son enfance et son adolescence, même si sa mère, Catherine Sagheddu, priait avec ferveur et fidélité le rosaire, le culte marial étant particulièrement développé dans toute la Sardaigne, la jeune Maria Sagheddu semblait préférer, elle, la lecture profane, à la récitation du rosaire. Pourtant dès sa naissance, la main de Marie et la figure du Christ semblent reposer sur cette enfant. En effet, baptisée sous le nom de Marie, sa famille décida de la fêter le 2 février, fête de la purification de Marie et de la présentation de Jésus au Temple. La vierge Marie est comme le chemin qui la conduit inlassablement au Christ Eucharistique. Maria Sagheddu entre au couvent des sœurs trappistines de la Grottaferrata, près de Rome, pour devenir l'épouse du Christ, la veille de la fête de Notre Dame du Rosaire, le samedi 5 octobre 1935. La formation spirituelle qu'elle va recevoir, propre à la tradition cistercienne, va confirmer et consolider une piété mariale toujours liée à la Seigneurie du Christ.

Fortement marquée par la spiritualité de st Bernard de Clairvaux

En effet, saint Bernard de Clairvaux (1090 – 1153) qui marqua profondément de sa forte personnalité toute la spiritualité cistercienne, aimait à promouvoir une piété mariale profondément biblique qui relie Marie à toute l'histoire du Salut. Marie Mère de Dieu, Marie Reine, Marie avocate, ne sont pas des privilèges personnels, mais les conditions d'un agir nécessaire au salut de tous, subordonnés à Celui de qui vient le salut. Jésus sauve, sa mère intercède. Le "Salve Regina", chanté tous les soirs à la fin des complies dans les monastères cisterciens, met en relief ce rôle de Marie Mère et Reine qui intercède et protège. C'est pour cela que chaque couvent cistercien est placé sous la protection de Marie en portant le patronyme de Notre Dame. 

Maria Sagheddu a donc pu imprégner sa piété personnelle, d'une mariologie profondément christologique et biblique, exprimée, chantée, dans la digne tradition patristique et de la liturgie, chaque office comportant une antienne à Marie. Dans ce cadre liturgique, sa fidélité à la récitation du rosaire (les témoignages seront nombreux à rapporter qu'elle ne se séparait jamais de son chapelet) s'insère comme une marque de confiance en l'efficace de l'intercession de Marie auprès de son Fils ; s'abandonner à la bonté du Père, en Christ par Marie.

Elle se veut servante et rien que servante : "je suis la servante du Seigneur", en vue de l'unité des chrétiens

Un aspect de la piété mariale va résonner particulièrement en elle. Maria la postulante, si elle est dotée d'une forte personnalité, avec ses emportements et une certaine impatience, a néanmoins parfaitement conscience de sa pauvreté. Pour elle, la petite Sarde, devenir moniale d'un grand ordre, devenir épouse de Celui qu'elle adore dans l'Eucharistie, lui semble un honneur dont elle est absolument indigne. 

Elle se veut servante et rien que servante, dans une perpétuelle action de grâce. Alors recevoir le nom de Maria Gabriella, lors de sa prise d'habit, est pour elle une grande joie et comme un appel à s'attacher à ce "oui" de Marie à l'ange Gabriel. Elle confiera à sa mère abbesse, mère Pia : " J'ai toujours eu une grande dévotion pour l'"ecce ancilla domini", je suis la servante du Seigneur. Ce "oui" de l'humble servante rejoignait, dans le secret de son cœur, son "oui" total à la prière sacerdotale du Christ (Jn 17) : "Qu'ils soient Un !".

Durant toute la maladie qui suivra son offrande pour l'Unité des chrétiens (fin janvier 1938), jusqu'à sa mort (23 avril 1939), elle ne cessera de se recommander à Marie. Sentant sa fin proche, elle demande à recevoir le sacrement des malades si possible le Vendredi Saint, qui fait mémoire également de la Vierge des douleurs, afin de recevoir ce sacrement comme s'il lui était administré par Notre Dame (Summ. P.82 §239). Recevoir de la Mère des douleurs, l'onction du Fils, dans l'action de grâce du psaume 102 qui clôt la cérémonie : " Bénis le Seigneur ô mon âme !", c'est encore pour Maria Gabriella demeurer dans la joie de l'humble servante, à l'exemple de La servante de Nazareth.


 

Ouvrages et articles consultés :

- Summarium de son procès en béatification, Roma 1976. Dionigi Spanu sj.

- La présence de Marie dans le chemin de perfection de la Bh Maria Gabriella Sagheddu OCSO.

- Article in Ascetica e Mistica 2002 p. 103 à 128. Dom Jean Leclercq, Bernard de Clairveaux, Bibliothèque de l'Histoire du Christianisme no 19 Ed Desclée, Paris, 1989.

- Dom Jean Leclercq. St Bernard et l'esprit cistercien, Ed. du Seuil. Collection Maîtres spirituels, Paris 1966.

- Bernard Martelet. La petite sœur de l'unité, Maria Gabriella 1914-1939, Ed. Médiaspaul, Pris 1984

 


Patrick Balland