L’évangile de Thomas (apocryphe)

L’évangile de Thomas (apocryphe)

L'évangile de Thomas a été découvert en 1945 dans le site égyptien de Nag Hammadi. Il s'agit d'un recueil de 114 paroles attribuées à Jésus, mais présentant un portrait très dissonant de Jésus.

Un écrit ésotérique :

La phrase d'introduction donne immédiatement le ton ésotérique :

« Voici les paroles secrètes que Jésus le vivant a dites et qu'a écrites Didyme Judas Thomas». (Introduction de l'Evangile de Thomas)

Dans son ensemble, l'évangile de Thomas n'a pas d'organisation thématique aisément discernable. En cela, il ne ressemble pas aux livres sapientiaux bibliques, ni à la source Quelle commune à Matthieu et Luc. Cette désorientation est voulue, comme le dit le logion 2 : « Jésus a dit : celui qui cherche qu'il ne cesse de chercher jusqu'à ce qu'il trouve ; et quand il aura trouvé il sera troublé et quand il sera troublé il sera émerveillé et il règnera sur le tout. »

Le texte réoriente la pensée à travers une profonde désorientation.

Le Nouveau Testament parle bien d'un secret, mais ce n'est pas pareil : l'évangile de Thomas utilise le mot « logoi apocryphoi », tandis que le Nouveau Testament utilise le mot « mysterion », par exemple saint Paul 1Co 2, 1 parle du mystère de Dieu, un mystère qu'il annonce à tous les hommes, mais seuls les chrétiens, ceux qui vivent dans la foi, entrent dans le mystère et le connaissent. Au contraire, le secret de l'évangile de Thomas est ésotérique, il divise les chrétiens.

Rapport à l'Ancien Testament.

L'évangile de Thomas semble ne pas considérer l'Ancien Testament comme Ecriture. Par exemple, au logion 52, il est raconté que les disciples veulent évoquer combien les prophètes ont parlé du Jésus, mais Jésus accuse les disciples d'abandonner le Vivant et de parler des morts.

Rapport au Nouveau Testament.

L'évangile de Thomas « révise » les évangiles des autres chrétiens. le logion 8 rappelle la parabole du filet (Mt 13. 47-50) et le logion 9 rappelle la parabole du semeur (Mt 13. 1-9 - Mc 4. 1-9 - Lc 8. 4-8).

Mais le logion 3, contrairement aux autres chrétiens, il définit le royaume de Dieu comme une réalité purement présente et subjective : il n'y a aucune eschatologie future.

Autrement dit, il semble que l'évangile de Thomas « révise » le Nouveau Testament pour tracer un portrait de Jésus à sa façon, évanescent.

Le Jésus de l'évangile de Thomas : un simple présentateur.

Au logion 24, les disciples demandent où est Jésus, et Jésus les renvoie de nouveau à eux-même :

« 24. Ses disciples dirent : montre-nous le lieu où tu es car il est nécessaire que nous le cherchions. Jésus leur dit: celui qui a des oreilles qu'il entende il y a de la lumière à l'intérieur d'un être lumineux et il illumine le monde entier s'il n'illumine pas c'est l'obscurité. » (Logion 24)

De même, au logion 43, les disciples demandent à Jésus qui il est, et Jésus les renvoie à eux-mêmes.

Pour l'évangile de Thomas, Jésus est divin : « Jésus a dit : c'est moi le tout. Le tout est issu de moi. Et c'est à moi que le tout est parvenu » (logion 77). Mais la vie personnelle de Jésus n'a aucune importance.

Mais la spiritualité de l'évangile de Thomas ne comporte aucun amour envers Jésus, aucune adoration, aucune prière, aucun pardon, aucune rédemption.

C'est une spiritualité axée sur la découverte de soi, les individus doivent percevoir leur propre origine transcendante.

«49. Jésus a dit: heureux les solitaires et les élus, parce que vous découvrirez le royaume. En effet, vous êtes issu de lui et vous y retournerez. » (Logion 49)

Jésus n'est qu'un présentateur d'énoncés cryptés.

Il déclenche une soi-disant connaissance de soi. Parvenus à cette découverte de soi, les élus doivent comprendre Jésus simplement comme un semblable, pareillement enfant du Père vivant.

Les élus sont présentés comme radicalement divins par eux-mêmes :

« 50. Jésus a dit : "s'ils vous disent : D'où estes vous issus ? Répondez-leur : nous sommes venus de la lumière, du lieu où la lumière est issue d'elle-même ; elle s'est dressée et elle s'est manifestée dans l'image des hommes. S'ils vous disent : Est-ce vous ? répondez : 'Nous sommes ses fils et les élus du Père vivant'. » (Logion 50)

Sur l'importance de l'incarnation :

Contrairement à l'évangile de Thomas, les évangiles ont la forme d'une vie de Jésus : Jésus est aimé et adoré, son incarnation est importante, sa passion est rédemptrice.

La mère de Jésus, la femme par qui a reçu une humanité réelle, la Vierge Marie, est mentionnée et elle est honorée, elle joue un rôle historique et spirituel (Mt 1-2 ; Lc 1-2 ; Jn 2 ; Jn 19 ; Ac 2).

Dans l'évangile de Thomas, Jésus étant présenté de manière divine mais évanescente, il était prévisible que ne soit nullement soulignée la grandeur de la mère par qui il s'est incarné.

Le logion 17 de l'évangile de Thomas ressemble à ce déclare saint Paul :

« Nous annonçons ce que l'œil n'a pas vu, ce que l'oreille n'a pas entendu, ce qui n'est pas monté au cœur de l'homme, tout ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment. » (1Corinthiens 2, 9).

Saint Paul rappelait la prophétie d'Isaïe 6, 10 pour mieux souligner la nouveauté de Jésus, et l'amour de Dieu qui, enfin, guérit l'humanité de l'endurcissement qui l'aveuglait.

Mais dans l'évangile de Thomas, quand Jésus dit : « Je vous donnerai ce que l'œil n'a pas vu, ce que l'oreille n'a pas entendu, ce qui n'est pas monté au cœur de l'homme » (logion 17), l'auteur veut conduire vers une spiritualité subjective et la perte de la signification personnelle et physique de Jésus : la perspective est changée.

L'auteur de la première lettre de saint Jean réagit très probablement contre ce genre de spiritualités évanescentes quand il écrit :

« Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, ce que nos mains ont touché du Verbe de vie. » (1Jean 1, 1)

Sur les femmes disciples et sur Marie :

Les évangiles canoniques valorisent les femmes disciples (elles suivent Jésus, elles assistent Jésus de leurs biens, elles sont présentes au calvaire).

L'évangile de Thomas est très dissonant avec le Nouveau Testament :

« Simon Pierre leur dit : 'Que Marie nous quitte, car les femmes ne sont pas dignes de la Vie.' Et Jésus dit : 'Voici que moi je l'attirerai pour la rendre mâle... car toute femme qui se fera mâle entrera dans le Royaume des cieux.' » (Logion 114).


Sources :

Larry W. Hurtado, Le Seigneur Jésus Christ, La dévotion envers Jésus aux premiers temps du christianisme. Cerf, Paris 2009, p. 465-497

A. Guillaumont, H.-C. Puech et al. L'Evangile selon Thomas (Paris, 1959).


Synthèse Françoise Breynaert