Vision de Maria Valtorta : Joachim et Anne

Vision de Maria Valtorta : Joachim et Anne

Maria VALTORTA (1897-1961) a donné à l'Eglise des cahiers publiés sous le titre "L’Évangile tel qu'il m'a été révélé" (initialement Poème de l'Homme-Dieu). La publication en est autorisée à condition de préciser que c'est une œuvre littéraire de Maria Valtorta, et non un nouvel Évangile. (1)

Je vois un intérieur. Assise devant un métier, une femme d'un certain âge. A la voir, avec ses cheveux qui autrefois étaient noirs, maintenant grisonnants, avec son visage sans rides mais déjà plein de cet air sérieux qui vient avec l'âge, je dirais qu'elle peut avoir de cinquante à cinquante cinq ans, pas plus. Je la vois qui tisse. La pièce est toute illuminée par la lumière qui pénètre par la porte, ouverte sur un vaste jardin-potager, une petite propriété, dirais-je. Cette femme est belle, avec ses traits spécifiquement hébreux. L'œil est noir et profond. Mais ce regard noble comme celui d'une reine est rempli de douceur. Il est doux avec un léger voile de tristesse, comme si elle pensait à des choses perdues. Il me semble qu'elle tisse un rideau ou un tapis.

Entendant frapper à la porte, elle se lève. Elle est assez grande. Elle ouvre.

Une femme lui demande: "Anne, veux-tu me donner ton amphore? Je la remplirai."

La femme emmène avec elle un petit gamin de cinq ans. Il s'attache tout de suite à la robe de celle qu'on vient de nommer Anne.

Anne le caresse, tout en allant dans une autre pièce d'où elle rapporte une belle amphore de cuivre. Elle la présente à la visiteuse en lui disant: "Toujours bonne, toi, avec la vieille Anne. Que Dieu te récompense en ce petit et dans les enfants que tu as et que tu auras, toi bienheureuse!"

Anne pousse un soupir. La femme la regarde, ne sachant que dire après ce soupir. Pour adoucir la peine qu'elle devine, elle dit: "Je te laisse Alphée si cela ne t'ennuie pas; ainsi je vais faire plus vite à te remplir plusieurs brocs et jarres."

Alphée est bien content de rester, et on s'explique pourquoi. La mère partie, Anne lui passe le bras autour du cou et le porte au jardin. Elle le lève à la hauteur d'une tonnelle de raisins d'un blond de topaze et lui dit: "mange, mange, c'est bon" et elle couvre de baisers le petit visage tout barbouillé de jus de raisins que l'enfant égrène avidement. Elle rit plaisante et, en s'inclinant sur ses genoux, elle dit: "Que me donneras-tu si je te donne... si je te donne... devine quoi?" L'enfant, battant des mains, tout rieur: "Des baisers, des baisers je t'en donnerai, Anne belle, Anne bonne, Anne maman!..." Et puis ils vont à une étagère et d'un plat sortent des galettes de miel.

"Je les ai faites pour toi, beauté de la pauvre Anne, pour toi, qui m'aimes bien ! Mais, dis-moi, combien m'aimes-tu?"

Et l'enfant, pensant à la chose qui l'a le plus impressionné, répond: "Comme le Temple du Seigneur."

Anne baise encore ses yeux pétillants de vie, et l'enfant se frotte contre elle comme un petit chat.

Sa mère va et vient avec le broc plein. Elle rit sans rien dire. Elle les laisse à leurs épanchements.

Un homme âgé arrive du jardin. Il est un peu moins grand que Anne, la tête couverte d'une chevelure toute blançhe. Son clair visage s'encadre dans un carré de barbe. Anne ne le voit pas, car elle tourne le dos à l'entrée. Il lui prend les épaules en disant: "Et, pour moi, rien?" Anne se retourne et dit: "hà Joachim, tu as fini ton travail?" En même temps le petit Alphée lui dit: "A toi aussi, à toi aussi" et.. quand le vieillard s'incline et le baise, l'enfant lui passe les bras autour du cou, lui caresse la barbe de ses petites mains et l'embrasse. Joachim aussi a son cadeau.

Il va prendre, de sa main gauche, derrière son dos une pomme, brillante , et dit à l'enfant qui lui tend avidement les mains: "Attends que j'en fasse des bouchées. Tu ne peux la manger comme ça. Elle est plus grosse que toi" et avec un couteau qu'il porte à la ceinture; un couteau de jardinier, il en fait des tranches et des bouchées." Mais regarde quels yeux, Joachim! Ne dirait-on pas deux petits fragments de la Mer de Galilée ?"

Anne parle en tenant la main appuyée sur l'épaule de son mari et en s'appuyant légèrement sur lui: un geste qui révèle un profond amour d'épouse, un amour intact après de nombreuses années de mariage. Et Joachim la regarde avec amour et marque son assentiment en disant: "Très beaux ! Et ces cheveux frisés ? N'ont-ils pas la couleur des blés mûrs ? Regarde à l'intérieur ce mélange d'or et de cuivre." " Ah! si nous avions eu un enfant, c'est comme cela que je l'aurais voulu, avec ces yeux et cette chevelure..."

Anne s'est inclinée, agenouillée même, et elle baise avec un soupir ces yeux gris azurés.

Joachim soupire lui aussi, mais il veut la consoler. Il met sa main sur la chevelure crépue et blanchie d'Anne, et lui dit: "Il faut encore espérer. Dieu peut tout. Tant qu'on est vivant, le miracle peut survenir surtout quand on L'aime et l'on s'aime."

Joachim appuie fortement sur ces derniers mots.

Mais Anne se tait, humiliée, et baisse la tête pour dissimuler deux larmes qui coulent et que voit, seul, le petit Alphée. Il est douloureusement surpris de voir pleurer sa grande amie, comme il lui arrive parfois à lui. Il lève sa petite main et essuie ces larmes. "Ne pleure pas, Anne ! Nous sommes heureux tout de même. Moi, du moins, parce que je t'ai, toi !"

"Et moi aussi, je suis heureuse par toi. Mais je ne t'ai pas donné un enfant... Je pense avoir déplu au Seigneur, puisqu'Il a rendu mon sein infécond."

"O mon épouse ! En quoi veux-tu Lui avoir déplu, toi, toute ? Allons encore une fois au Temple. Pour cela. Pas seulement pour la fête des Tabernacles. Faisons une longue prière... Peut-être t'arrivera-t-il la même chose qu'à Sara... à Anne d'Elqana. Elles ont longtemps attendu et se croyaient réprouvées à cause de leur stérilité. Au contraire dans le Ciel de Dieu se préparait pour elles un fils saint. Souris, mon épouse. Ton chagrin m'est plus douloureux que de n'avoir pas de postérité... Nous porterons Alphée avec nous. Nous le ferons prier, lui qui est innocent... et Dieu prendra sa prière et la nôtre, et nous exaucera."

"Oui, faisons un vœu au Seigneur; il sera à Lui, notre enfant. Pourvu qu'Il nous le donne... Oh ! m'entendre appeler "maman!" "

Et Alphée, spectateur étonné et innocent: "Moi, je t'appelle ainsi."

" Oui, ma joie, mon chéri... mais tu as une maman, toi, et moi, je n'ai pas d'enfant..."

La vision cesse.


(1) « Valtorta », dans : René LAURENTIN et Patrick SBALCHIERO, Dictionnaire encyclopédique des apparitions de la Vierge. Inventaire des origines à nos jours. Méthodologie, prosopopée, approche interdisciplinaire, Fayard, Paris 2007.

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