Se tenir près de la croix de Jésus (R. Cantalamessa)

Se tenir près de la croix de Jésus

R. Cantalamessa commente l'évangile (Jn 19, 25) et souligne deux attitudes : celle qui consiste à croire en Jésus crucifié, et celle qui consiste à participer à sa souffrance et à s'ouvrir, à travers la souffrance, au salut.

"Or près de la croix de Jésus se tenaient sa mère et la soeur de sa mère, Marie, femme de Clopas, et Marie de Magdala".

(Jean 19, 25)

Se tenir près de la croix « de Jésus »

Ces mots nous disent que la première chose à faire, la plus importante de toutes, n'est pas de se tenir près de la croix en général, mais de se tenir près de la croix « de Jésus ».

Qu'il ne suffit pas de se tenir près de la croix, dans la souffrance, ni même de s'y tenir en silence. Non ! Cela seul peut sembler héro?que, et pourtant ce n'est pas le plus important. Ce peut même n'être rien.

Ce qui est décisif c'est de se tenir près de la croix « de Jésus. »

Ce qui compte n'est pas notre croix mais celle du Christ.

Ce n'est pas le fait de souffrir, mais celui de croire et par là de faire sienne la souffrance du Christ. Ce qui est premier c'est la foi.

La force de l'Église vient de ce qu'elle prêche la croix de Jésus, un thème qui aux yeux du monde est le symbole même de la folie et de la faiblesse.

Par là elle renonce à toute possibilité ou volonté d'affronter le monde incrédule et insouciant avec ses propres moyens qui sont la sagesse des paroles, la force des raisonnements, l'ironie, le ridicule, le sarcasme et tout «ce qui est fort dans le monde» (cf. 1 Co 1, 27).

Il faut renoncer à une supériorité humaine, pour que puisse se manifester et agir la force divine contenue dans la croix du Christ. L'insistance sur ce premier point est absolument nécessaire.

« Se tenir près de la croix. »

Quel signe, quelle preuve aurons-nous que l'on croit réellement en la croix du Christ, quel signe, quelle preuve que « la parole de la croix » n'est pas simplement un mot, un principe abstrait, une belle théologie, une idéologie, mais qu'elle est vraiment la croix ? Le signe et la preuve, c'est de prendre sa croix et de suivre Jésus (cf. Mc 8,34).

Le signe, c'est de participer à ses souffrances (Ph 3, 10 ; 8,17), d'être crucifié avec lui (Ga 2,20), de compléter, par nos propres souffrances, ce qui manque à la passion du Christ (Col, 24).

J'insiste sur ce point car, comme toujours en ces méditations, nous cherchons à établir une synthèse. La synthèse de ce qui peu à peu dans l'Eglise a fini par être placé en opposition alors que ce doit être tenu ensemble.

Marie est le meilleur signe d'une Église non encore divisée, non encore fractionnée en diverses dénominations, écoles, courants.

Dans l'Église nous trouvons en effet deux manières de se situer face à la croix et à la passion du Christ :

L'une, plus caractéristique de la théologie protestante, basée sur la foi et l'appropriation, qui prend appui sur la croix du Christ, qui ne veut pas d'autre gloire que la croix du Christ.

L'autre développée, au moins dans le passé, surtout dans la théologie catholique et qui insiste sur souffrir avec le Christ, partager sa passion.

La Parole de Dieu nous suggère que l'important n'est pas de choisir entre l'une ou l'autre attitude, mais de tenir unies les deux ensemble, de développer les deux comportements : celui de la foi et celui de l'imitation.

Il ne s'agir évidemment pas de mettre sur le même plan l'œuvre du Christ et la nôtre, mais d'accueillir la parole de l'Écriture qui enseigne que l'une - soit la foi, soit les oeuvres -, sans l'autre, est morte (cf. Jc 2,14s).

« Souffrir signifie devenir particulièrement ouvert à l'action des forces salvifique de Dieu, offertes à l'humanité dans le Christ. »[1]

Souffrir unit à la croix du Christ de manière non seulement intellectuelle, mais existentielle et concrète. C'est une sorte de canal, de chemin d'accès, à la croix du Christ, non pas parallèlement à la foi, mais ne faisant qu'un avec elle.


[1] Jean-Paul II, Salvifici doloris 23 (AAS 76,1984, p. 231)


Raniero Cantalamessa,

Prédicateur de la Maison Pontificale.

Extraits de : Raniero CANTALAMESSA, Marie miroir pour l'Eglise,

éd saint Augustin 2002, p.149-154