Le rouleau ouvert (Ap 11), rôle des martyrs chrétiens

Ap 11 : Le rouleau ouvert

omme le prophète Ezéchiel (Ez 1-3), Jean a une vision du trône divin et reçoit l'ordre de manger un rouleau.

Jean est un prophète chrétien : le rouleau est ouvert par le Christ-Agneau.

L'ordre de la vision prophétique :

1. « Et je vis dans la main droite de Celui qui siège sur le trône un livre roulé, écrit au recto et au verso, et scellé de sept sceaux. » (Ap 5, 1) Ce livre est pris par l'Agneau, seul digne d'en ouvrir les sceaux (Ap 5, 7).

2. Les évènements à l'ouverture des sceaux ne sont pas le contenu du rouleau, comme on l'a supposé trop souvent. Ils préparent la révélation du contenu du rouleau. Ce sont les sept sceaux et les sept trompètes, des fléaux et des plaies, strictement limités : la première série affecte un quart de la terre, la seconde série affecte un tiers de la terre (Ap 6-9). Ils doivent conduire l'humanité au repentir, or ceux qui survivent aux jugements ne se repentent pas : « Ils n'abandonnèrent ni leurs meurtres, ni leurs sorcelleries, ni leurs débauches, ni leurs rapines. » (Ap 9, 21).

3. C'est alors qu'est révélé le contenu du rouleau : le rouleau, désormais ouvert, réapparaît en 10, 2. 8-10, tenu par un ange. La voix du ciel dit à Jean « Va prendre le petit livre ouvert dans la main de l'Ange debout sur la mer et sur la terre. » (Ap 10, 8) Et Jean mange le rouleau.[1] Que contient donc le rouleau ? Il contient l'explication du plan divin pour obtenir la conversion des nations.

Ce plan divin est expliqué en résumé au chapitre 11, et d'une manière plus détaillée aux chapitres 12-15.

4. Après cela (Ap 15-16), les jugements qui accompagnent les sept coupes sont illimités, ils affectent toute la terre et détruisent ceux qui ne se repentent pas (Pendant la 7° coupe, les hommes blasphèment, Ap 16, 21). Approche la fin du monde. Mais Dieu sera fidèle à sa création, qui sera transfigurée.

5. Et la fin de l'Apocalypse décrit la résurrection des morts, la citadelle des saints, Satan jeté dans l'étang de feu, la nouvelle terre et la nouvelle Jérusalem. Cette partie décrit le jugement final, et, en quelque sorte, l'enfer et le ciel.

Le contenu du rouleau

Il y a « deux témoins » comme deux flambeaux (Ap 11, 4), autrement dit, comme les lampadaires qui symbolisent les sept Eglises en Ap 1-2. Qu'ils ne soient que deux ne veut pas dire qu'ils ne soient qu'une partie de l'Eglise, mais correspond à l'exigence biblique selon laquelle des preuves ne sont recevables que sur le témoignage de deux témoins (Dt 19, 15)[2].

Les deux témoins sont « revêtus de sacs » (Ap 11, 3), autrement dit, ils prêchent la pénitence, le repentir, la conversion[3].

Ils sont martyrs : tués par la bête, ce qui veut dire qu'ils meurent martyrs. Après trois jours et demi, « Dieu leur infusa un souffle de vie qui les remit sur pieds, au grand effroi de ceux qui les regardaient. » (Ap 11, 11). Ce récit ne signifie pas que les nations doivent voir la résurrection matérielle des martyrs chrétiens avant d'être convaincus de la vérité de leur témoignage, mais qu'elles doivent s'apercevoir que les martyrs participent au triomphe du Christ sur la mort.[4]

Un avertissement plutôt doux est donné à l'humanité. Un tremblement de terre fait crouler un dixième de la ville et fait périr 7000 personnes, c'est un jugement qui peut être qualifié de salvifique : dans l'Ancien Testament, un dixième (Is 6, 13 ; Amos 5, 3) ou sept mille personnes (1R 19, 18) constituent le reste épargné, tandis que le jugement balaye la majorité. Jean renverse cette estimation : le « reste » est constitué par les neuf dixièmes.

Les gens se convertissent. Et voici la conclusion : « Les survivants, saisis d'effroi, rendirent gloire au Dieu du ciel. » (Ap 11, 13). Ce plan de Dieu a obtenu ce que les avertissements des sept sceaux et des sept trompètes n'avaient pas obtenu (Ap 9, 21) : la conversion.

- Un grand signe dans le ciel, une Femme - le désert, le cantique de l'Agneau.

La femme enfante un fils qui est le Messie, celui qui doit mener les nations avec un sceptre de fer. Le Fils monte au ciel. C'est Jésus, roi des juifs, élevé sur la croix, et monté aux cieux dans son Ascension (Ap 12, 1-5).

Il est dit aussi que le reste de ses enfants entre dans le combat contre le dragon (Ap 12, 17), la femme est donc aussi la mère des disciples.

Ainsi, le plan salvifique est-il détaillé par la médiation maternelle de cette femme.

La vision de la femme se prolonge par la vision du combat entre la vérité et le mensonge : le Dragon égare le monde entier (12, 9), la deuxième bête égare les habitants de la terre (13, 14), mais ceux qui suivent l'Agneau sont sans mensonge (14, 5).

La victoire des fils de la femme, c'est la victoire de leur témoignage, que le martyre n'a pas pu détruire : « Mais eux l'ont vaincu par le sang de l'Agneau et par la parole dont ils ont témoigné, car ils ont méprisé leur vie jusqu'à mourir. » (Ap 12, 11). Notons que l'ensemble du verset requiert que la mention du sang de l'Agneau ne soit pas seulement une référence à la mort du Christ, mais aussi à la mort des martyrs chrétiens, qui suivant l'exemple du Christ, rendent témoignage jusqu'à mourir[5].

C'est un nouvel Exode. La femme est nourrie au désert (Ap 12, 6), comme les Hébreux après la traversée de la mer rouge. Cette image est expliquée ensuite : ceux qui ont triomphé de la Bête ont traversé la « mer », ils ont vécu un nouvel Exode et chantent le « cantique de Moïse », mais ils chantent aussi le « cantique de l'Agneau », car par leur martyr ils conduisent toutes les nations païennes à « se prosterner » devant Dieu (Ap 15, 3-4).

Nous pourrions parler d'une coopération des martyrs à la Rédemption.

Une question ouverte :

La question reste ouverte de savoir si les nations vont accueillir le témoignage des martyrs. Les jugements des sept coupes concernent ceux qui auront persisté dans le mensonge et continué à adorer la Bête (Ap 15-16).


[1] Cf. Richard Bauckham, La théologie de l'Apocalypse, Cerf, Paris 2006, p. 96-97

[2] Ibid., p.101

[3] Jonas 3, 4-10 ; Mt 11, 21 ; Lc 10, 13.

[4] Richard Bauckham, La théologie de l'Apocalypse, Cerf, Paris 2006, p.104.

[5] Richard Bauckham, La théologie de l'Apocalypse, Cerf, Paris 2006, p. 91


Synthèse Françoise Breynaert