Saint Ælred de Riévaulx (1110-1167), docteur de l’amitié et de la charité

Saint Ælred de Riévaulx

Saint Aelred agenouillé devant le roi Henri II d'Angleterre, miniature.

St Ælred de Riévaulx (1110-1167), surnommé le « st Bernard anglais », fut l'un des Cisterciens les plus influents de l'Angleterre du XIIès. Éduqué à la cour du roi d’Écosse David, il devint dès 1146 abbé de l’abbaye  de Riévaulx, première abbaye cistercienne du nord de l'Angleterre, fondée en 1132 par des moines de l'abbaye de Clairvaux .

L'abbaye de Riévaulx (Grande-Bretagne)

Universellement reconnu pour ses qualités pastorales, ainsi que pour ses talents d'éducateur et de formateur, st Ælred est l’auteur d’un grand nombre d’ouvrages, dont 80 sermons remplis de citations de st Paul et de st Augustin, un dialogue sur l’Amitié spirituelle, inspiré de Cicéron, deux traités de vie spirituelle : Le Miroir de la charité, qui lui a été demandé par st Bernard, et La vie de recluse, écrit pour sa sœur. Il est considéré comme « docteur de la charité et de l’amitié ». St Ælred fait partie de ceux que Dom Anselme Le Bail nomme les "quatre évangélistes de Cîteaux" : saint Bernard de Clairvaux, saint Ælred de Rievaulx, et les Bienheureux Guillaume de Saint-Thierry, admirateur et ami de Bernard, et Guerric d'Igny, qui forment ainsi la première génération des auteurs spirituels cisterciens. Ælred de Rievaulx est fêté comme saint à la fois dans l’Église catholique et dans l’Église anglicane le 12 janvier.

La Vierge Marie dans l’œuvre de st Ælred de Riévaulx

Jean Bellegambe. La Vierge Marie protégeant les Cisterciens. v.1507.

Comme tout cistercien, st Ælred fut un grand dévot de la Vierge Marie. Il a composé de nombreux sermons, à l’occasion des fêtes liturgiques mariales, qui mettent en valeur les vertus de la Vierge et font partie intégrante de l’histoire de la mariologie.

Les sermons sur la Vierge Marie

Le Sermon sur l’Annonciation présente la méditation du Mystère de l’Annonciation comme un modèle de sanctification. Marie tient ainsi une place éminente dans l’Église.

Dans le Sermon sur la Nativité de la Bienheureuse Vierge Marie, §§ 5-15 , st Ælred écrit :

« Par elle, nous sommes nés, par elle nous sommes nourris, par elle nous grandissons. Par elle nous sommes nés non pas au monde mais à Dieu. Par elle nous sommes nourris non de lait matériel mais de celui dont parle l’Apôtre (1 Co 3, 2 : l’enseignement de Paul). Par elle nous grandissons, non en taille, mais en vertu de l’âme ».

Dans le second Sermon pour la Nativité de la Bienheureuse Vierge Marie, st Ælred énumère les titres de Marie : notre Mère (§6), notre Souveraine (Domina nostra, § 11), notre Sœur (§ 13) ; elle est vénérée pour ses vertus : humilité, chasteté, charité (§ 14). Elle sera dite aussi l’Auxiliatrice, par excellence, dans le Sermon 22, et qualifiée de « Nef » (navire) qui permet de traverser le monde pour rejoindre le Christ.

Enfin, dans le Sermon 20 sur l’Assomption (§§ 2-34), st Ælred dit que la Vierge Marie est « le type de la recherche de Dieu pour le moine » (Sermon 20 sur l’Assomption, §§ 2-34).

St Ælred de Riévaulx et les dogmes marials

Pour Ælred, le Christ est à la fois époux et Fils de la Vierge Marie : Époux , car il a uni à sa divinité l'âme de la Vierge Marie ; Fils parce que, en étant Dieu, il s'est fait homme en sortant de Son sein.
En Marie coïncide sainteté et beauté : en effet, sur Elle repose l’Esprit saint. St Ælred a eu de très belles intuitions sur la médiation et maternité spirituelle de la Vierge Marie,  avant st Bernard de Clairvaux.

St Ælred affirme, huit siècles avant la proclamation du dogme de l’Assomption, qu’

« Il y n'a pas à s'étonner si la Mère de Dieu, qui fut avec lui pendant son enfance et sa passion, doive être élevée au ciel avec aussi son corps et être exaltée au-dessus des chœurs des anges. »

Il est donc naturel que tout moine serve la Vierge Marie comme le chevalier se mettait lui-même au service de sa propre dame. Il écrit ainsi, dans le Sermon 2 sur la Nativité, que Marie est Reine :

« L’épouse de notre Roi est aussi notre reine, donc servons-La ».

Une « lectio en acte » de l’évangile

La  troisième partie de l’œuvre intitulée La vie de recluse, qu’Ælred a écrite pour sa sœur, est une invitation à fréquenter les Écritures, à partir d’une méthode de méditation des mystères de la vie du Christ, méditations qui deviendront les mystères du Rosaire. On peut qualifier cette méthode de « lectio en acte ». Partant ainsi de la scène de l’Annonciation jusqu’à la Résurrection, st Aelred propose d’entrer dans les scènes évangéliques et d’être acteur de ce qui se passe :

« Entre d’abord dans la chambre de la bienheureuse Vierge Marie […] là attends l’arrivée de l’ange pour le voir entrer, pour l’entendre faire sa salutation […] ». Pour la Visitation, il donne ce conseil : « Suis maintenant la très douce Dame et gravis avec elle la montagne » , etc.

De même, pour l’épisode du Recouvrement de Jésus au Temple, saint Aelred s’adresse directement à la Vierge Marie, lui demandant de lui révéler quels furent ses sentiments en découvrant Jésus au milieu des docteurs.

St Aelred et l’amitié spirituelle

St Aelred a repris le De amicitia de Cicéron, en l’enracinant dans l’univers chrétien : ainsi, il débute son Traité sur l'amitié véritable  par ces paroles :

« L’amitié véritable prend naissance dans le Christ, se maintient conformément au Christ, atteint son but et devient d’autant plus profitable qu’elle est tournée vers le Christ. Car il est évident que Cicéron n’a pas connu la valeur de la véritable amitié puisqu’il en ignorait totalement le principe et le but, à savoir le Christ. » (I, 8)

Il relie ainsi l’amitié au "Seigneur des vertus », et donne des conseils spirituels sur le choix et la mise à l’épreuve d’un ami, et même sur la façon douce de rompre une amitié lorsque cela s’avère nécessaire.

 

Le Miroir de la charité

Le traité du Miroir de la Charité est plein de conseils spirituels : sortir de l’impureté, sortir de l’impatience, sortir du cercle des convoitises déçues, en contemplant la vie du Christ, pour entrer dans la sagesse.